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Azerbaïdjan

Législatives : l'opposition crie à la fraude

«<EM>La fraude a été massive</EM>» selon Isa Gambar, l'un des leaders de l'opposition azerbaïdjanaise(Photo : AFP)
«La fraude a été massive» selon Isa Gambar, l'un des leaders de l'opposition azerbaïdjanaise
(Photo : AFP)
Après les élections législatives de dimanche qui donnent la majorité absolue au pouvoir en place, les observateurs internationaux parlent de fraudes massives. L’opposition proteste et appelle à des manifestations sur le modèle ukrainien.

De notre envoyé spécial à Bakou

«Ils nous ont volé». Razi a 53 ans et lundi, il est resté une grande partie de la journée devant le quartier général de l’opposition, la coalition Azadliq (liberté) dans l’attente des consignes. Mais il a du mal  à retenir ces larmes : «Ils ont pris les urnes et nous ont chassé des bureaux de vote et maintenant, ils disent qu’ils ont gagné…». Ils, ce sont les «les gens du pouvoir» comme ils les appellent, le parti YAP/ Nouvel Azerbaïdjan du président Ilham Aliev qui, selon les résultats quasi définitifs de la commission électorale centrale, disposerait à nouveau de la majorité absolue dans le nouveau Parlement. A l’inverse, l’opposition qui pour la 1ère fois avait réussi à s’unir et à présenter des candidats uniques dans la plupart des circonscriptions aurait moins de 10 députés. «La fraude a été massive, explique l’un des leaders d’Azadliq, Isa Gambar, et nous allons manifester pacifiquement à partir de mercredi tous les jours de 15 heures à 18 heures pour exiger l’annulation du scrutin et l’organisation de nouvelles élections».

L’opposition avait appelé à défiler dès mardi mais faute de temps, elle préfère différer afin d’obtenir une autorisation en bonne et due forme ; cela pourrait grossir la foule des manifestants qui garde en mémoire la féroce répression qui avait suivi l’élection présidentielle d’octobre 2003 et qui s’était soldée par un mort, de nombreux blessés et une multitude d’arrestations dans les milieux de l’opposition. Cette fois, la tactique sera différente et calquée sur la révolution ukrainienne de décembre dernier : des manifestations quotidiennes et des recours en justice pour faire annuler le scrutin dans toutes les circonscriptions où des fraudes massives ont été constatées. Et Azadliq a reçu le soutien tacite et indirect de la mission d’observation de l’OSCE, l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe qui dans son compte-rendu préliminaire écrit que «ces élections ne répondent pas aux standards internationaux, même si certaines améliorations ont été constatées.»

Le décompte des voix s’est mal passé

Sous la pression des Occidentaux, très impliqués dans ce petit pays du Caucase du sud en raison de ses richesses pétrolières, le président Ilham Aliev avait concédé à l’opposition un temps de parole et décrété l’usage systématique d’une encre indélébile, censée identifier les électeurs à l’entrée des bureaux de vote et empêcher qu’ils ne votent 2 fois comme cela s’est produit fréquemment lors des précédents scrutins. Mais c’est après la fermeture des bureaux de vote que les fraudes les plus massives ont été commises. Selon le sénateur néerlandais Leo Platvoet, qui co-dirige la mission d’observation pour le compte du Conseil de l’Europe, «le décompte des voix s’est mal ou très mal passé dans 43% des bureaux où des observateurs internationaux étaient présents. Le Conseil de l’Europe est le gardien par excellence des principes démocratiques et ils n’ont pas été respectés au cours de cette élection», a-t-il conclu.

Le constat est sans ambiguïté et sert les intérêts de l’opposition qui rêve maintenant de révolution orange, la couleur adoptée par tous ses leaders par mimétisme avec les «révolutionnaires ukrainiens». Mais sa marge de manœuvre semble bien limitée, tout comme le soutien des puissances occidentales. Américains et Européens ont en effet investi des millions de dollars pour l’exploitation du pétrole de la Mer Caspienne et participer à la construction de l’oléoduc qui relie Bakou à Ceyhan en Turquie, sur la Méditerranée, en traversant la Géorgie : un projet pharaonique et coûteux destiné à éviter des routes plus simples mais moins fiables vers l’Iran ou la Russie. Jusque là, le régime du président Ilham Aliev s’est révélé être un partenaire fiable pour les compagnies pétrolières qui préfèrent la stabilité d’un régime autoritaire à l’inconnu que représenterait une «révolution azerbaïdjanaise».


par Jean-Frédéric  Saumont

Article publié le 07/11/2005 Dernière mise à jour le 07/11/2005 à 18:30 TU