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Italie

Le ministre de l’Economie jette l’éponge

Domenico Siniscalco: «<i>je ne suis pas amer, je suis scandalisé»</i>.(Photo: Ministero dell'Economia e delle Finanze)
Domenico Siniscalco: «je ne suis pas amer, je suis scandalisé».
(Photo: Ministero dell'Economia e delle Finanze)
A la tête du ministère de l’Economie et des Finances depuis un an, Domenico Siniscalco a annoncé sa démission jeudi pour protester notamment contre l’immobilisme du gouvernement de Silvio Berlusconi face au gouverneur de la Banque centrale italienne, Antonio Fazio, impliqué, preuves à l’appui, dans un scandale financier. Le départ de ce professeur d’économie, qui n’est affilié à aucun parti politique, n’est pas non plus étranger aux nombreuses critiques dont a été la cible son projet de budget 2006. Il risque en tout cas d’aggraver la crise de crédibilité de l’Italie auprès des investisseurs étrangers qui redoutent une détérioration des finances du pays à quelques mois des élections législatives prévues au printemps prochain.

Contre toute attente, ce n’est pas le gouverneur Antonio Fazio, le principal concerné par le scandale qui éclabousse la Banque centrale italienne, qui a démissionné mais bien l’homme qui depuis des mois réclame son départ, soutenu en cela par une grande partie de la classe politique italienne. «Honnêtement, je ne pouvais plus continuer», a déclaré Domenico Siniscalco au quotidien La Reppublica. «Je démissionne en raison de l’immobilisme absolu du gouvernement. Le problème n’est pas Fazio, mais celui –le gouvernement– qui est incapable de résoudre la crise», a justifié le ministre de l’Economie et des Finances italien avant de conclure: «je ne suis pas amer, je suis scandalisé». La veille de sa démission, Domenico Siniscalco mettait en effet encore en garde le gouvernement sur les graves conséquences du scandale de la Banque centrale italienne sur la scène internationale. «J’ai toujours mis la question bancaire et celle du gouverneur sur le plan de la crédibilité et non de la légitimité. Les éventuels développements judiciaires –que connaîtra cette affaire– n’altèrent pas mon jugement qui reste des plus sévères sur le plan de la crédibilité», avait-il asséné.

Mais les mises en garde du ministre n’auront servi à rien. S’estimant désavoué et refusant avant tout de siéger aux côté d’Antonio Fazio lors de la réunion annuelle du Fonds monétaire international qui vient de s’ouvrir à Washington, il a donc choisi de démissionner. Le scandale de la Banque centrale italienne, qui empoisonne depuis plusieurs mois la vie politique italienne, a éclaté au grand jour en juillet dernier. Le gouverneur de cette institution, qui se présente ouvertement comme un ardent défenseur de l’«italianité» du secteur bancaire de son pays, a en effet été soupçonné d’avoir favorisé la Banca Popolare Italiana (BPI), dirigée par l’un des ses amis, Gianpiero Fiorani, contre le groupe néerlandais ABN Amro dans la conquête de la banque italienne Antonveneta. Ignorant les recommandations de ses propres conseillers techniques, Antonio Fazio a en effet autorisé la BPI à lancer une OPA contre Antonveneta, faisant échouer l’offensive néerlandaise. Des écoutes téléphoniques, dont la presse italienne a publié les retranscriptions, ont ainsi révélé que le gouverneur de la Banque centrale entretenait non seulement des rapports amicaux avec Gianpiero Fiorani mais que lui-même et sa femme, Maria Christina, avaient donné à ce dernier les conseils sur la marche à suivre pour contrer l’offre d’ABN Amro. «Tonino, comme je suis ému. Si je pouvais, je t’embrasserai sur le front», avait déclaré au téléphone Fiorani qui est aujourd’hui inculpé par le parquet de Milan de délits d’initiés.

Un projet de budget fortement critiqué

Antonio Fazio, qui a été nommé en 1993 à la tête de la Banque centrale italienne pour un mandat sans limite, n’est pas non plus à l’abri de poursuites. L’indépendance de cette institution le protège certes pour le moment car seul son conseil supérieur –une instance interne composée de treize membres et dans laquelle il siège– peut prendre la décision de le révoquer. Mais la presse italienne affirme qu’il va faire sous peu l’objet d’une enquête, menée par le parquet de Rome, pour abus de fonction dans le cadre de l’affaire BPI-ABN Amro.

Mais ce scandale ne serait pas la seule raison à l’origine de la démission du ministre de l’Economie et des Finances italien. Selon de nombreux analystes, Domenico Siniscalco aurait également été lassé des attaques continues des membres de la majorité au pouvoir contre son projet de budget 2006 dont la présentation était prévue dans une dizaine de jours. A quelques mois des élections législatives prévues au printemps prochain, ces derniers craignaient en effet que la rigueur prônée par ce professeur d’économie, qui n’est affilié à aucun parti, ne leur ôte définitivement tout espoir de remporter ce scrutin pour lequel l’opposition de gauche est déjà donnée favorite. La situation économique du pays est en outre des plus préoccupantes avec un déficit public qui devrait dépasser cette année les 4% du PIB –bien plus que les 3% fixés par le pacte de stabilité européen– et atteindre, selon les dernières estimations, 6% en 2006. Ce déficit avait déjà coûté l’année dernière sa place à l’ancien ministre de l’Economie Giulio Tremonti.

Dans ce contexte, la démission de Domenico Siniscalco ne peut qu’aggraver la crise de crédibilité dont souffre déjà l’Italie auprès des investisseurs étrangers. «C’est un très mauvais coup. Un gouvernement incapable de soutenir son ministre de l’Economie et de résoudre le problème de la Banque d’Italie donne un très mauvais signal», a notamment affirmé à l’AFP Lorenzo Codogno, un économiste de Bank of America. «M. Siniscalco devait être le garant d’un budget décent pour l’an prochain et je suis très pessimiste car cela accroît le risque d’un budget électoral», a-t-il estimé.

par Mounia  Daoudi

Article publié le 22/09/2005 Dernière mise à jour le 22/09/2005 à 17:53 TU