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Caucase

Assaut sanglant sur Naltchik

A Naltchik, un bilan provisoire des affrontements fait état d’une cinquantaine de morts.(Photo : Télevision russe Vesti)
A Naltchik, un bilan provisoire des affrontements fait état d’une cinquantaine de morts.
(Photo : Télevision russe Vesti)
Plusieurs dizaines d’hommes en armes ont lancé jeudi matin une série d’attaques quasi-simultanées contre plusieurs bâtiments administratifs de Naltchik, la capitale de la république caucasienne russe de Kabardino-Balkarie. Selon un bilan provisoire établi jeudi soir, une soixantaine de personnes au moins auraient été tuées dans des affrontements avec les forces de l’ordre. Le centre de la ville était en milieu de journée cerné par des policiers qui à l’aide de haut-parleurs appelaient les habitants à quitter leur quartier. Plusieurs incendies ont également éclaté dans la ville où des accrochages opposant soldats et assaillants se sont multipliés tout au long de la matinée.

(Carte: RFI)
L’assaut a été lancé en début de matinée, à 9 heures exactement. Selon l’agence de presse Itar-Tass, une dizaine de groupes armés ont attaqué simultanément trois commissariats de police, le siège du ministère de l’Intérieur et celui du FSB –le Service fédéral de sécurité, ancien KGB–, ainsi qu’une armurerie. Les combats se sont ensuite étendus du centre administratif à plusieurs autres quartiers de la ville. Une attaque lancée contre l’aéroport de Naltchik aurait été repoussée, entraînant cependant la suspension de tous les vols au départ et à destination de la capitale de la Kabardino-Balkarie. La plus grande confusion a régné durant toute la matinée dans la ville où les communications téléphoniques étaient interrompues. Les premières informations ont ainsi fait état de tirs et d’explosions dans une école primaire, rappelant la tragédie de la prise d’otages de Beslan, dans l’Ossétie du Nord voisine, où 331 personnes avaient trouvé la mort il y a un peu plus d’un an. Mais l’établissement scolaire, situé juste derrière l’un des commissariats attaqués, a en réalité été évacué d’urgence par les forces de l’ordre qui craignait justement que ne se reproduise le drame de Beslan.

Les premiers moments de surprise passés, des renforts ont très vite été dépêchés sur place. Des chars se sont ainsi positionnés dans plusieurs quartiers, tandis que des hélicoptères survolaient la ville qui compte quelque 280 000 habitants. Le centre de la capitale a très vite été cerné par des policiers en armes et des soldats ont été dépêchés à la recherche des assaillants dont le nombre varie selon les sources. Ils seraient ainsi, à en croire les agences de presse russes, entre 150 et 300. «Les attaques ont été méticuleusement planifiées et synchronisées», a confié à Reuters une source proche de la police.  

Des otages dans un commissariat

Les militaires en embuscade dans les rues de Naltchik.
(Photo : TV-Russe)
La situation est prise très au sérieux au Kremlin où le président Vladimir Poutine est, selon les médias, tenu au courant heure par heure des développements sur le terrain. Le chef de l’Etat russe a d’ailleurs ordonné le blocus de la ville et selon un responsable du ministère de l’Intérieur, Alexandre Tchekaline, il a également exigé l’élimination de toute personne portant des armes opposant une résistance. «Le président a donné l'ordre qu'aucun combattant ne quitte la ville et que tous ceux qui résisteront les armes à la main soient liquidés», a déclaré ce responsable avant d’ajouter : «cet ordre du président sera appliqué».

Le représentant de Valdimir Poutine pour le sud de la Russie, Dmitri Kozac, est en outre parti d’urgence pour la région. Il a confirmé que plusieurs personnes avaient été prises en otage par les assaillants. «Des combats se poursuivent au commissariat n°3 où, malheureusement, il y a des otages. Une opération de police s’y déroule actuellement», a-t-il déclaré peu après son arrivée dans la capitale de la Kabardino-Balkarie. Se voulant rassurant, Dmitri Kozak a démenti que la situation ait échappé au contrôle des autorités locales. «Il n’y a ni chaos général, ni assaut général. Les bandits qui ont attaqué aujourd’hui le système de sécurité de la ville ont été dans l’ensemble dispersés. Il y a encore des foyers isolés, deux foyers exactement», a-t-il précisé.


Revendication tchétchène

Les attaques de jeudi, qui selon un dernier bilan ont fait une soixantaine de morts, en majorité des assaillants, ont été revendiquées par des séparatistes tchétchènes. Le site Internet Kavkaz-Center, proche des indépendantistes, a, quelques heures après le début de l’assaut, annoncé avoir reçu un bref communiqué. Ce document affirme que «les forces du Front du Caucase, unité des forces armées tchétchènes, se sont introduites dans la ville de Naltchik aux côtés des Brigades Yarmouk de Kabardino-Balkarie». Yarmouk est une organisation islamique locale qui avait été la cible, en janvier dernier, d'une importante opération des forces de sécurité de la Kabardino-Balkarie. Une opération lancée en représailles à une attaque perpétrée un mois auparavant contre une antenne de l'agence de lutte contre le trafic de stupéfiants et au cours de laquelle les assaillants avaient saisi un important arsenal.

Il semblerait par ailleurs que l’assaut de jeudi ait été lancé quelques heures après une opération policière menée dans une banlieue de la ville contre un groupe d'«extrémistes religieux». Selon l’agence russe Interfax, plusieurs militants radicaux auraient en effet été arrêtés lors de cette descente de police et les attaques de jeudi ne seraient qu’une tentative de leurs partisans de les libérer.

Quoiqu'il en soit, l'opération commando lancée contre les principaux centres de pouvoirs de la Kabardino-Balkarie n'est que la dernière d'une série d'attaques qui, depuis plus d'un an, déstabilisent tout le Caucase russe, et non plus la seule Tchétchénie. Cette république à majorité musulmane est en en effet en proie à une instabilité grandissante, tout comme l'est l’Ingouchie ou encore l’Ossétie du Nord où des scènes de guerre sont de plus en plus courantes. C’est ainsi qu’en juin 2004, des combattants armés, essentiellement tchétchènes et ingouches, avaient lancé de nuit, sous la direction du chef de guerre tchétchène Chamil Bassaïev, une série d'attaques contre les bâtiments des forces de l'ordre en Ingouchie provoquant la mort de 88 personnes, en majorité des membres des forces de l'ordre dont les bâtiments étaient la cible prioritaire des assaillants. En septembre 2004, un commando pro-tchétchène avait occupé une école de Beslan, en Ossétie du nord voisine. Plus de 1 200 otages avaient été détenus trois jours avant que les forces spéciales ne donnent l’assaut. Bilan : 331 morts, dont 186 enfants.


par Mounia  Daoudi

Article publié le 13/10/2005 Dernière mise à jour le 13/10/2005 à 12:59 TU