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Réfugiés centrafricains au Tchad

Des bandes armées terrorisent les populations au nord de la RCA.

Un enfant centrafricain réfugié dans le camp d'Amboko qui a quitté son village au nord de la RCA en août dernier.Photo : Stéphanie Braquehais/RFI
Un enfant centrafricain réfugié dans le camp d'Amboko qui a quitté son village au nord de la RCA en août dernier.
Photo : Stéphanie Braquehais/RFI
À Goré dans le sud du Tchad, les témoignages de réfugiés font tous état de pillages, d’attaques, de viols de femmes par des hommes armés. Rebelles ou coupeurs de route, la confusion règne.

De notre envoyée spéciale à Goré

« Ils sont arrivés le soir, vers 19h », déclare lentement la jeune femme enceinte assise sur une natte dans le centre de santé du camp de réfugiés d’Amboko dans le sud du Tchad. « Ils étaient armés, enturbannés. Certains en civil, d’autres en treillis. Ils m’ont demandé plusieurs fois si mon mari était à l’intérieur de la maison. Je ne voulais pas leur répondre, ils m’ont frappé et sont entrés. Ils ont fini par me laisser fuir avec mes enfants », soupire-t-elle, les yeux dans le vague. Florence a 23 ans. Femme de cultivateur, elle ne sait ni pourquoi, ni qui a procédé à l’attaque qui a vidé son village de sa population.

Son récit, qui laisse au détour d’une phrase deviner les non-dits sur les violences qu’elle a subies elle-même, est semblable à celui de beaucoup d’autres réfugiés récemment arrivés dans ce camp. Pendant une semaine, elle a parcouru avec d’autres villageois plus de 20 kilomètres dans la brousse, cachés, se nourrissant uniquement de racines ou de fruits sauvages.

Alors que les réfugiés, venus au Tchad en 2003 après la prise de pouvoir de Bozizé, attendaient impatiemment de pouvoir rentrer chez eux après les élections du printemps dernier, la multiplication des attaques, notamment dans la région de Markounda, fief d’Ange-Félix Patassé, l’ex-président déchu, a anéanti brusquement les espoirs de ces 30 000 centrafricains répartis entre les camps d’Amboko et Danamadji, un peu plus à l’est dans la région de Sarh.

 « Auparavant, ils venaient demander au chef du village de la nourriture contre un peu d’argent, souligne Job, 30 ans, bachelier qui a fui le 15 août dernier. Mais depuis quelques mois, leur attitude a changé. Ils menacent avec des ‘kalach’ et même des armes lourdes, ils tuent. » Pour lui pas de doute, ces assaillants sont des miliciens partisans de Patassé, à la tête desquels se trouverait un certain Abdoulaye Miskine, dont le nom revient sur beaucoup de lèvres, y compris celles des autorités locales tchadiennes. Autorités qui estiment pourtant que c’est surtout l’insécurité alimentaire qui pousse les centrafricains à venir au Tchad.

Le HCR s’attend à un nouvel afflux

« Ces attaques sont un alibi pour recevoir de l’aide », lâche brutalement le colonel Ahmat ousmane Gadaya, préfet de Goré au Tchad. « Tous nos villages sont vidés, les camps sont remplis de Tchadiens », dénonce-t-il. Des propos qui ne convainquent pas certains humanitaires qui notent que l’insécurité alimentaire est justement provoquée par une insécurité physique et territoriale dans toute cette zone.

Le HCR s’attend donc à de nouveaux afflux, notamment depuis l’attaque de la sous-préfecture de Markounda mardi dernier qui a fait selon un premier bilan deux morts dont un militaire centrafricain. Seulement Markounda et le village tchadien de Komba, situé en face sont actuellement séparés par un fleuve en crue que seules trois petites pirogues permettent de traverser. Les villageois se sont donc pour l’instant dispersés dans la brousse. Beaucoup de cultivateurs de veulent pas renoncer à leur champs dont la récolte est prévue dans quelques semaines. Ils craignent en effet une famine encore plus importante l’année prochaine.

« Nous nous préparions enfin à une année scolaire à peu près normale, ce qui n’était pas arrivé depuis cinq ans », souligne sœur Pétra, qui a fui avec le curé et le vicaire de la mission de Markounda quelques heures après l’attaque. Autant d’incertitudes qui font craindre au HCR un débordement des capacités du camp actuel d’Amboko dont le seuil est fixé à 27 000 et qui pour le moment atteint 21 000 personnes. Un nouveau site a été désigné pour ouvrir un nouveau camp. Autant de mesures qui laissent croire que le retour n’est pas pour demain.


par Stéphanie  Braquehais

Article publié le 04/10/2005 Dernière mise à jour le 04/10/2005 à 12:43 TU