France
Un week-end sur le qui-vive
Photo : AFP
On brûle moins, mais la colère n’est pas retombée pour autant. Même le ministre de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy, l’a reconnu : «les choses s’apaisent mais ça ne veut pas dire que ça ne peut pas repartir, notamment parce que les raisons structurelles sont toujours là». Principaux motifs d’inquiétude, des appels à poursuivre les violences ou à «descendre» sur Paris ce week-end, circulent sur des dizaines de blogs sur internet et par SMS. Un jeune homme d’une vingtaine d’années, auteur présumé de messages particulièrement violents sur plusieurs sites internet, a d’ailleurs été interpellé et placé en garde à vue, annonce le directeur général de la police nationale, Michel Gaudin. Plusieurs autres jeunes font l’objet de poursuites pour des faits similaires. Certains ont été mis en examen.
En prévision d’éventuels débordements, un dispositif renforcé de sécurité a été déployé en plein de cœur de Paris. Sur les Champs-Elysées, où la tension est palpable, dans les transports en commun menant à Paris et desservant les quartiers qui ont été le théâtre des émeutes, plus de 2 200 policiers, CRS et gendarmes mobiles sont sur le qui-vive. Dans le reste du territoire, ce sont 12 000 policiers et gendarmes, appuyés par des hélicoptères, qui restent déployés sur le terrain.
Pour tous, les jours qui viennent ont valeur de test et les autorités restent extrêmement vigilantes. Parmi les mesures destinées à prévenir tout nouveau départ de feu, le préfet de police de Paris a pris un arrêté interdisant la vente et le transport de carburant, afin d’éviter la fabrication de cocktails Molotov. Stations service, drogueries, supermarchés et magasins de bricolage ne doivent plus vendre de bidons d’essence et sont appelés à signaler les ventes inhabituelles de ce type de produits.
Nicolas Sarkozy persiste et signeAccusé par de nombreux jeunes d’avoir attiser leur colère, avec ses propos sur la «racaille», Nicolas Sarkozy a renouvelé ses déclarations lors d’un débat télévisé. «Ce sont des voyous, des racailles, je persiste et je signe», a-t-il déclaré. Par ailleurs, cinq des huit policiers suspendus pour avoir frappé ou laissé frapper un jeune homme à La Courneuve, en banlieue de Paris, ont été déférés devant la justice vendredi. Leurs trois collègues ont été remis en liberté.
«Je n’accepterai aucun débordement des forces de l’ordre», assure le ministre de l’Intérieur, à propos de l’incident filmé par une caméra de France Télévision. Du côté des manifestants, depuis le 29 octobre, plus de 2 230 ont été interpellés. Le plus jeune était âgé d’à peine 10 ans. Plus de 1 700 ont été placés en garde à vue. Au moins 235 personnes ont été condamnées à des peines d’emprisonnement ferme et 310 mineurs ont été présentés devant le juge des enfants, dont 68 ont été écroués.
Au moment où les banlieues tentent de reprendre leur souffle, le bilan économique des émeutes reste à faire. Si la Bourse a ignoré l’agitation, les assureurs devront mettre la main à la poche. La facture devrait se monter à 200 millions d’euros, dont une vingtaine pour indemniser les propriétaires des 7 500 véhicules brûlés, le reste ira aux bâtiments incendiés. Selon le ministre de l’Economie, Thierry Breton, la crise des banlieues n’aura pas d’impact économique en France. Dans une interview accordée au quotidien économique britannique, Financial Times, Thierry Breton affirme vouloir faire «rentrer la croissance» dans les banlieues tout en reconnaissant que «la France avait échoué avec les immigrés».
Parmi les mesures économiques en faveur des banlieues défavorisées, la création de 15 zones franches supplémentaires semble en constituer le socle. Ces dispositifs procurent déjà aux entreprises qui s’y installent, une exonération des charges sociales et fiscales pendant 5 ans. L’objectif est de créer des emplois dans ces quartiers où le taux de chômage atteint les 40% chez les jeunes âgés de 15 à 24 ans. Le ministère de l’Economie travaille également sur des initiatives pouvant faciliter les créations d’entreprises en limitant les démarches obligatoires. Il est question aussi d’alléger les qualifications requises pour certains métiers comme la coiffure ou la conduite de taxis ou encore d’autoriser le travail le dimanche dans ces banlieues.
par Claire Arsenault
Article publié le 11/11/2005 Dernière mise à jour le 11/11/2005 à 17:18 TU