Proche-Orient
L’opération «La main tendue aux frères» a commencé
(Photo: AFP)
A minuit pile, ce dimanche 14 août 2005, la barrière jaune du point de passage de Kissoufim s’est abaissée pour interdire officiellement aux civils israéliens l’accès à la bande de Gaza où leur présence est désormais illégale. Des pancartes rouges, accrochées à même la barrière, le rappellent sans ambiguïté et dans deux langues, en hébreu et en anglais : «Stop ! Selon la loi il est interdit d’entrer dans la bande de Gaza et d’y séjourner». Les seuls véhicules encore autorisés à pénétrer dans ce Territoire palestinien sont des camions et des jeeps de l’armée et de la police qui croisent les camions de déménagement des colons qui ont accepté de partir dans le calme et de ne pas affronter les forces de l’ordre israéliennes chargées de les évacuer.
Au même moment éclataient à Neve Dekalim, la plus importante colonie du Goush Katif, les premiers incidents entre militaires et extrémistes opposés au retrait. Indifférents aux appels au calme lancés par les dirigeants de cette implantation, des centaines de jeunes –dont beaucoup venaient d’Israël ou des colonies de Cisjordanie– s’en sont pris à des jeeps de l’armée dont ils ont brisé les vitres et crevé les pneus. Ils ont également mis le feu aux cartes des colonies de la bande de Gaza qu’ils ont arrachées aux militaires. Ce déchaînement de violences, que l’armée redoutait tant, a visiblement pris de court les responsables de Neve Dekalim et les représentants de Yesha, le conseil des colonies juifs de Cisjordanie et de Gaza, qui ont été incapables de maîtriser ces jeunes. «Nous ne voulons pas de cette lutte. Nous, ce que nous voulons, c’est une opposition passive. Ce que nous avons décidé, c’est de bloquer l’entrée des jeeps en nous asseyant à l’entrée de la localité, en chantant et en priant. Tout sauf ça…», a affirmé, très affecté, Lior Kalfa, le secrétaire général de l’implantation. Le rabbin Shlomo Aviner, qui a essayé de convaincre ces jeunes extrémistes de renoncer à la violence, a été malmené. L’un d’eux, furieux, n’a pas hésité à le faire tomber et à le frapper.
Après mardi minuit, l’évacuation se fera par la force
La violence de ces incidents, auxquels les forces de l’ordre ont été longuement préparées ces dernières semaines, augure mal de la suite des événements tant les colons opposés au retrait paraissent déterminés à ne pas faciliter les choses aux autorités. Conscient des problèmes que devront affronter ses troupes, le chef d’état-major, le général Dan Haloutz, a tenté une dernière fois dimanche de préparer ses hommes. «Nous ne partons pas au combat, ceci n’est pas une guerre, on ne nous demande pas de remporter une victoire, on ne nous demande pas de soumettre qui que ce soit. Au final, nous voulons tendre la main à nos frères», leur a-t-il dit lors d’une ultime réunion. «Il faut autant que possible évacuer dans le calme et éviter la violence», a-t-il conclu.
Dès lundi matin 7h00 (heure locale), l’armée israélienne et la police ont conjointement commencé à distribuer les ordres écrits d’évacuation à tous les colons de la bande de Gaza leur donnant moins de quarante-huit heures pour plier bagages. Ceux qui ne seront pas partis mardi à minuit seront expulsés par la force. Dans certaines colonies du nord de la bande de Gaza, comme Nissanit et Elei Sinai, les forces de l’ordre ont pu accomplir leur mission sans difficultés. Mais à Neve Dekalim, la distribution des avis a dû être abandonnée, des centaines de colons et d’opposants au retrait bloquant l’entrée de cette implantation. Soucieux de ne pas envenimer les choses, les autorités chargées de l’évacuation ont donc choisi de faire profil bas. «S’ils ne nous laissent pas entrer, nous n’allons pas forcer notre chemin», a déclaré à l’AFP un porte-parole de la police faisant valoir que les habitants de Neve Dekalim avaient encore «deux jours pour évacuer les lieux de leur plein gré». Les policiers, qui avaient dans un premier temps déployé en face de l’entrée principale de la colonie un canon à eau, se sont finalement retirés pour éviter une confrontation avec les manifestants.
Selon les estimations de l’armée, des centaines de colons –sur les 8 000 qui vivent dans la bande de Gaza– ont d’ores et déjà quitté ce territoire et près de la moitié l’auront fait d’ici l’expiration du délai légal à leur présence. Mais quelque 3 000 à 4 000 personnes opposées au retrait venant d’Israël mais surtout des implantions de Cisjordanie sont arrivées ces derniers jours pour prêter main forte à ceux qui n’ont pas l’intention de partir. «Nous saurons nous occuper d’eux», a prévenu le général Guy Tzur, en charge des opérations sur le terrain.
par Mounia Daoudi
Article publié le 15/08/2005 Dernière mise à jour le 15/08/2005 à 17:04 TU