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Banlieues : les jeunes n’entendent pas les appels au calme

Jacques Chirac et Dominique de Villepin dans la cour de l'Elysée après un conseil de sécurité consacré aux émeutes qui ont embrasé les banlieues de la région parisienne.(Photo : AFP)
Jacques Chirac et Dominique de Villepin dans la cour de l'Elysée après un conseil de sécurité consacré aux émeutes qui ont embrasé les banlieues de la région parisienne.
(Photo : AFP)

Face à la dégradation dangereuse de la situation dans les banlieues des grandes villes françaises, les appels au calme se sont multipliés. Le gouvernement n’a eu de cesse d’afficher sa mobilisation. Le chef de l’Etat, Jacques Chirac, est lui-même intervenu deux fois pour essayer de faire passer son message en faveur du retour à l’ordre. Mais aussi montrer la volonté du gouvernement de prendre la mesure du problème et d’essayer d’apporter des améliorations aux conditions de vies des populations les plus défavorisées, dont sont issus les jeunes responsables des violences qui se déroulent depuis plus dix jours en France. Ce discours qui essaie d’allier «fermeté» et «dialogue» ne semble produire, pour le moment, aucun effet. Les jeunes ne renoncent pas à manifester dans la violence leur désir de revanche sur une société dont ils se sentent exclus. Dans la nuit du 6 au 7 novembre, 1 295 véhicules ont encore été incendiés.


Onze jours après le début des émeutes, rien n’a pu calmer la vague de violences dans les cités. Chaque nuit, c’est le même scénario qui se reproduit : des bandes descendent dans les rues pour incendier et détruire. Les bilans sont édifiants. Près de 5 000 véhicules ont été incendiés en France. Dans la seule nuit de dimanche à lundi, les autorités ont comptabilisé 1 295 voitures détruites par les flammes. Après avoir été localisées sur les villes de la banlieue parisienne, les violences ont atteint l’ensemble du territoire. Dans de nombreuses «zones urbaines sensibles» situées autour des grandes villes françaises (Toulouse, Orléans, Rennes…), des incidents ont eu lieu ces trois derniers jours.

Jacques Chirac a donc décidé de convoquer d’urgence, dimanche, un conseil de la sécurité intérieure pour examiner la situation. Et il a choisi de s’adresser une nouvelle fois aux Français à l’issue de cette réunion avec les principaux ministres concernés (Intérieur, Défense, Justice, Finances, Budget, Cohésion sociale). Le chef de l’Etat a réaffirmé devant les caméras que l’objectif prioritaire et «préalable» à tout autre chose était de rétablir «la sécurité et l’ordre public». C’est pour cette raison qu’il a annoncé que les fauteurs de troubles «qui veulent semer la violence ou la peur» seront «appréhendés, jugés et punis» et que «des décisions de nature à renforcer encore l’action de la police et de la justice» avaient donc été prises.

Un conseil de sécurité intérieure réuni d’urgence

Résolument ferme, le président de la République a tout de même voulu montrer que le gouvernement était soucieux de prendre en compte les raisons qui semblent avoir poussé les jeunes des cités à se livrer à des actes criminels. Il a ainsi déclaré : «Nous comprenons bien aussi que l’évolution des choses suppose le respect de chacun, la justice et l’égalité des chances. Nous sommes tout à fait déterminés à aller dans cette voie». De ce point de vue, l’intervention télévisée du Premier ministre Dominique de Villepin, lundi 7 novembre, doit permettre de présenter les mesures susceptibles d’améliorer le sort des habitants des banlieues les plus pauvres.

Cette deuxième intervention du chef de l’Etat concernant les violences dans les quartiers et la réunion du conseil de la sécurité intérieure sont significatives de la gravité de la situation comme de la préoccupation des autorités. Cette instance n’est, en effet, convoquée que de manière tout à fait exceptionnelle. La dernière réunion du conseil avait ainsi eu lieu à la suite des attentats de Londres du 7 juillet 2005.

L’échec des appels au calme

Mais pour le moment, les appels au calme, qu’ils émanent du chef de l’Etat ou du Premier ministre, n’ont eu aucun effet. Le discours des autorités politiques se heurte à la rage des jeunes des cités qui se sentent exclus de la société et veulent se venger de cette situation en se livrant à des actes violents. Les intermédiaires du milieu associatif dans les quartiers n’ont pas réussi, eux non plus, à désamorcer la crise et à calmer les émeutiers. Les représentants des musulmans de France, comme Dalil Boubakeur (recteur de la mosquée de Paris), ont aussi essayé d’apaiser les tensions mais n’ont pas obtenu plus de résultats pour le moment. L’Union des organisations islamiques de France (UOIF) a même jugé utile d’édicter une fatwa pour interdire «formellement… de participer à quelque action qui frappe de façon aveugle des biens privés ou publics».

Il est vrai que le phénomène est d’autant plus difficile à contrôler qu’il est diffus et motivé par un rejet du système plus que par des revendications précises. La seule demande concrète qui a surgi concerne la démission du ministre de l’Intérieur que les émeutiers ont rendu responsable de l’explosion de violences dans les cités. Les propos de Nicolas Sarkozy sur les délinquants dans les banlieues ont servi d’exutoire à la rage des jeunes contre les institutions en place. Dans ce contexte, le gouvernement n’a pas encore trouvé le juste équilibre entre répression et dialogue. Mais il a en tout cas décidé de ne pas laisser s’insinuer le doute sur sa volonté de punir les fauteurs de troubles. Dominique de Villepin a promis que «les dispositifs de sécurité seraient renforcés partout où cela est nécessaire».


par Valérie  Gas

Article publié le 07/11/2005 Dernière mise à jour le 07/11/2005 à 18:11 TU