Tanzanie
Amani Abeid Karume déclaré réélu à Zanzibar
(Carte : RFI)
Le Commission électorale de Zanzibar annonce la victoire du président sortant de Zanzibar, Amani Abeid Karume, candidat du parti pouvoir, avec 239 832 voix, contre 207 773 pour le principal candidat de l'opposition, Seif Shariff Hamad, qui conteste ce résultat. La tension est remontée d'un cran dans l'archipel semi-autonome qui regroupe l’île éponyme et celle de Pemba, dans l’océan Indien, à une quarantaine de kilomètres de la côte africaine. Déjà, pour éviter des troubles, la Commission nationale électorale (NEC) avait préféré maintenir le scrutin de dimanche, où les insulaires étaient appelés à choisir leur propre président, leurs députés et leurs conseillers municipaux. En raison de la mort d'un candidat à la vice-présidence dans la partie continentale de la République unie de Tanzanie, la NEC avait en revanche repoussé au 18 décembre les élections générales initialement prévues le 30 octobre, dans toute l'Union. Les électeurs de l'archipel de Zanzibar devraient donc retourner aux urnes dans trois semaines, en particulier pour élire, avec leurs compatriotes du continent, le successeur du président sortant de l’Union, Benjamin Mkapa. Mais dans l'immédiat, l'heure est à la contestation à Zanzibar où l'opposition revendique elle-aussi la victoire.
«Nous avons toutes les preuves que j'ai gagné et que ces résultats ont été trafiqués», affirme Seif Sharif Hamad, le candidat malheureux du principal parti d'opposition, le Front civique uni (CUF). Sa déclaration ne fait pas surprise, pas plus que ses menaces de manifestations, ni même le vote serré des 507 225 électeurs de l’archipel. La campagne électorale a été émaillée de violences et l’issue du scrutin laissait planer un minimum de suspense, à la différence de ce qui est prévisible sur le continent où, après avoir rempli deux mandats consécutifs, le maximum prévu par la Constitution, le président sortant de l’Union, Benjamin Mkapa, devrait céder la place au ministre des Affaires étrangères, Jakaya Kikwete, issu, comme lui, du parti révolutionnaire fondé par feu Julius Nyerere, le Chama Cha Mapindunzi (CCM). Ce dernier règne sans grand partage depuis plus de 40 ans sur une Union souvent mouvementée. Et cette fois encore, il l'emporte à Zanzibar où son candidat, Amani Abeid Karume se voit promis à un deuxième quinquennat.
En 1995 et en 2000, le CUF avait déjà accusé le CCM de lui avoir volé la victoire dans l’ancien protectorat britannique de Zanzibar, indépendant depuis 1963, mais rattaché au Tanganyika continental depuis 1964. Chargé d’une Histoire swahili ancrée sur ses rivages par les négriers arabes, l’archipel aux marchés d’esclaves et aux plantations de girofliers rassemble environ un million d'habitants. Musulmans à 95%, les Zanzibari sont davantage tournés vers le Golfe arabo-persique que vers le continent africain. Ce tropisme n’est, bien sûr, pas complètement indifférent aux mouvements protestataires parfois sanglants enregistrés sur l’archipel depuis son mariage tanzanien. Après les dernières turbulences post-électorales enregistrées début 2001, le CCM et le CUF avaient conclu un accord de réconciliation. Il l’avait déjà fait deux ans plus tôt, ce qui n'empêche pas les tensions de persister aujourd'hui encore. Ces derniers mois, des affrontements entre les deux camps ont fait plusieurs morts et des dizaines de blessés.
L'opposition avait dénoncé les résultats par avance
Seuls les natifs de Zanzibar et les résidents de plus de dix ans peuvent participer au jeu électoral local. Alors, bien évidemment, les inscriptions sur les listes électorales sont un enjeu crucial. Elles ont vu l’opposition accuser le gouvernement central «d’avoir importé du continent, ces derniers mois, des milliers de soldats et de policiers, environ 12 500, pour s'inscrire» à Zanzibar. Quoi qu’il en soit, la radiation de 2 007 noms, précisément, par la Commission électorale de Zanzibar (ZEC), donne une idée de l’ampleur du phénomène. La perspective de résultats électoraux serrés présageait un durcissement de la contestation. Dans ce paysage tendu, Dar-Es-Salaam avait déployé sur l’archipel environ 35 000 agents des forces de sécurité de l'Union. Certaines ambassades ont prévu l’évacuation de leurs ressortissants et un important dispositif de secours a été mis en place pour traiter les éventuels blessés. L'opposition affirme que trois de ses militants et deux policiers ont été tués pendant le scrutin, ce que dément la police.
Décidé sur le continent, après la mort d'un candidat de l'opposition, et envisagé un instant à Zanzibar, un report des scrutins aurait sans doute arrangé le CCM. Mais le CUF avait prévenu qu’il avait épuisé ses ressources de campagne et qu’il mettrait ses partisans dans la rue si les élections étaient repoussées. Le scrutin s'est déroulé sur fond de tension extrême, sous les portraits d’Amani Abeid Karume et de Seif Shariff Hamad, qui se disputent les ruelles du quartier arabe de Zanzibar. A côté des candidats du CCM et du CUF, les quatre autres candidats à la magistrature suprême faisaient figures de lièvres, le gouvernement zanzibari étant exclusivement composé de membres du CCM. Aux élections précédentes, ce dernier avait toutefois concédé 16 sièges de députés au CUF. Mais ce dernier voulait absolument arracher au pouvoir central la présidence de l'archipel.
La veille du scrutin, Seif Shariff Hamad continuait de prophétiser que les élections ne seraient «ni justes, ni libres», appelant par avance à des manifestations, au cas où il ne serait pas gratifié des «58% à 62%» des suffrages qu’il revendique. Sur le départ, mais lui-aussi monté au créneau zanzibari, le président de l’Union, Benjamin Mkapa, assurait que «certains envisagent de faire couler le sang sur les îles, mais, moi-même et le président zanzibari Amani Karume, ne l'accepteront pas». Il s’est en effet efforcé de donner à son poulain insulaire les moyens de garder son fauteuil. Selon la ZEC, Karume emporte 53,2% des suffrages. De son côté, le CUF a revu ses prétentions à la baisse, assurant que ses compteurs donnent 50,38 % à Seif Sharif Hamad. Moins d'un demi-point au dessus de la barre, d'après lui, mais suffisamment pour contester le résultat de la ZEC, en jouant d'une poignée d'électeurs sur les listes, mais aussi des manifestants dans les rues.
par Monique Mas
Article publié le 29/10/2005 Dernière mise à jour le 29/10/2005 à 20:36 TU