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Pakistan

Le Pakistan encourage le «rapatriement volontaire» des réfugiés afghans

A sept heures du matin, une centaine de camions stationne déjà devant « l’IRIS Validation Center » de l’UNHCR. Chaque jour, 270 familles de réfugiés rentrent en Afghanistan.(Photo : Jeanne Grimaud)
A sept heures du matin, une centaine de camions stationne déjà devant « l’IRIS Validation Center » de l’UNHCR. Chaque jour, 270 familles de réfugiés rentrent en Afghanistan.
(Photo : Jeanne Grimaud)
Cette semaine, ce sont encore 14 camps de réfugiés qui vont fermer. Si 3,8 millions d’afghans vivent toujours dans la République islamique, 2,4 ont été « volontairement rapatriés » depuis 2002. Islamabad et l’UNHCR mènent une politique qui conduit à la fermeture progressive des camps mais envisage à terme une solution pour les Afghans qui auront choisi de résider au Pakistan.

De notre envoyée spéciale dans la Zone tribale

Sur la route d’Ayat Abad à Peshawar, devant «l’IRIS Validation Center» qui se situe face au camps de Kacha Gari, des camions aux peintures bariolées et rutilantes stationnent à la queue leu leu. Il est à peine sept heures du matin et ils sont déjà une centaine, chargés de lits, de matelas, de vaisselle, de bétail... A l’ombre des camions, assises sur des bâches en plastique, des femmes à la dhurka et leurs ribambelles d’enfants attendent que le «chef de famille» remplisse les formalités. «Chaque jour, 270 familles rentrent en Afghanistan» témoigne Yaris, de l’UNHCR, qui enregistre ici les réfugiés et les aide à accomplir leurs démarches. «La plupart ont déjà rempli le formulaire de «rapatriement volontaire», ou viennent le chercher. Puis nous vérifions leur identité en scannant leur iris par ordinateur et ils prennent la route».

«Je suis afghane ! »

Sabina a 23 ans. Elle est née à Kacha Gari où ses parents sont venus s’installer en 1981, au début de l’invasion russe. Dans quelques heures, elle sera pour la première fois dans son pays. Etrangère chez elle ? «Mes parents nous ont toujours parlé de l’Afghanistan, de notre culture et de notre famille. C’est ce qui nous a permis de nous forger notre identité car depuis ma naissance, je me suis toujours sentie réfugiée, jamais pakistanaise. Je suis afghane ! » revendique-t-elle. «Nous ne savons pas ce qui nous attend mais nous espérons une vie meilleure. Ici, les conditions de vie sont trop difficiles.» témoigne sa mère. Et Dauladzi, le grand frère et chef de famille : «On habite Kaboul et on aurait pu rentrer il y a trois ans. Mais on a attendu que la guerre contre les Taliban se stabilise et puis, je n’avais pas l’argent pour reconstruire notre maison détruite par les bombardements. Si tout va bien, nous sommes demain à Kaboul, chez des amis, et j’aurais retapé la maison avant l’hiver» espère-t-il. Grâce à la politique de «rapatriement volontaire», Dauladzi avoue avoir retrouvé espoir. «Pour chaque famille souhaitant rentrer, l’UNHCR donne entre 6 et 30$ pour le trajet selon la distance, 12$ par personne afin de reconstruire les habitations, distribue des  tentes, des biens de consommation courante et de la nourriture via le programme d’alimentation mondiale», poursuit Yaris alors que Dauladzi range soigneusement ses «tickets d’assistance» et monte prendre place près du chauffeur. «C’est ce que j’ai de plus précieux. Avec ce papier, j’irai retirer l’argent à Kaboul» dit-il. Pour éviter toute utilisation «frauduleuse», l’UNHCR préfère en effet verser l’argent en Afghanistan, à Kaboul, Jalalabad, Khost ou Ghazni.

Des résidents légaux

Cette politique -accord tripartite entre les gouvernements afghan, pakistanais et les Nations Unies, signé en mars 2003 pour une durée de trois ans– est née après l’afflux de 140 000 réfugiés en novembre 2001 (9 camps temporaires alors installés le long de la frontière ont depuis été fermés); elle a déjà permis le rapatriement de 2,4 millions d’afghans (vivant dans des camps ou à l’extérieur) et la fermeture d’une cinquantaine de camps –où vit 65% de la population réfugiée. Mais les conditions de vie n’y sont pas bonnes et ils sont de plus en plus nombreux à vouloir rentrer. La seule province du Nord Ouest du Pakistan, le long de la frontière, compte 132 camps et 1,8 millions de réfugiés. D’ici la fin de la semaine, 14 camps du Nord Waziristan (zone tribale) vont fermer pour des raisons de sécurité. Une décision annoncée l’an dernier par le gouvernement qui veut y intensifier sa lutte contre le terrorisme. «Nous ne forçons personne à rentrer. Les réfugiés qui veulent rester au Pakistan seront relogés dans un autre camps. Mais sur 6500 personnes, 83% sont déjà rentrées en Afghanistan», atteste le bureau d’informations de l’UNHCR de Peshawar.

Et en 2006, quand l‘accord arrivera à terme, qu’adviendra-t-il des réfugiés qui auront choisi de résider au Pakistan ? «Là est notre priorité» affirme Faridullah Jau Khan, secrétaire général de la Commission des Réfugiés que le gouvernement pakistanais a créée en 1979. «Nous n’avons pas signé la convention des Nations Unies sur le statut des réfugiés mais nous devons donner une identité à ces afghans qui font depuis un quart de siècle partie intégrante  de la société pakistanaise. Nous envisageons de leur donner un permis de résidence et un permis de travail.» Ce qui devrait faciliter leur intégration sociale et économique. Un autre «dossier» lourd pour le gouvernement dont la politique d’emploi et d’insertion de cette population n’a encore jamais été étudiée... et pourrait, pour les afghans, créer des tensions avec les pakistanais qui accusent parfois ces «réfugiés qui sont là depuis des années de leur piquer leur boulot ! » lance rageusement un commerçant de Khyber Bazar !


par Jeanne  Grimaud

Article publié le 23/07/2005 Dernière mise à jour le 24/07/2005 à 14:24 TU