Proche-Orient
Les colons déterminés, Sharon inflexible
(Photo: AFP)
La place Rabin était orange jeudi soir, de la couleur du Goush Katif, ce bloc de colonies de la bande de Gaza qui doit être démantelé à partir de la semaine prochaine. Par dizaines de milliers, les partisans des colons et les sympathisants du camp ultra-nationaliste sont en effet venus de tout le pays pour montrer à Ariel Sharon leur hostilité à son plan de retrait. Cette manifestation –l’une des plus importantes depuis l’annonce du calendrier du désengagement– se voulait avant tout pacifiste même si la violence de certains slogans pouvait inquiéter. «Un Gaza sans juifs souhaite la bienvenue à al-Qaïda» ou encore «désengagement égale nettoyage ethnique des juifs» pouvait-on en effet lire sur les banderoles. Haranguant la foule, Bentzi Lieberman, l’un des responsables de Yesha –le Conseil des colonies de Cisjordanie et de Gaza–, a déclaré qu’«aucun pays arabe n’avait fait à ses citoyens ce que Sharon fait». «Avant d’expulser les gens de chez eux, un plan pareil devrait passer l’épreuve d’une élection ou d’un référendum», a-t-il lancé.
Mais plus qu’une démonstration de force, la manifestation de jeudi soir avait avant tout pour objectif d’arrêter un plan pour tenter d’empêcher, ou du moins de gêner, l’application du retrait. Sur un écran géant, des consignes précises ont ainsi été données aux manifestants: «Equipez-vous de bonnes chaussures, de boissons et de vêtements. Partez par milliers vers toutes les villes du sud d’Israël; sur toutes les routes, couchez-vous par terre !» pouvait-on notamment lire. Ces consignes marquent un changement de stratégie des responsables des colons qui caressent désormais le rêve d’attirer un maximum d’opposants au plan de retrait sur les routes menant à Gaza. Youval Porat, l’un des stratèges du mouvement des colons, l’a d’ailleurs ouvertement annoncé. «La prochaine étape va consister à envoyer des centaines de groupes de manifestants enfoncer lundi des barrages militaires pour aller aider les colons de Gaza à résister à l’évacuation sans violence», a-t-il annoncé, assurant que 100 000 personnes au moins seraient au rendez-vous. «Nous sommes prêts à être arrêtés ou frappés par des policiers ou des soldats», a-t-il ajouté visiblement déterminé.
Tolérance zéro contre les militants extrémistesSelon l’armée israélienne, quelque 5 000 militants opposés au retrait se sont d’ores et déjà infiltrés dans la bande de Gaza. «Ils veulent servir de boucliers humains pour protéger certaines des 21 colonies» de ce territoire, a affirmé à l’AFP une source militaire. Tsahal a limité jeudi, cinq jours plus tôt que prévu, l’accès de la région uniquement aux résidants des implantations, aux forces de sécurité et aux transporteurs livrant des produits de première nécessité ou effectuant les déménagements des colons.
En avançant cette date, l’armée israélienne espérait prendre de cours les militants extrémistes juifs qui vont dans les prochains jours chercher par tous les moyens à s’infiltrer dans la bande de Gaza pour empêcher l’évacuation de ce territoire. Mais les forces de sécurité sont prêtes à les accueillir. A en croire en effet le quotidien Haaretz, qui cite «un important» responsable de la police, les forces israéliennes ont reçu pour consigne d’appliquer une politique de «tolérance zéro» envers les milliers d’opposants au retrait présents illégalement dans la bande de Gaza. «Notre première tâche avant de commencer à appliquer le plan de retrait sera d’avoir recours à tous les moyens nécessaires pour évacuer ces infiltrés», a notamment déclaré ce responsable. «Il s’agit de personnes qui ont violé la loi, dont l’unique but est de perturber le désengagement, et notre politique à leur égard sera la tolérance zéro car il n’y a pas lieu de discuter avec eux», a-t-il ajouté.
Sur le plan politique, le Premier ministre Ariel Sharon a une nouvelle fois affirmé qu’il n’avait aucun regret quant à son plan de retrait et cela malgré les divisions que ce dernier a suscitées au sein de la société israélienne. Dans un entretien au quotidien à grand tirage Yediot Aharonot, il a en effet déclaré : «même si j’avais su par avance quelle ampleur aurait la résistance à ce projet, je l’aurais réalisé». Le patron du Likoud, très contesté dans son propre parti, a par ailleurs indiqué qu’il refusait de demander le pardon des colons qui vont être la semaine prochaine évacués, comme l’avait fait la veille le président Moshe Katzav. «Il n’est pas question dans cette affaire de demander pardon, mais de participer à leur douleur», a-t-il insisté. Le Premier ministre doit prononcer lundi soir un discours radiodiffusé à la nation.
par Mounia Daoudi
Article publié le 12/08/2005 Dernière mise à jour le 12/08/2005 à 12:14 TU