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France

Le couvre-feu face à la violence

Couvre-feu dans la banlieue d'Amiens, dans le nord de la France.(Photo : AFP)
Couvre-feu dans la banlieue d'Amiens, dans le nord de la France.
(Photo : AFP)
Le décret qui permet de recourir aux dispositions de la loi de 1955 sur l’état d’urgence est entré en application. Les préfets peuvent désormais décider de mettre en œuvre dans les départements français des mesures visant à assurer l’ordre public, comme le couvre-feu. Dans certaines communes, les maires n’ont pas attendu et ont, dès avant la publication officielle du texte, imposé des interdictions de circulation nocturne à la population. En recourant à l’état d’urgence, le gouvernement espère réussir à calmer les émeutes, dont l’intensité a, semble-t-il, baissé dans la nuit de mardi à mercredi.

Amiens a été la première ville où un couvre-feu a été décidé par arrêté préfectoral. Les maires de Savigny-sur-Orge, Orléans et le Raincy ont, eux aussi, décidé d’interdire la circulation des mineurs dans leur ville. D’autres communes concernées par les violences urbaines devraient les suivre, dès mercredi. Rouen, Le Havre, Elbeuf, Evreux ont déjà annoncé leur intention de prendre des mesures de ce type sans tarder. Dans cette dernière ville, l’ensemble des habitants (mineurs et majeurs) seront concernés par le couvre-feu.

Le décret, publié mercredi au Journal officiel, qui permet d’appliquer l’état d’urgence sur l’ensemble du territoire métropolitain, donne pouvoir aux préfets de région, ou de police (pour Paris), de décider s’il y a lieu d’interdire la circulation nocturne pour les mineurs ou l’ensemble des habitants d’une commune. Et dans vingt-cinq départements (Bouches-du-Rhône, Côte d’Or, Loiret, Moselle, Oise, Seine-Maritime…) dont l’Ile-de-France et Paris, d’autres dispositions sont aussi applicables si le rétablissement de l’ordre public l’exige.

Des mesures particulières dans 25 départements

Il s’agit de mesures particulières qui viennent compléter le couvre-feu pendant la même période de douze jours. Elles permettent, par exemple, d’assigner les personnes à résidence, de fermer salles de spectacles et débits de boissons ou d’exiger la remise des armes. Nicolas Sarkozy, qui s’est rendu à Toulouse mardi soir pour apporter son soutien aux forces de l’ordre, a expliqué la manière dont il entendait mettre en oeuvre ces dispositions exceptionnelles. Le ministre de l’Intérieur désire que les couvre-feux soient appliqués de manière «mesurée» et «proportionnée à la menace». Il a aussi promis que la procédure ne remettrait «en cause la liberté de personne». 

La décision du gouvernement de permettre l’instauration de couvre-feux dans les zones urbaines à risques a été plutôt bien accueillie dans l’opinion française. Un sondage réalisé par l’institut CSA pour le quotidien Le Parisien montre que 73% des personnes interrogées sont favorables à cette mesure. Et 58% d’entre elles affirment avoir été scandalisées par les émeutes et les saccages qui se sont déroulés depuis treize jours dans quelque 300 communes de France.

Avec la remise en vigueur de la loi de 1955 sur l’état d’urgence, le gouvernement joue son va-tout pour essayer de calmer les émeutes que le déploiement de plusieurs milliers de policiers et gendarmes n’a pas pu canaliser pendant près de deux semaines. Après une escalade ininterrompue de douze jours, les violences ont, selon les autorités, été moins importantes durant la nuit du mardi 8 au mercredi 9 novembre. Le ministère de l’Intérieur a fait état de la destruction de 617 véhicules contre 1 173 la veille. La province a une nouvelle fois été plus touchée par les émeutes et les destructions que la région parisienne, d’où le mouvement était pourtant parti. Le nombre d’interpellations a, en revanche, augmenté. Plus de 200 personnes avaient été arrêtées par la police mercredi matin, contre 151 mardi.

La justice joue un rôle majeur

Depuis le 27 octobre, environ 1 800 personnes ayant participé aux émeutes et aux destructions ont été interpellées dans les banlieues. De nombreuses sentences ont déjà été prononcées : 130 majeurs ont été condamnés à des peines de prison ferme, 44 ont été placés sous mandat de dépôt dans l’attente d’un procès et 39 mineurs ont été envoyés en détention sur les 194 qui ont été présentés à des juges pour enfants. Dans le dispositif de lutte contre les violences urbaines, la justice joue un rôle majeur. Les magistrats ont reçu des consignes de sévérité, notamment vis-à-vis des récidivistes et des responsables de «troubles graves à l’ordre public». Ils ont aussi été incités à multiplier les procédures de comparution immédiate : 208 personnes ont ainsi déjà été présentées devant un juge.

L’évolution de la situation dans les prochains jours donnera une indication sur l’efficacité de ce dispositif, tout comme sur l’impact des mesures sociales annoncées en parallèle par le Premier ministre, Dominique de Villepin. Si les violences se poursuivent au-delà du délai de 12 jours prévu dans la loi pour l’application de l’état d’urgence, le gouvernement a prévenu qu’il prorogerait la mesure.


par Valérie  Gas

Article publié le 09/11/2005 Dernière mise à jour le 09/11/2005 à 17:34 TU