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Proche-Orient

Sharon le pragmatique

Dans une allocution télévisée, le Premier ministre israélien Ariel Sharon a justifié une nouvelle fois le retrait de la bande de Gaza.(Photo : AFP)
Dans une allocution télévisée, le Premier ministre israélien Ariel Sharon a justifié une nouvelle fois le retrait de la bande de Gaza.
(Photo : AFP)
Le Premier ministre israélien avait prévenu : pas question de faire des excuses aux colons comme l’avait fait quelques jours auparavant le chef de l’Etat Moshe Katsav. Dans sa brève allocution à la nation, Ariel Sharon a donc une nouvelle fois justifié sa décision de rendre aux Palestiniens la bande de Gaza, un territoire qu’Israël occupe depuis trente-huit ans. Il a également renvoyé la balle dans le camp du chef de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, en lui rappelant que «le monde attend la réponse» au retrait de Gaza.

Mal à l’aise dans son costume sombre, et face à un  prompteur sur lequel défilait le texte de son allocution, Ariel Sharon est apparu hier soir particulièrement tendu sur la première chaîne de la télévision israélienne. Peut-être parce qu’il avait à lire, au soir d’une longue et turbulente carrière d’abord militaire, puis politique, un texte que le quotidien Haaretz a qualifié de «discours de sa vie». Le patron du Likoud, longtemps champion de la colonisation, a soigneusement pesé ses mots pour justifier, ce qui, récemment encore, était impensable : l’évacuation de la bande de Gaza qu’il a décidée puis planifiée durant ces deux dernières années. «Ce n’est un secret pour personne que, comme beaucoup d’autres, j’avais cru et espéré que nous pourrions être présents pour toujours à Netzarim et Kfar Darom. Mais la réalité qui a changé dans le pays, dans la région et dans le monde, a nécessité de ma part une réévaluation et un changement de position», a-t-il déclaré. Pragmatique, il a, en quelques mots, résumé ce qui a justifié sa décision. «Nous ne pouvons pas nous maintenir éternellement à Gaza là où plus d’un million de Palestiniens vivent massés dans des camps de réfugiés, dans la pauvreté, dans des foyers de tension et de haine, sans perspective d’espoir», a-t-il en effet asséné.

Le général Sharon humain ? En tout cas réaliste. D’autant plus que sa décision –«la plus difficile et la plus douloureuse»– d’évacuer les colons de la bande de Gaza va considérablement changer la donne dans la région. Et le Premier ministre n’a d’ailleurs pas attendu pour abattre ses cartes. «Le monde attend la réponse des Palestiniens, une main offerte à la paix ou le feu du terrorisme, a-t-il lancé. A une main tendue, nous répondrons par un rameau d’olivier. Mais s’ils choisissent le feu, nous répondrons par le feu plus sévèrement que jamais». Sharon a donc répondu par la fermeté à ses détracteurs qui l’accusent de brader la sécurité d’Israël en quittant Gaza sans contreparties. Le Premier ministre a rappelé avec insistance que les Palestiniens devaient «lutter contre les organisations terroristes, les démanteler et les désarmer afin de permettre la tenue de négociations de paix, après l’application du plan de désengagement». Alors qu’il y a encore peu il assurait que le retrait de Gaza était une décision unilatérale, et que son principal conseiller, Dov Weisglass, soutenait qu’il allait permettre d’enterrer définitivement la Feuille de route, Ariel Sharon a fait une nouvelle fois preuve de pragmatisme. Loin d’être une fin en soi, le départ de ce territoire palestinien est selon lui un engagement «sur une nouvelle voie qui comporte beaucoup de risques mais aussi un rayon d’espoir pour nous tous».

La campagne est lancée

Dans sa brève allocution, le Premier ministre a également pris le temps de s’adresser aux colons dont il a affirmé partager les souffrances. «Je comprends l’angoisse des colons mais nous sommes un seul peuple. Un chapitre s’achève. Vos douleurs et vos larmes sont les nôtres. J’ai lancé ce plan de désengagement parce que je le crois indispensable pour Israël», leur a-t-il dit. Se voulant rassurant, Ariel Sharon s’est engagé à ne pas abandonner les familles évacuées de la bande de Gaza après le retrait. «Nous ferons tout notre possible pour reconstruire vos vies et vos communautés», a-t-il déclaré en prenant soin cependant de ne pas s’excuser comme l’a fait il y a quelques jours le chef de l’Etat Moshe Katzav. Car pour le Premier ministre, le retrait de Gaza est «un acte essentiel et vital pour Israël». Il a à ce sujet rendu hommage aux soldats et aux policiers chargés de l’évacuation à qui il a assuré que «la nation entière» les soutenait. 

Bien que bref, le discours d’Ariel Sharon n’en avait pas moins les allures d’un discours de campagne. Le Premier ministre n’a en effet pas oublié qu’il est désormais minoritaire dans son propre parti et que nombreux sont ceux qui au sein du Likoud ambitionnent de prendre sa place. A commencer par son ancien ministre des Finances qui n’a pas hésité à claquer la porte du gouvernement huit jours avant le début du retrait de la bande de Gaza. Et signe que la campagne est bien lancée, au moment même où Ariel Sharon s’adressait à la nation, Benjamin Netanyahou intervenait sur la chaîne de télévision Channel Two pour lancer une sévère mise en garde contre le terrorisme palestinien qui ne manquera pas, selon lui, de frapper Israël après l’évacuation de Gaza. Jouant sur le tout sécuritaire, l’ancien Premier ministre a plaidé pour qu’Israël continue de gérer la sécurité aux portes de ce territoire. «Ne leur donnez pas un port», a-t-il lancé au Premier ministre, se posant ouvertement en rival d’Ariel Sharon pour les législatives prévues à l’automne 2006 et dont beaucoup d’analystes estiment qu’elles seront anticipées.


par Mounia  Daoudi

Article publié le 16/08/2005 Dernière mise à jour le 16/08/2005 à 18:11 TU

Audio

Nissim Zvili

Ambassadeur d'Israël en France

«La bande de Gaza sera complètement libérée de la présence israélienne en novembre, décembre 2005.»