La noisette turque, produit de luxe

Les amateurs de Nutella ont déjà la puce à l’oreille: leur péché mignon, la pâte à tartiner au chocolat et aux noisettes a augmenté de 10% depuis le début de l’année. Une augmentation qui ne doit pas grand chose aux fluctuations des cours du cacao ou du sucre, mais beaucoup à la hausse exponentielle de l’ingrédient clé de cette douceur: la noisette, qui donne une saveur si particulière au mélange. En trois ans son prix a été multiplié par 5, passant de 2000 à 11 000 dollars la tonne. La cause de cette flambée est connue: c’est le gel qui a frappé la principale zone de production, la Turquie, en 2003 puis en 2004. Sur un marché où il n’existe pas de couverture du risque, où l’offre est hyper-concentrée puisque la noisette provient à 90% des vergers de la mer noire, les acheteurs sont restés impuissants face à cette hausse vertigineuse des prix. Et ce n’est pas terminé, les effets du gel se font encore sentir. La production de cette année devrait atteindre les
500 000 tonnes alors qu’elle pourrait grimper jusqu’à 700 000 tonnes quand la météo est bonne.

Du côté des producteurs, les répercussions sont favorables: la hausse des prix a largement compensé le déficit en volume, d’autant plus qu’ils bénéficient de prix garantis par le Fiskobirlik, l’office national en mesure de leur acheter la production. Cette année les heureux propriétaires des noisetiers ont le sourire, ils ont obtenu une augmentation de 40% par rapport à l’année dernière. Une situation qui a aussi d’autres explications climatiques, mais il s’agit cette fois du climat électoral qui prévaut dans le microcosme des producteurs de noisettes: les dirigeants du Fiskobirlik sollicitent un nouveau mandat en octobre prochain, d’où les égards dont ils ont fait preuve envers leurs électeurs. Au grand désespoir des négociants. Certains jouent volontiers les Cassandre annonçant la fin de l’hégémonie turque sur le marché mondial de la noisette: les confiseurs argumentent ils finiront par abandonner la noisette. Un scénario qui frôle l’hérésie auprès des gourmets et surtout le non sens auprès des confiseurs: plutôt que de changer une recette qui marche, ils préfèrent en faire payer le prix au consommateur, cela a déjà commencé pour les pâtes à tartiner, les chocolats de noël vont sans doute s’en ressentir.

En bref, frappée par la sécheresse, l’Afrique du nord produit cette année deux fois moins de blé que prévu. Les importations devraient par conséquent être nettement plus importantes. A noter que l’Egypte a conclu ce week-end deux gros contrats d’achats, 90 000 tonnes pour du blé russe et 60 000 tonnes pour du blé français. Malgré une différence de prix de l’ordre de 15 euros par tonne avec leurs concurrents russes, les céréaliers français défendent leurs positions en Egypte, l’un des plus gros pays d’importation.

Une affaire qui a favorisé une légère progression des prix. Hier à Paris, la tonne de blé rendu à Rouen cotait 105 euros la tonne, soit un gain de 50 centimes par rapport à la fin de la semaine. Par ailleurs Bruxelles a relevé à 7 euros 50 la tonne l’aide à l’exportation , un montant fixé à 6 euros auparavant, ce qui a également détendu l’atmosphère du négoce.

par Dominique  Baillard

[27/09/2005]