Italie
Romano Prodi sacré candidat de la gauche
(Photo: AFP)
Le triomphe à gauche de Romano Prodi est indiscutable. Ce vieux routier de la politique, qui n’est pourtant affilié à aucun parti, a en effet reçu un soutien massif des militants et des sympathisants de gauche pour qui il représente la seule chance de chasser Silvio Berlusconi du gouvernement. Il Professore a obtenu son mandat dimanche à l’issue de primaires, les premières du genre organisées en Italie, qui ont enregistré un taux de participation inespéré. Alors que les sondages prédisaient en effet qu’un million de personnes tout au plus se déplaceraient pour départager les six candidats de la gauche, ils ont été près de quatre millions à vouloir donner leur opinion. L’affluence a d’ailleurs été telle que la fermeture de certains bureaux de vote a dû être repoussée d’une heure et que les bulletins de vote étant venus à manquer, les organisateurs ont dû avoir recours à des photocopieuses pour permettre à ceux qui le souhaitaient de participer à ces primaires.
Organisée sur le modèle américain, cette consultation est une première en Italie mais aussi en Europe. Ses initiateurs, qui s’étaient basés sur le nombre des inscrits dans les partis de gauche, avaient tablé sur 500 000 à 600 000 votants. Ils ont donc été plus que surpris par l’ampleur de la mobilisation. Quelque 10 000 bureaux de vote avaient été installés sur des places publiques, dans des gymnases, parfois même dans des commerces ou chez des particuliers. Les Italiens résidant à l’étranger ont également pu se prononcer et près de deux cents bureaux ont accueilli leur bulletin. La seule condition à remplir pour participer à ces primaires était d’être détenteur d’une carte d’électeur. Les votants devaient ensuite signer une déclaration d’adhésion au «projet» politique de la gauche, puis verser une participation symbolique d’au moins un euro à la caisse électorale –pour couvrir les frais administratifs– avant d’être admis à remplir son bulletin et choisir parmi six candidats.
Une réforme électorale contestéeGrand favori de ces primaires, Romano Prodi est devenu avec près de 75% des voix le leader incontestable de la gauche italienne. Son plus sérieux rival, Fausto Bertinotti, proche du mouvement altermondialiste et tombeur du gouvernement Prodi en 1998, n’a obtenu que 15% des suffrages. La mobilisation des sympathisants de gauche ainsi que leur plébiscite ont visiblement ému l’ancien président de la Commission européenne. «Je suis euphorique. La réponse des électeurs a été incroyable. C’est un rêve», a-t-il confié à la presse peu après l’annonce des résultats. «Aujourd’hui le message est clair, a-t-il ajouté. L’arrogance du gouvernement ne l’emportera».
L’enjeu de ces primaires était très important pour Romano Prodi qui cherche aujourd’hui plus que jamais à unir les rangs de l’opposition de gauche. La semaine dernière en effet, Silvio Berlusconi a fait voter à la Chambre des députés une réforme électorale qui substitue au vote majoritaire à un tour avec une dose de proportionnelle pour 25% des députés en vigueur depuis 1994, un scrutin proportionnel qui affaiblit considérablement l’ancien président de la Commission européenne. Cette réforme, qui doit encore être ratifiée par le Sénat, gratifie en effet les partis qui obtiendront le plus de voix aux dépens de leur coalition. Or Romano Prodi n’est ni chef de parti, ni même parlementaire. Et s’il prend la tête d’une formation, il ne pourra à aucun titre prétendre représenter l’ensemble de l’opposition. Le nouveau leader de la gauche a d’ailleurs estimé à plusieurs reprises que ce changement de mode de scrutin le visait personnellement. «Cette loi électorale a été rédigée par des gens qui craignent une défaite imminente et qui veulent limiter les dégâts», avait-il dénoncé.
La large victoire de Romano Prodi aux primaires de dimanche a incontestablement conforté sa position au sein de l’opposition. «Toutes les polémiques sont désormais closes et j’ai toutes les marges de manœuvre pour travailler sereinement», a-t-il affirmé dans le souci de mettre un frein aux appétits de ses alliés qui le nouveau mode de scrutin n’a pu que réveiller. «Mon score est une indication claire sur qui a la responsabilité de faire le gouvernement», a-t-il ajouté. L’ampleur du succès remporté par Il Professore n’est pas étranger à l’assurance qu’il affiche désormais. Et ce n’est pas la petite phrase sarcastique de son rival Silvio Berlusconi qui risque de l’entamer. Commentant la victoire de Romano Prodi, Il Cavaliere a en effet déclaré : «Sa seule possibilité de gagner une élection, c’est de faire voter seulement les électeurs de gauche».
par Mounia Daoudi
Article publié le 17/10/2005 Dernière mise à jour le 18/10/2005 à 11:05 TU