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Sénégal

Reporter les législatives pour secourir les victimes des inondations

Le président sénégalais Abdoulaye Wade a annoncé l'évacuation des populations sinistrées par les inondations et la mise en place d'un plan de reconstruction dans les zones à risque financé notamment par le report à 2007 des élections législatives initialement prévues en 2006.(Photo: AFP)
Le président sénégalais Abdoulaye Wade a annoncé l'évacuation des populations sinistrées par les inondations et la mise en place d'un plan de reconstruction dans les zones à risque financé notamment par le report à 2007 des élections législatives initialement prévues en 2006.
(Photo: AFP)
Le président sénégalais l'a annoncé dimanche soir dans un message à la nation: il a décidé de proposer à l'Assemblée nationale de repousser les élections législatives, initialement prévues en 2006, «pour qu'elles se tiennent en même temps que l'élection présidentielle», programmée pour 2007. Abdoulaye Wade a invité les députés à soutenir ce projet afin de réaliser des économies permettant de financer le plan de relogement des victimes des inondations.

De notre correspondante à Dakar

«Il n'est pas raisonnable, pour un pays pauvre, de consacrer en 2006 la somme de 7 milliards (de FCFA, plus de 10,67 millions d'euros) pour des élections, et la même somme en 2007 pour d'autres élections, alors que les deux sont séparées seulement de huit mois et peuvent être tenues en même temps, comme cela se fait dans toute l'Afrique», a estimé Abdoulaye Wade dans cette déclaration solennelle. «Cela nous fait une économie de 7 milliards, que nous affecterons à l'opération de relogement des sinistrés» des inondations, a ajouté M. Wade, en exposant le financement de ce qu'il considère comme un «plan de survie de priorité absolue», appelé «Jaxaay» («aigle», en wolof - le «j» se prononce « dj», et le «x» comme le «j» espagnol).

Outre le budget des législatives, Wade a également proposé aux députés de mobiliser 75% «des budgets prévus pour les fêtes de l'indépendance décentralisées en 2006», soit 45 milliards de FCFA sur les 60 milliards programmés (plus de 68,60 millions d'euros sur près de 91,5 millions). «Ainsi, pour l'opération Jaxaay, nous pourrons disposer d'un budget mobilisable de 52 milliards (de FCFA, plus de 79,27 millions d'euros)», a-t-il poursuivi, en précisant que le «succès de l'opération suppose que l'Assemblée nationale décide de repousser les élections législatives» et que son projet «n'a d'autres motifs que de permettre (au pays) de faire face à un sinistre inattendu.»

Pluies diluviennes et plan Orsec

Le «sinistre inattendu», ce sont les pluies diluviennes qui se sont abattues depuis la mi-août sur le pays, provoquant l'effondrement de plusieurs maisons dans l'agglomération de la capitale, mais aussi des inondations à Dakar et dans plusieurs localités du Sénégal. Le gouvernement a déclenché le 20 août dans tout le pays le plan d'organisation des secours (Orsec), coordonné par le ministre de l'Intérieur, Ousmane Ngom, qui a également annoncé le démarrage d'une opération d'évacuation des victimes des inondations de Dakar et ses environs. Destination, trois sites: le camp militaire de Thiaroye, le camp de transmission de Yeumbeul (banlieue est de la capitale) et le complexe du Centre international du commerce extérieur du Sénégal (Cices, nord de la capitale), où ont été dressées plus de 500 «grandes tentes» pouvant accueillir au moins 6 000 personnes, a indiqué M. Ngom, qui s'exprimait lors d'un point de presse sur le plan Orsec tenu dimanche.

Pour l'instant, l'opération d'évacuation concerne 6 565 personnes, mais «dans nos prévisions, nous pensons que le nombre de populations qui vont se déplacer va se situer aux environs de 11 000 personnes, et pourrait être revu à la hausse dans les prochains jours», a ajouté le ministre de l'Intérieur, en parlant d'une «situation très préoccupante» et de «risques sur le plan sanitaire». Son collègue de la Santé et de la Prévention médicale, Abdou Fall, a de son côté évoqué le risque d'explosion de maladies telles que la paludisme, les dermatoses, les infections gastro-intestinales, entre autres maladies liées à la pollution des eaux, leur contamination par le contenu des fosses septiques ou encore par d'éventuels cadavres d'animaux noyés.

«Subterfuge»

L'annonce de l'opération «Jaxaay» a déclenché une levée de boucliers au sein de l'opposition, dont plusieurs dirigeants ont accusé le président Wade de se servir des inondations comme prétexte pour faire passer le projet - mûri depuis longtemps, selon eux - de couplage des législatives et de la présidentielle. «Cette annonce est le résultat d'une longue gestation. Il y a eu plusieurs ballons de sonde (sur le couplage des élections), ce qui est nouveau, c'est le prétexte : les inondations», qui sont pourtant loin d'être «la seule calamité ayant frappé le pays» depuis l'arrivée au pouvoir d'Abdoulaye Wade, a déclaré à RFI-Internet Abdoulaye Elimane Kâne, porte-parole du Parti socialiste (PS). «C'est une décision inacceptable, un subterfuge (...), il y a d'autres moyens de mobiliser de l'argent», a ajouté M. Kâne, en indiquant que le PS et d'autres formations de l'opposition allaient chercher «des moyens plus crédibles pour se faire entendre. A l'Assemblée nationale (où le parti au pouvoir et ses alliés sont majoritaires, ndlr), ça ne servirait à rien, parce que le président a déjà mis les Sénégalais devant le fait accompli.»

L'Alliance des forces de progrès (AFP) partage le même avis, selon son porte-parole, Me Abdoulaye Babou, joint par RFI-Internet, qui a qualifié le projet présidentiel de «mesure politicienne qui n'a absolument rien à voir» avec les inondations. «Si le président donne comme prétexte le cas des sinistrés et le montant des élections, cela ne doit pas nous divertir», a affirmé Me Babou, en estimant que le montant du budget des législatives ne représenterait pas grand chose au regard du coût de la prolongation du mandat des parlementaires, car il y aurait «120 députés à entretenir pendant huit mois». «Il existe un fonds de calamités naturelles, le président a plusieurs ressources pour mobiliser de l'argent, s'il le voulait. Personne n'est contre une mesure d'ordre social. Ce que nous dénonçons, c'est le fait de vouloir s'appuyer sur une majorité mécanique pour violer le calendrier électoral, et pour violer la Constitution», a-t-il précisé.


par Coumba  Sylla

Article publié le 29/08/2005 Dernière mise à jour le 29/08/2005 à 18:41 TU