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Proche-Orient

Retrait de Gaza : les violences inévitables ont commencé

Les derniers colons sont évacués par la force.(photo : AFP)
Les derniers colons sont évacués par la force.
(photo : AFP)
Les forces de sécurité israéliennes ont lancé mercredi matin les opérations d’évacuation forcée des colons juifs de la bande de Gaza et des centaines d’opposants au retrait de ce territoire palestinien venus les soutenir. Les colons avaient jusqu’à mardi minuit pour partir de leur plein gré, passé ce délai l’armée et la police avaient pour mission de les déloger manu militari. Si certains de ces colons acceptaient encore mercredi d’être évacués dans le calme, d’autres, beaucoup plus nombreux, étaient plus que jamais déterminés à résister. En Cisjordanie, un territoire palestinien qui n’est pourtant pas concerné par le retrait, un colon juif a tiré sur des Palestiniens et tué trois personnes.

Dès mercredi matin 7h00, heure locale, soit quelques heures après la fin du délai octroyé par le gouvernement pour les départs volontaires, l’armée israélienne a dépêché dans la bande de Gaza d’importants renforts militaires pour expulser les colons et leurs sympathisants de ce territoire palestinien que l’Etat hébreu occupe depuis trente-huit ans. Des convois, composés de bus, de camions et de jeeps, ont franchi le point de passage de Kissoufim en direction des implantations du Goush Katif où vivent la grande majorité des colons. Quatre des colonies de la bande de Gaza, où habitaient des familles laïques, ont d’ores et déjà été évacuées et l’armée a même commencé à démolir, à coups de bulldozers, les bâtiments laissés vacants dans l’implantation de Nissanit dans le nord du territoire. Selon l’armée, une cinquième colonie est presque vide et cinq autres sont en cours d’évacuation.

Dans la «capitale des colons», Neve Dekalim, où la résistance au retrait est la plus forte, les autorités ont dépêché des forces de sécurité en nombre important. Quelque 10 000 policiers et soldats ont été mobilisés pour cette seule implantation, qui était devenue le centre administratif du Goush Katif, et où vivaient plus de 2 500 personnes. De nombreux habitants de Neve Dekalim sont déjà partis volontairement mais des centaines de militants ultra-nationalistes opposés au retrait, et venus d’Israël et des colonies de Cisjordanie, ont réussi ces derniers jours à s’infiltrer dans l’implantation bien que la bande de Gaza ait été décrétée zone militaire interdite. Le traitement qui leur sera réservé ne sera pas le même que celui des habitants de la colonie, ont prévenu les autorités. «Nous agirons avec un tact particulier et professionnel avec les habitants. Les autres seront expulsés et maintenus aux arrêts dans un centre de Beersheba», dans le sud d’Israël, a en effet expliqué le commandant de police Avi Zelba, présent sur les lieux.

Dans cette colonie, les tensions, déjà fortes ces dernières vingt-quatre heures, se sont accentuées avec l’arrivée des renforts. Des jeunes ont mis le feu à des pneus, des planches et des bennes à ordures et une épaisse fumée s’élevait dans le ciel dans la matinée. Au milieu des hurlements, des femmes ont brandi des bébés et des jouets d’enfants sous le nez des  policiers et des militaires pour tenter de les émouvoir. «Vous allez vivre avec cette blessure dans le cœur toute votre vie !» «C’est un crime, un crime, comment pouvez-vous faire cela !», leur ont-elles lancé en les traitant de nazis. Les hommes ont déchiré leurs vêtements en signe de deuil et certains ont entamé la mélopée que chantaient parfois les juifs en route vers les chambres à gaz nazies. Insultées, harcelées, les forces de sécurité, d’abord indifférentes, ont commencé à perdre patience et réagir avec fermeté notamment contre les jeunes ultra-nationalistes particulièrement agressifs.

«Le Goush Katif est tombé !» 

A Kfar Darom, bastion des colons religieux ultras, les opposants au plan de retrait ont profité de la nuit pour bloquer les accès au centre de cette implantation et fortifier l’entrée de la synagogue. Des hommes ont ainsi été vus déplaçant, à l'aide de tracteurs et de grues, les blocs de béton qui servaient à protéger le périmètre de la colonie. D'autres ont fait rouler des pneus en direction de l'entrée principale de l’implantation tandis que des jeunes gens ont déroulé des fils de fer barbelés sur le toit de la synagogue. Le rabbin de Kfar Darom, Avi Schreiber, a déclaré que les habitants de la colonie ne renonceraient pas à leur combat, et malgré tous les préparatifs de la nuit dernière, il a affirmé qu'aucune violence ne serait perpétrée. Les policiers ont en tous les cas reçu une formation spéciale ces dernières semaines pour éviter que les affrontements ne dégénèrent dans cette colonie.

L'un des responsables de Yesha, le Conseil des colonies juives de Cisjordanie et de Gaza, Shaoul Goldstein, a reconnu l'échec de l'opposition au retrait et la fin des colonies du Goush Katif. «On a échoué. Manifestement, le Goush Katif est tombé», a-t-il déclaré à la télévision publique. Habitant lui-même une colonie de Cisjordanie, M. Goldstein s'est installé ces derniers jours à Neve Dekalim pour apporter son soutien aux personnes évacuées et encadrer le combat afin d'éviter la violence. Yesha a initié de nombreuses manifestations, marches ainsi que des rassemblements au cours de ces derniers mois, afin d'empêcher le retrait ou tout au moins d'en suspendre l'exécution. Mais depuis le début de l’évacuation de la bande de Gaza, cette instance n’a mobilisé que très peu de monde en Israël où une majorité de personnes semble indifférente au sort des colons de ce territoire.

Des extrémistes prêts à tout

L’opposition ces dernières heures à l’évacuation de la bande de Gaza a revêtu dans certains cas la forme d’actes d’une rare violence. Une femme, habitant la colonie de Keddoumim, dans le nord de la Cisjordanie, a ainsi été grièvement brûlée après avoir tenté de s’immoler par le feu pour protester contre le retrait. Une autre a été arrêtée à Neve Dekalim après avoir poignardé un soldat qui n’a été que légèrement blessé. Dans cette même colonie, des membres d'un nouveau mouvement juif orthodoxe basé à New York ont menacé de commettre un suicide collectif. Ces personnes, pour la plupart des Américains, seraient au nombre d’une vingtaine et se sont barricadées avec des bombonnes de gaz à l'intérieur d'un abri anti-bombardement.

Beaucoup plus inquiétant, un colon juif habitant une implantation de Cisjordanie, un territoire qui n’est pas concerné par le retrait, a ouvert le feu dans l’après-midi de mercredi sur un groupe de Palestiniens, tuant  trois personnes. L’homme, qui a été immédiatement arrêté, a également blessé trois autres personnes. Il semblerait qu’il se soit emparé de l'arme d'un agent de sécurité sur la zone industrielle de Shiloh avant d’ouvrir le feu sur des passants qui pourraient être des ouvriers. Cette attaque risque de relancer les tensions au moment où Israël espérait une accalmie pendant l'évacuation des 8 500 colons de la bande de Gaza. Il y a près de deux semaines, un ultra-nationaliste juif, déserteur, avait tué quatre Arabes israéliens dans un bus, dans le nord du pays, pour protester contre le plan de retrait.


par Mounia  Daoudi

Article publié le 17/08/2005 Dernière mise à jour le 17/08/2005 à 12:45 TU

Audio

Dominique Roch

Envoyée spéciale de RFI dans la bande de Gaza

«A Gaza, chez les colons, il y a à la fois une énorme colère et beaucoup de tristesse.»