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France

Couvre-feu, mode d'emploi

Un couvre-feu pourra être mis en place dans les quartiers secoués par les émeutes.(Photo: AFP)
Un couvre-feu pourra être mis en place dans les quartiers secoués par les émeutes.
(Photo: AFP)
Un Conseil des ministres exceptionnel a entériné mardi la décision du chef du gouvernement, Dominique de Villepin, d’instaurer le couvre-feu dans les quartiers secoués par les émeutes depuis le 27 octobre. Pour appliquer cette mesure exceptionnelle, le gouvernement a dû exhumer une loi sur l’état d’urgence adoptée en avril 1955 pendant la guerre d’Algérie (1954-1962). L’Etat d’urgence peut être déclaré en cas de péril imminent résultant d’atteintes graves à l’ordre public ainsi qu’en cas de calamités.

Le décret a été approuvé par le Conseil des ministres afin de permettre aux préfets, dès mercredi, de mettre en place un couvre-feu pour faire face aux émeutes partout où cela sera nécessaire. La loi du 3 avril 1955 est une procédure rarissime. Elle n’a été utilisée qu’à deux occasions, la première en 1955, pour instaurer l’état d’urgence en Algérie, alors française, et une deuxième fois pour rétablir l’ordre en Nouvelle-Calédonie, un territoire français de l’océan Pacifique, en 1984-1985.

La loi du 3 avril 1955 autorise les préfets des départements, sous le contrôle du ministre de l’Intérieur, à interdire toute circulation des véhicules et des personnes dans les lieux et aux horaires fixés par arrêté. Le préfet est aussi habilité à déterminer des zones de protection ou de sécurité dans lesquelles le séjour des personnes est réglementé. Ces mesures se traduisent dans les faits par un couvre-feu. Cela peut concerner par exemple des restrictions à la circulation dans un ensemble de rues, seules certaines personnes étant autorisées à emprunter ces voies entre 22 heures et 6 heures, en raison notamment de leurs activités professionnelles. Le préfet peut également interdire le séjour dans son département à toute personne qui chercherait à entraver, de quelque manière que ce soit, l’action des pouvoirs publics.

Perquisitions autorisées de jour comme de nuit

Concrètement, cela signifie que les forces de l’ordre pourront perquisitionner dès qu’il y aura suspicion de détention d’armes dans les zones concernées. La loi prévoit notamment que le ministre de l’Intérieur ou les préfets auront la possibilité d’ordonner des perquisitions à domicile de jour comme de nuit. Cette disposition est normalement la prérogative exclusive du pouvoir judiciaire. De plus, le préfet pourra décider la fermeture temporaire de salles de spectacles, débits de boisson et lieux de réunion de toute nature.

Les personnes qui enfreindraient les règles du couvre-feu risquent une peine de prison ferme de deux mois et/ou une amende de 3 750 euros. Pour les mineurs, la peine de prison est divisée par deux, comme en période normale. Les dispositions permettant l’instauration de couvre-feux est applicable jusqu’au 20 novembre. Au-delà, le gouvernement peut décider de proroger le décret mais, cette fois, le vote d’une loi par le Parlement sera nécessaire. Pour parer à toute éventualité, le président de la République réunira le Conseil des ministres avant la fin de la semaine pour adopter un projet de loi dans ce sens.

Il existe quelques précédents récents de couvre-feux en France. A Orléans, suite à des actes de délinquance répétés, un arrêté municipal avait été pris en juin 2001 pour empêcher les enfants de moins de 13 ans de circuler entre 22 heures et 6 heures. Bien que contestée, cette décision avait été reprise par plusieurs maires, au mois de juillet de cette même année 2001. Le Conseil d’Etat avait à l’époque validé l’initiative des maires, s’appuyant sur le principe de la protection des mineurs.      

Devançant la décision de restaurer la loi du 3 avril 1955, la ville du Raincy, en banlieue parisienne, pourtant épargnée par les émeutes, a été la première mardi à décréter le couvre-feu pour les mineurs. Membre de la majorité au pouvoir, le maire du Raincy, Eric Raoult, affirme par cette mesure vouloir protéger de la contagion de la violence sa commune, voisine de Clichy-sous-Bois, d’où sont parties les émeutes le 27 octobre dernier.


par Claire  Arsenault

Article publié le 08/11/2005 Dernière mise à jour le 08/11/2005 à 16:24 TU

Audio

Arlette Heyman-Doat

Professeure émérite de droit public à la faculté de Paris XI

«Le couvre-feu est une des mesures permises par l'état d'urgence.»

Jocelyne Clark

Secrétaire générale de l'Union de familles laïques

«Ces mamans sont persuadées que la violence n'est pas une solution.»

Reportage à Raincy en banlieue parisienne

Par Stéphane Lagarde

«Un couvre-feu qui ne sert à rien.»