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Banlieues : la sécurité d’abord, le social ensuite

Dominique de Villepin à sa sortie du Conseil des ministres extraordinaire.(Photo : AFP)
Dominique de Villepin à sa sortie du Conseil des ministres extraordinaire.
(Photo : AFP)

En annonçant la décision d’autoriser le recours au couvre-feu dans les quartiers touchés depuis douze jours par les violences urbaines, Dominique de Villepin a montré que l’objectif était bel et bien de rétablir l’ordre au plus vite. Cette mesure exceptionnelle n’a pas été unanimement saluée –les socialistes, les Verts ont fait part de leurs réserves-, mais elle n’a pas non plus provoqué un tollé général. Face à une situation explosive et dangereuse, les moyens disponibles pour ramener le calme sont limités. Et tout le monde s’accorde à dire qu’il est indispensable de stopper les débordements pour permettre aux habitants des cités de retrouver une vie normale. Il s’agit d’un préalable pour pouvoir mettre en œuvre dans les banlieues des mesures destinées à réduire les inégalités sociales.  


Les jours passent, les violences se poursuivent et la ligne du gouvernement reste la même. L’intervention télévisée de Dominique de Villepin, lundi 7 novembre, l’a confirmé : les autorités politiques sont déterminées «à prendre toutes les mesures nécessaires pour que l’ordre soit rétabli très rapidement sur l’ensemble du territoire français». Et dans un premier temps, le chef du gouvernement a annoncé que le recours au couvre-feu serait autorisé partout où les préfets estimeraient que cela est nécessaire. Après douze jours d’échauffourées dans les banlieues, la décision de prendre une disposition aussi exceptionnelle montre que face à l’escalade de la violence, les responsables politiques ont choisi de répondre d’abord par une montée en puissance du dispositif sécuritaire.

Nicolas Sarkozy, le ministre de l’Intérieur, avait déjà renforcé les effectifs des forces de l’ordre dans les cités. Environ 8 000 hommes ont été très vite envoyés sur le terrain. Mais malgré ce déploiement, les émeutes ne se sont pas interrompues et se sont même développées jusqu’à atteindre les banlieues des villes de province. Le couvre-feu constitue donc une deuxième étape dans le renforcement des mesures destinées à permettre le retour au calme. Le chef de l’Etat, Jacques Chirac, a d’ailleurs avancé la réunion du conseil des ministres d’un jour, à mardi matin, pour rendre possible la publication rapide des décrets au journal officiel. De manière à ce que les préfets puissent mettre en place dès mercredi les couvre-feux dans les zones à risque.

Le couvre-feu mais pas l’armée

Pour le moment, l’intervention de l’armée dans les quartiers touchés par les émeutes n’est pas envisagée. Mais Dominique de Villepin n’a pas exclu totalement cette hypothèse au cas où  les couvre-feux et l’envoi de nouveaux renforts (1 500 hommes, ce qui porte le total des policiers à 9 500) ne seraient pas suffisants pour mettre un terme à la violence. Lors de son intervention à l’Assemblée nationale, mardi 8 novembre, le Premier ministre a d’ailleurs précisé que le gouvernement était décidé à proroger les couvre-feux, autorisés dans la loi de 1955 pour une période de 12 jours, «si les circonstances l’exigent». Il a aussi estimé que la résorption du phénomène des violences urbaines prendrait «du temps». Dans ce contexte, toute les bonnes volontés sont les bienvenues. Même celles des habitants des quartiers touchés par la violence, dont certains ont commencé à organiser des patrouilles pour surveiller les jeunes, dans la mesure, a tout de même précisé le Premier ministre, où cette mobilisation a pour objectif de «faire passer des messages de calme et de maîtrise».

La décision de recourir au couvre-feu n’a pas fait l’unanimité dans le monde politique. Pour autant, les réactions sont demeurées relativement mesurées après l’annonce de cette mesure pourtant très exceptionnelle en France. La gravité de la situation a, semble-t-il, modéré la vigueur des protestations. Seuls les Verts ont critiqué «une escalade disproportionnée». Le Premier secrétaire du Parti socialiste, François Hollande, a pour sa part simplement déclaré : «Nous serons évidemment vigilants sur l’application de cette mesure qui ne peut être qu’exceptionnelle, limitée dans le temps et dans l’espace». Marie-George Buffet, la secrétaire nationale du Parti communiste, a quant à elle fait part de ses doutes sur l’applicabilité de cette mesure exceptionnelle : «On est incapable d’empêcher ces jeunes de faire des actes de violence la nuit, je ne vois pas comment on va appliquer un couvre-feu». Et d’ajouter, déçue des annonces de Dominique de Villepin sur le traitement social du problème de l’intégration et de la discrimination : «Il [le Premier ministre] aurait pu annoncer l’ouverture d’un grand dialogue national sur : comment sortir de la crise».

Education, emploi, logement

Le chef du gouvernement a donné, lors des questions au gouvernement à l’Assemblée nationale, un peu plus de détails concernant les mesures envisagées pour réduire la fracture sociale dans les banlieues les plus pauvres, où se concentrent des populations d’origine immigrée dont sont issus les jeunes qui ont participé aux émeutes. Il a donné un peu de corps à ses annonces de la veille concernant la nécessité d’intervenir dans les domaines de l’éducation, de l’emploi et du logement.

Dominique de Villepin a annoncé la création de 15 zones franches supplémentaires pour inciter les entreprises à s’installer dans les quartiers sensibles et à embaucher sur place en échange d’exonérations fiscales. Il a demandé au ministre de la Cohésion sociale de réserver 20 000 contrats d’accompagnement pour l’emploi et de contrats d’avenir pour les quartiers difficiles. Et il a promis que tous les jeunes de moins de 25 ans des zones urbaines sensibles seraient reçus dans les trois mois par l’Agence nationale pour l’emploi (ANPE) afin qu’on leur propose une formation, un stage ou un contrat. Le Premier ministre s’est aussi engagé à dégager 25 % de moyens supplémentaires sur une période de deux ans pour permettre l’achèvement du plan de rénovation urbaine d’ici 18 mois.

Dans le domaine de l’éducation, le gouvernement a décidé de créer 5 000 postes d’assistants pédagogiques en janvier 2006, de porter le nombre d’équipes de réussite éducative à 1 000 en 2007, de donner la possibilité d’envoyer les élèves en échec scolaire en apprentissage dès l’âge de 14 ans (au lieu de 16) et d’augmenter les bourses au mérite pour permettre aux meilleurs élèves de poursuivre leurs études. Dominique de Villepin a aussi reconnu l’erreur faite par la droite en diminuant les subventions aux associations des quartiers sensibles il y a quelques années et s’est engagé à les rétablir. Reste à savoir si ces décisions et ces annonces seront suffisantes pour atténuer la colère des jeunes et contribuer à ramener le calme dans les banlieues.


par Valérie  Gas

Article publié le 08/11/2005 Dernière mise à jour le 08/11/2005 à 18:47 TU