Drogue
3 tonnes de cocaïne repêchées au large de la Guyane
(Photo : Préfecture de Guyane)
«Le navire vénézuélien était bizarrement très éloigné des zones de pêche habituelles», indique-t-on à la Marine nationale de Guyane. Il y a un peu moins de 2 semaines, le Don Matilde, embarcation de 20 mètres de long censée pêcher à la ligne dans le tombant du plateau continental des Guyanes, à moins de cent kilomètres des côtes, voguait en fait à 300 miles nautiques (plus de 500 kilomètres) au nord-est de la Guyane française. Cette position intrigue un avion de surveillance maritime des gardes-côtes américain.
L’embarcation suspecte navigue sur les eaux internationales, dans la zone de responsabilité des forces armées françaises de Guyane. Alertées par leurs homologues américains, les autorités de Guyane décident, le 13 août, d’intervenir et d’assigner à un bâtiment de la Marine, la tâche de poursuivre le bateau vénézuélien. Le 15 août, le bâtiment de la Marine française approche du chalutier suspect et aperçoit dans son sillage des ballots flottant sur l’océan : ils sont au nombre de 150 chargés chacun de 20 kilos de poudre blanche. Selon une technique en vigueur, les narcotrafiquants auraient au préalable, depuis un avion, procédé au largage dans les eaux internationales, de la cargaison de drogue. Repêchés par l’équipage du Don Matilde, les ballots auraient ensuite été rejetés en mer à l’approche du bâtiment français dépourvu d’hélicoptère.
Le navire français opte alors pour la récupération de la cargaison tout en demandant le décollage depuis la Guyane d’un avion patrouilleur Falcon chargé, puisque la nuit s’annonce, de ne pas perdre le contact avec le navire vénézuélien qui tente de s’enfuir. Le Falcon aide le bâtiment à rejoindre le Don Matilde dans la nuit du 15 au 16 août. Avant d’intervenir à bord, les autorités françaises sollicitent l’accord du gouvernement du Venezuela qui donne son feu vert pour que la Marine française prenne possession du chalutier et l’inspecte. Conformément aux accords internationaux avec la France, le Venezuela conservant, pour sa part, sa juridiction sur le navire, la cargaison et les membres de l’équipage.
Dix tonnes de cocaïne hors d’usage en 2005
Mardi 16 août à l’aube, marins, gendarmes maritimes et douaniers français investissent le Don Matilde. Selon un acteur de l’opération, peu de poissons y sont trouvés, signe d’une activité de pêche servant de couverture. En revanche, des fils électriques coupés sont observés sur la passerelle, indice, selon la Marine française, qu’ils alimentaient des systèmes GPS ou du matériel électronique vraisemblablement jeté à l’eau avec la cocaïne. «L’équipage à bord n’a pas opposé de résistance», indique-t-on à la Marine nationale «mais il a nié tout lien avec les ballots de cocaïne, nous assurant être en train de pêcher». Vendredi 19 août, le Don Matilde, ses 9 marins et les ballots de drogue saisis sont remis aux gardes-côtes vénézuéliens non loin de Trinidad.
Selon les autorités françaises, le navire intercepté se dirigeait vers l’Est et participait à un trafic de cocaïne prenant sa source en Colombie, soit pour un trajet transatlantique vers l’Europe ou l’Afrique, soit pour décharger sa cargaison dans un navire commercial ou de plaisance sur une ligne plus officielle. L’instruction judiciaire est désormais dans le camp vénézuélien. Selon un communiqué de la Préfecture de Guyane, cette saisie, la plus importante de l’année aux Antilles-Guyane via des moyens maritimes français, «concrétise une coopération étroite entre Américains et Français dans la surveillances des trafics illicites dans les approches atlantiques de l’arc antillais». Avant cette opération, près de 7 tonnes de cocaïne et 400 kilos de marijuana avaient déjà été saisis par la marine ou par les douanes françaises depuis début 2005. Ce qui porte désormais le total à 10 tonnes de cocaïne hors d’usage.
Une frégate française, le Ventôse s’est particulièrement illustrée ces derniers mois. Le 4 mai 2005, au cours d’une opération menée par ce bâtiment français, au large du Nicaragua, près de 2 tonnes de cocaïne brûlent avec le Dos Continentes, un «bateau de pêche» panaméen. Deux jours plus tard, au large de la Colombie, un «go-fast» (moteur d’embarcation rapide) essuie les tirs d’un hélicoptère Panther du Ventôse qui récupère1,4 tonne de poudre blanche. Le 7 juin, 900 kilos de cocaïne sont saisis sur le «Henry Mary», un navire de pêche vénézuélien arraisonné, par la même frégate, à 500 kilomètres des côtes du Surinam. Enfin en juillet, dépêché par le Ventôse, un Panther fait feu de nouveau sur un «go-fast» et permet à un navire américain d’intercepter dans la mer des Caraïbes, l’embarcation ne battant aucun pavillon, mais transportant près de 2 tonnes de cocaïne.
«Le dispositif d’interdiction mis en place par les Etats-Unis au nord de la Colombie fait peser une telle pression que la drogue a de plus en plus tendance à s’exporter via les pays limitrophes, puis par voie de mer», souligne la Préfecture de Guyane. Motus en revanche des autorités locales sur le navire français intervenu au large des côtes guyanaises. «Ce n’est pas le Ventôse», indique simplement la Marine nationale de Guyane. «La Martinique a opté pour une stratégie de communication autour de ce bâtiment. Chacun sa méthode. L’armée et la Préfecture de Guyane ont choisi la discrétion pour des raisons de sécurité car on touche à des organisations dangereuses».
par Frédéric Farine
Article publié le 22/08/2005 Dernière mise à jour le 23/08/2005 à 14:37 TU