Turquie-Union européenne
Ankara face à une Union ambiguë
(Image : SB/RFI)
Nous sommes à présent à moins de deux semaines de l’ouverture programmée des discussions d’adhésion d’Ankara, le 3 octobre. Or les Européens semblent éprouver de vives difficultés à trouver une solution satisfaisante pour tous dans la simple recherche du cadre de ces négociations d’adhésion de la Turquie à l’Union européenne. Les ambassadeurs de l’Union viennent de se réunir plus de quinze jours durant. Mercredi, à Bruxelles, des sources diplomatiques annonçaient la poursuite des pourparlers au niveau bilatéral et le retour des ambassadeurs, la semaine prochaine, pour un nouveau round.
Après plus de deux semaines de tractations, cette situation traduit toute la difficulté du projet. Le dossier turc a pris en effet une dimension considérable dans les débats politiques des pays membres de l’Union et la question de l’entrée d’Ankara dans l’UE se révèle donc aujourd’hui beaucoup moins technique et bien plus passionnelle qu’auparavant, et donc plus complexe que prévu. Les réticences, qui autrefois affectaient certains secteurs marginaux des opinions publiques, s’inscrivent aujourd’hui ouvertement dans les campagnes électorales nationales, comme en Allemagne dernièrement, et sont relayés jusqu’à la table des négociations bruxelloise.
Comme Angela Merkel à Berlin et Nicolas Sarkozy à Paris
A l’issue de ce dernier rendez-vous, mercredi, on indiquait que «les discussions sur le cadre des négociations ont bien avancé», mais qu’«il reste quelques points à discuter avec l’Autriche, notamment concernant le langage sur l’objectif des négociations». Car à ce stade des débats, qu’on pourrait estimer «avancé», la question de la finalité des tractations n’est toujours pas formellement définie. Tandis que pour la plupart des pays, Turquie en tête, il s’agit de négociations d’adhésion, à Vienne (tout comme Angela Merkel à Berlin ou Nicolas Sarkozy à Paris), on souhaite introduire une référence explicite à l’éventualité d’aboutir à un «partenariat privilégié», plutôt qu’une adhésion formelle.
Cette hypothèse est catégoriquement écartée par Ankara qui menace de cesser toute discussion le cas échéant. La présidence britannique de l’UE souhaite employer les prochains jours à convaincre les Autrichiens d’en revenir aux décisions prises lors des précédentes rencontres, c'est-à-dire de négocier l’adhésion et rien d’autre, dans le cadre d’un processus ouvert et sans garantie toutefois d’aboutir. Selon une source diplomatique citée par l’AFP, «l’Autriche est relativement isolée».
10 ans, 15 ans, pour satisfaire la demande européenne
Les 25 auraient également renforcé dans la mandat de négociation la notion de «capacité d’absorption» de la Turquie par l’UE. Selon une source diplomatique rapportée par l’AFP, les Etats membres auraient notamment approuvé une proposition française de renforcer ce point, en précisant que cette capacité doit être appréciée au niveau institutionnel, financier, judiciaire et des affaires intérieures.
Enfin, il semble que la difficulté suscitée fin juillet par la mise au point d’Ankara sur la république de Chypre ait pu être résolue à l’issue de la réunion de Bruxelles. Après quelques jours de valse-hésitation, de déclaration et contre-déclaration, les 25 devaient entériner la dernière version d’un texte soulignant la nécessité pour un futur Etat membre de reconnaître tous les autres, sans exclusive, et qu’il s’agit là d’«une composante nécessaire du processus d’accession». En clair, Ankara dispose du délai offert par les négociations d’adhésion (10 ans, 15 ans…) pour satisfaire la demande européenne.
Le 29 juillet, dans son protocole d’extension de l’union douanière aux dix nouveaux membres de l’UE, Ankara avait joint un texte indiquant que son engagement ne valait pas reconnaissance de la république de Chypre, provoquant l’embarras de l’Union européenne à quelques semaines de l’ouverture des négociations d’adhésion. Selon les dernières moutures du texte, l’Union va accorder une vigilance particulière à l’application par Ankara de cette union douanière, qui doit se traduire par la libre circulation des marchandises entre Nicosie et Ankara.
par Georges Abou (avec AFP)
Article publié le 21/09/2005 Dernière mise à jour le 22/09/2005 à 08:25 TU