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Irak

L’armée américaine aurait utilisé des armes chimiques

L'offensive américaine sur la ville de Falloujah, en novembre 2004, avait fait 470 morts et 1200 bléssés, selon l'armée U.S.(Photo : AFP)
L'offensive américaine sur la ville de Falloujah, en novembre 2004, avait fait 470 morts et 1200 bléssés, selon l'armée U.S.
(Photo : AFP)
L’armée américaine aurait utilisée des armes chimiques, lors de son offensive contre la ville de Falloujah en novembre 2004. C’est la thèse défendue dans un documentaire diffusé mercredi soir sur la chaîne de télévision italienne RAI. Cette accusation jette un peu plus le doute sur les méthodes utilisées dans cette guerre. Un porte-parole de l’armée américaine déclare ne pas être au courant.

«J’ai vu des corps brûlés de femmes et d’enfants». Jeff Englehart est un ancien soldat américain qui a combattu en Irak. Il dit avoir participé à l’offensive américaine contre la ville sunnite de Falloudjah en novembre 2004. «Je sais que du phosphore blanc a été utilisé», affirme-t-il. Le phosphore blanc est une arme dite incendiaire. La bombe explose dans le ciel, afin d’éclairer les champs de bataille, la nuit. Mais ce que veut dire Jeff Englehart, c’est que ce produit chimique aurait été utilisé contre des individus. Non seulement des combattants, mais aussi des civils. «Le phosphore explose et forme un nuage. Tous ceux qui se trouvent dans un rayon de 150 mètres sont touchés. Le phosphore brûle les corps et les dissout même jusqu’au os». Le témoignage de ce vétéran de l’armée américaine est le pivot du documentaire diffusé mercredi soir sur la chaîne de télévision italienne RAI.

Ce documentaire d’une vingtaine de minutes, a été réalisé par deux journalistes Maurizio Torrealta et Sigfrido Ranucci. Son titre, «Falloudjah, le massacre caché», est accrocheur. Et les images qui l’illustrent sont difficilement supportables. Des cadavres calcinés, comme figés au moment du décès. «On a trouvé des gens morts avec des blessures bizarres, les corps brûlés et les vêtements intacts», explique Mohamad Tareq al Deraji. Cet homme, biologiste de Falloudjah, dit avoir été témoin de ces attaques chimiques. Aujourd’hui, il dirige un centre d’études pour les droits de l’homme. Les auteurs du documentaire affirment par ailleurs que les forces américaines auraient utilisé des bombes incendiaires de type MK77, une arme semblable au napalm, contre des cibles militaires en Irak. Au total, ce reportage, les témoignages qui le ponctuent, les images qui l’illustrent et le commentaire qui l’accompagne, accablent l’armée américaine et les dirigeants politiques qui ont décidé de cette guerre. Il jette un sérieux trouble sur les procédés utilisés par les militaires durant ce conflit. L’usage d’armes incendiaires contre des populations civiles constitue une violation des lois internationales, notamment la Convention de Genève de 1980, dans son Protocole III Mais d’après un fonctionnaire de l’Onu à New-York, interrogé par l’agence Reuters, les Etats-Unis n’ont pas signé ce protocole…

Plusieurs témoignages troublants

Le recours à des armes chimiques par les troupes de la coalition a déjà été évoqué à plusieurs reprises par des sources différentes. Ainsi dans un article présenté lors d’un colloque ayant pour thème «les normes internationales en état de siège, les droits de l’homme et l’abstention de la torture», deux chercheurs britannique et canadien précisent que «des rapports ont indiqué un usage très répandu de phosphore blanc» dans la ville de Falloudjah en novembre 2004. Les sites internet de mouvements pacifistes se font assez largement l’écho d’opposants à la guerre en Irak. Début décembre, quelques jours après la fin de l’offensive sur Falloudjah, on pouvait ainsi lire sur l’un de ces sites, les propos d’un habitant de la ville qui assurait que «(les militaires américains avaient) utilisé des gaz toxiques. Ils ont bombardé la ville jusqu’à en laisser des décombres».

Et puis, il y a les témoignages recueillis par des journaux : The Washington Post, Il Manifesto. Ce dernier a ainsi publié fin septembre, une interview de Jimmy Massey, ancien soldat américain blessé en Irak. Il y déclare que l’armée américaine «utilise (du phosphore blanc) dans les ogives des missiles lancés depuis les hélicoptères et dans les projectiles tirés, de terre, par l’artillerie (…) Les bombes au phosphore ont été employées de nuit et de jour, en continu, et j’ai assisté à la mort de nombreux civils innocents –femmes et enfants inclus- brûlés vifs». Et quand la journaliste évoque une violation des lois internationales, Jimmy Massey précise : «Je savais que tout ce que nous sommes en train de faire quant à l’usage de la violence et l’utilisation des armes d’extermination contre les irakiens représente une violation de la Convention de Genève, mais nos supérieurs opéraient sur ordre du président et de ses hommes de lois (Alberto Gonzales, l’actuel ministre de la justice américain). En Irak, nos supérieurs nous avaient dit que, comme on luttait contre des « terroristes», la convention de Genève n’y avait pas d’application».

Interrogé sur cette accusation par l’agence Reuters, le porte-parole de l’armée américaine à Bagdad, le lieutenant-colonel Steven Boylan, a simplement indiqué : «Je ne me souviens pas de l’utilisation de phosphore blanc lors de l’offensive à Falloudjah à l’automne 2004».


par Olivier  Péguy

Article publié le 09/11/2005 Dernière mise à jour le 09/11/2005 à 18:37 TU

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Général Michel Roquejoffre

Commandant de l'armée française durant la première guerre du Golfe

«C'est une arme incendiaire... Ça ne devrait être utilisé que dans le cas d'un conflit ouvert.»