Nigeria
Catastrophe aérienne : aucune piste n’est écartée
(Photo :AFP)
De notre correspondante à Lagos
Aucune piste n’est écartée par les enquêteurs. «Ils étudient le profil des pilotes, ils étudient l’état de l’avion, la façon dont il a été utilisé, les différentes activités qui ont précédé le décollage, ils étudient même la liste des passagers à bord», a expliqué lundi sur les lieux du sinistre le ministre de l’aviation Bolalale Borisade. En attendant les résultats des investigations, dirigées par le président Olusegun Obasanjo lui-même, aucune mesure de sécurité supplémentaires n’a été mise en place dans les aéroports. «Ce n’est pas nécessaire pour le moment, car on ignore s’il s‘agit d’un problème de sécurité», a expliqué le ministre.
Dans une forêt, à quinze minutes de marche du petit village de Lissa, le paysage témoigne de la violence de l’impact. En tombant, l’avion a creusé un cratère à la verticale du ciel. Sur plusieurs dizaines de mètres, la végétation dense d’arbres et de buissons a été arrachée. Les équipes de l’agence fédérale de gestion des urgences continuent leur travail de fourmi, ramassant ce qui reste des corps, des morceaux de chair carbonisée, de cheveux. Les effets personnels sont rassemblés dans des sacs plastiques. Des familles sont aussi à la recherche d’un souvenir de leur proche. Un homme au bord des larmes tient un papier à en-tête de la commission des Corporate affairs. C’est tout ce qu’il a retrouvé de son jeune frère.
Les passagers étaient morts avant l’impact
Du trou béant émanent des fumées irrespirables mêlant odeurs de kérosène, de métal brûlé et de corps en décomposition. Là pourrait se trouver l’une des clés de l’enquête. Les autorités pensent qu’une partie de l’appareil est enfouie sous la terre, notamment la cabine de pilotage. «Nous avons déjà trouvé quelque chose qui ressemble au fuselage, Nous avons déjà demandé l’équipement adéquat pour creuser dans le cratère, et j’espère que nous y trouverons les boîtes noires», explique Daniel Gbenga, le gouverneur de l’Etat d’Ogun. Deux experts américains doivent apporter leur concours aux fouilles.
Seuls les enregistrements permettront de comprendre ce qui s’est passé entre le moment où l’avion a disparu des écrans de contrôle, trois minutes après son décollage et le crash. Un court instant, sans doute. Lissa se trouve à une soixantaine de kilomètres de Lagos, et à environ une trentaine de kilomètres de l’aéroport d’où le Boeing 737 avait décollé. Le gouverneur estime possible que l’avion ait explosé en l’air, de telle sorte que tous les passagers étaient sans doute morts avant l’impact. «J’ai vu des morceaux de corps dans les arbres», ajoute-t-il.
Bellview Airlines est l’une des rares compagnies opérant sur le marché intérieur nigérian à être considérée comme fiable. Diplomates, hommes d’affaires internationaux n’hésitent pas à l’emprunter, ce qui explique peut être la présence sur le vol de samedi soir de responsables de la Communauté des Etats d’Afrique de l’Ouest et de hauts fonctionnaires nigérians. Cette réputation a fait son succès et lui a permis de diversifier son offre à l’international, avec des vols vers Londres ou encore Bombay. La direction assure qu’un contrôle technique valable 18 mois avait été effectué en février 2005 et que des vérifications avaient été faites avant le vol.
Des vaches sur le tarmac
Les vols reliant Lagos, où sont concentrées les activités économiques, à Abuja, la capitale politique du pays, sont parmi les plus fréquentés. Toutes les compagnies locales offrent des trajets entre ces deux villes. Elles sont plus d’une dizaine à opérer au Nigeria. Toutes ne sont pas considérées comme sûres. En 2002, un avion de ligne s’est écrasé au nord, à Kano, tuant 149 personnes. Jusqu’à samedi dernier, c’était la plus grosse catastrophe aérienne enregistrée ces dernières années au Nigeria. Le ciel nigérian, réputé dangereux, l'est devenu un peu moins avec l'acquisition récente de radars de couverture aérienne; l'aéroport international de Lagos a été rénové de fond en comble.
Mais la liste des avaries techniques et autres déboires est longue. En juin, deux atterrissages par temps de pluie ont fini en aquaplaning et les pilotes ont écopé d’une suspension. Au début du mois de juillet, un avion d’une compagnie domestique a perdu une aile après un atterrissage d’urgence. Le surlendemain, Air France a frisé la catastrophe alors que l’un de ses vols atterrissait de nuit à Port Harcourt, capitale de l’Etat pétrolier de Rivers. Plusieurs vaches se promenaient sur le tarmac, les pilotes avaient néanmoins réussi à poser l'appareil sans dommage.
par Virginie Gomez
Article publié le 25/10/2005 Dernière mise à jour le 25/10/2005 à 14:13 TU