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Proche-Orient

Les Palestiniens de Gaza préparent leur libération

Les pêcheurs palestiniens de la bande de Gaza s'apprêtent à célébrer le retrait israélien.(Photo: Manu Pochez/RFI)
Les pêcheurs palestiniens de la bande de Gaza s'apprêtent à célébrer le retrait israélien.
(Photo: Manu Pochez/RFI)
Spots de publicité, déploiement de policiers, recrutement de volontaires: pour garantir le calme durant le retrait israélien et contrer dans la rue la propagande du Hamas, l’Autorité palestinienne a déployé les grands moyens.

De notre envoyé spécial à Gaza

Depuis quelques jours, un spot de publicité tourne en boucle sur les radios de la bande de Gaza. «Ne transformons pas notre victoire en émeute. Respectons les consignes du ministère de l’Intérieur.» A la télévision, un clip du même acabit martèle la conduite à suivre durant la période du désengagement. Retenue, respect de la loi, ne pas s'approcher des colonies qui doivent être évacuées, éviter les objets douteux. Pour Adnan Al-Dmeiri, le responsable de l'information au ministère palestinien de l'Intérieur, l’enjeu est décisif: «Si une caméra de CNN filme un Palestinien qui tient à la main un objet, même sans valeur, pris de la maison d'un colon, toute l'affaire du retrait changera et l'image de ce Palestinien deviendra symbolique, comme celle des pilleurs lors de la chute de Bagdad.»

Réussir le retrait. Cette obsession n’agite pas que les nuits des dirigeants israéliens. Après de longs mois d’inertie, passés à ergoter sur les desseins cachés d’Ariel Sharon, les responsables palestiniens ont fini par admettre qu’ils jouaient gros dans cette opération et qu’il importait de s’y préparer quelle qu’en soit la raison d’être. Dans un discours devant le Parlement réuni à Gaza et retransmis en direct à la télévision, Mahmoud Abbas a appelé ses compatriotes à éviter les provocations: «Laissons-les partir», a-t-il dit, ajoutant qu'une transition dans le calme «prouverait au monde que nous méritons un Etat et que le retrait de Gaza n'est pas une fin, mais un commencement.»

Campagne de propagande

Les jeunes Palestiniens se mobilisent.
(Photo: Manu Pochez/RFI)
Pour remplir cet objectif, l’Autorité palestinienne s’apprête à déployer 7 500 soldats en lisière des colonies. Une salle de commandement mixte est également sur le point d’être inaugurée par la sécurité nationale palestinienne et l’armée israélienne qui ont pour l’occasion unifié leurs cartes. Ce large dispositif vise à prévenir toute attaque des groupes armés durant les opérations d’évacuation et à empêcher ensuite les voisins palestiniens des colonies d’y pénétrer pour célébrer leur «libération». Pour ne pas donner l’impression que le désengagement est confisqué par ses policiers, l’Autorité palestinienne, sous l’impulsion de Mohamed Dahlan, le ministre des Affaires civiles qui pilote le retrait, a investi, pour la première fois de son histoire, de gros efforts en matière de relations publiques. Un comité de soutien populaire au retrait a été créé, dont la direction, en gage d’ouverture, a été confiée à une personnalité extérieure au Fatah, le parti au pouvoir. «Il s’agit d’inciter la population au calme et de la convaincre que grâce à notre vigilance, les terres évacuées seront utilisées dans son intérêt, dit le président du comité, Kamal Ash-Sharafi, un député indépendant. C’est seulement comme cela que ces terrains seront protégés efficacement.»

Cette campagne de propagande s’appuie sur la mobilisation des médias locaux mais aussi sur le recrutement de 20 000 shebabs (jeunes). Rémunérés 100 dollars par mois sur trois mois, équipés de casquettes et de T-shirts recouverts d’un slogan efficace –«Aujourd’hui Gaza, demain Jérusalem et la Cisjordanie»–, ces militants ont été répartis en plusieurs milliers de sous-groupes, dont chacun est affecté à un emplacement précis, à proximité des colonies. Pendant toute la période du retrait, ils auront pour mission d’épauler les policiers, de subvenir aux besoins de la population en cas d’incident et de capturer l’attention des médias internationaux par leur enthousiasme et leur discipline patriote. En brandissant le drapeau palestinien, dont des milliers ont été produits ces derniers jours, ils auront aussi pour vocation d’éclipser les banderoles du Hamas qui prévoit d’immenses défilés pour célébrer ce qu’il considère comme sa victoire.

«Le Fatah veut battre le Hamas sur son propre terrain, c’est à dire dans la rue, dit Omar Shaban, un économiste, conseiller occasionnel de Dahlan. En y envoyant non seulement des soldats mais aussi des civils, hommes et femmes mélangés, il s’efforce de réduire la visibilité des islamistes.» Ce faisant, l’Autorité palestinienne espère aussi damer le pion au gouvernement israélien. «Sharon sait très bien comment encourager le chaos au sein de la bande de Gaza, dit Hani Habib, un écrivain, membre du comité de soutien populaire. Notre but consiste à l’empêcher de dire "regardez, ils ne sont pas civilisés, ils ne méritent pas un Etat". Pour cela, nous avons recruté très large, jusqu’au sein du Hamas.»

Main basse sur les marchés

Sur le port de Gaza.
(Photo: Manu Pochez/RFI)
Cette débauche d’efforts ne convainc cependant pas tout le monde. Le nom de Dahlan, associé à certaines des rumeurs de corruption les plus insistantes de la période d’Oslo, fait souvent grincer des dents. Derrière les discours zélés et le tapage de l’Autorité, de nombreux observateurs craignent le retour de vieilles dérives. «Dahlan va réussir son retrait parce qu’il a beaucoup d’argent et qu’il peut mobiliser des milliers de shebabs, dit Adnan Abu Hasna, un journaliste gazawi. Mais après ? Les seuls qui sont prêts, qui ont les plans et le savoir, ce sont les hommes d’affaires. Sur tous les marchés juteux qui émergent dans le sillage du retrait, on retrouve les cinq même noms qui correspondent aux cinq patrons qui tiennent déjà l’économie palestinienne. Ce qui nous attend, ce n’est pas un processus de paix, c’est un processus affairiste.» Parmi ces noms, figurent d’ailleurs celui d’un intime de Dahlan, pressenti, selon la rumeur publique, pour le marché du déblaiement des colonies, financé à hauteur de 25 millions de dollars par la Banque Mondiale. «Y aura-t-il des appels d’offres ? Le processus d’attribution des marchés sera-t-il transparent ? Sera-t-il approuvé par le Parlement, demande Omar Shaban. A toutes ces questions, nous n’avons pour l’instant pas de réponse.»

Vendredi soir, sur le port de Gaza, à l’occasion de la première cérémonie de célébration du retrait organisé par l’Autorité palestinienne, Mohamed Dahlan s’est voulu rassurant. «Ceux qui pensent que les colonies ne profiteront pas au peuple se trompent, a-t-il dit devant un maigre public, composée de quelques centaines de jeunes dont une majorité de recrues du comité de soutien. Nos plans visent en priorité les pauvres, les familles de martyrs et de prisonniers et les blessés. Alors cessons de nous plaindre et remontons nos manches pour reconstruire ce qui a été détruit par l’occupation.» Les jeunes éparpillés sur la jetée écoutaient d’une oreille distraite. Aux promesses du ministre, beaucoup préférait le ballet dans la baie des barques de pêcheurs décorées aux couleurs de la Palestine.


par Benjamin  Barthe

Article publié le 13/08/2005 Dernière mise à jour le 15/08/2005 à 14:21 TU

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