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France

Emeutes : l'action sociale en question

Appel au calme des élus qui manifestent dans les rues d' Aulnay-sous-Bois, le samedi 5 novembre 2005. 

		(Photo : AFP)
Appel au calme des élus qui manifestent dans les rues d' Aulnay-sous-Bois, le samedi 5 novembre 2005.
(Photo : AFP)

Après 11 nuits d’émeutes, l’heure semble encore loin de l’apaisement. Près de 4 900 véhicules ont été brûlés tandis que plus de 1 200 suspects étaient arrêtés. 160 d’entre eux ont été déférés devant la justice et une vingtaine condamnés à de la prison ferme, en comparution immédiate. Chaque jour de nouveaux quartiers sont frappés et les troubles s’étendent à la province désormais plus touchée encore que les banlieues parisiennes. C'est toute la politique sociale de ces trente dernières années qui est remise en cause.


Malgré la déclaration du président Chirac martelant que «la République est tout à fait déterminée à être plus forte que ceux qui veulent semer la violence et la peur», les habitants des quartiers dénoncent, de leur côté, l’abandon des pouvoirs publics. Abandonnés, c’est ainsi que les plus mesurés d’entre eux se qualifient pendant que les autres évoquent plus volontiers la rage et la haine qui les habitent. La France compte 750 «zones urbaines sensibles» où vivent cinq millions de personnes. Ces cités concentrent toutes les difficultés: chômage, pauvreté, habitat dégradé, échec scolaire, économie parallèle de petits trafics, etc. Tout en constatant une aggravation de l’ «apartheid territorial», Manuel Valls, député maire socialiste d’Evry (Essonne) estime que la France subit les conséquences de 30 ans de ségrégation sociale et ethnique.

Ces dernières années, l’Etat a délégué à de multiples associations la gestion de ses carences sous forme de subventions à des actions sociales. Cependant, les subventions ne suivent plus. Ainsi, à La Duchère, un quartier de Lyon, la deuxième ville de France, un centre social a dû diminuer ses activités d’alphabétisation, pour cause de baisse de financement. Toujours à Lyon, une association assurant une formation professionnelle en couture et en décoration en direction de personnes en grande difficulté, a dû limiter ses actions à un public moins précaire, pour cause de rentabilité.

Les habitants se constituent en brigades de prévention

Le désengagement de l’Etat est également visible dans ces quartiers marqués par l’absence d’infrastructures qui permettraient de désenclaver ces territoires. Patrick Braouzec, élu du Parti communiste et président d’un groupement de huit villes de Seine-Saint-Denis, au nord de Paris, évoque, par exemple, la desserte de la ligne 13 du métro. Celle-ci ne conduit pas aux quartiers les plus peuplés. Le député-maire Braouzec voit là un «symbole du mépris dans lequel est tenue cette banlieue nord». De la même manière, ce sont souvent les gardiens de la paix les plus jeunes, frais émoulus de l’école, qui sont affectés aux commissariats de ces quartiers difficiles, qui devraient justement regrouper des effectifs expérimentés. Dès qu’ils acquièrent un peu d’ancienneté, policiers comme enseignants d’ailleurs, cherchent à se faire muter ailleurs, rapporte un chef de la police de Seine-Saint-Denis.

Constatant que les forces de l’ordre étaient manifestement débordées, des habitants de certains quartiers se sont constitués en groupes pour lutter contre les incendiaires. A Drancy, au nord de Paris, ce sont ainsi des habitants qui ont arrêté deux frères de 14 et 15 ans pour les livrer à la police. Ailleurs, des adultes et des jeunes se sont relayés pour occuper, toute la nuit, divers locaux publics ou associatifs, afin de prévenir des actes de vandalisme. A Grigny, à la demande de la municipalité, les habitants sont désormais mobilisés pour protéger les bâtiments publics. A la Paillade, à Montpellier, dans le sud-est de la France, la mosquée sert de base à des groupes de parents qui vont organiser des tournées dans le quartier pour demander aux jeunes qui traînent de rentrer chez eux.

Une des difficultés auxquelles se heurtent aujourd’hui élus, responsables, parents ou animateurs de ces quartiers consiste justement à trouver le bon interlocuteur. Ces groupes de jeunes ne semblent en effet avoir ni chef, ni meneur identifiable, ce que confirme au ministère de la Justice, le directeur des affaires criminelles et des grâces, Jean-Marie Huet, qui exclut toute coordination des actions. Pour calmer les esprits on fait donc appel aux «grands frères» et aux familles. Et cela, sans grand résultat évident jusqu’à maintenant. L’Union des organisations islamiques de France (UOIF) rappelle aux fidèles qu’il est «interdit formellement à tout musulman de participer à quelque action qui frappe de façon aveugle des biens privés ou publics ou qui peut attenter à la vie d’autrui». Mais, pour le moment, aucun appel au calme ni aucune menace ne semble dominer le fracas de ces quartiers en révolte.



par Claire  Arsenault

Article publié le 07/11/2005 Dernière mise à jour le 07/11/2005 à 16:25 TU

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Albert

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