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Religion

La béatification du Père Charles de Foucauld

Le père Charles de Foucauld au Maroc.Photo : Roger Viollet
Le père Charles de Foucauld au Maroc.
Photo : Roger Viollet

Le moine français, Charles de Foucauld, qui vécut en ermite parmi les Touaregs du Sahara algérien au début du XXème siècle, a été béatifié à Rome dimanche. Cet aristocrate originaire de Strasbourg, dont le procès en béatification a été longtemps retardé en raison notamment de la guerre d’Algérie, n’a pas fondé d’ordre religieux, mais de nombreux mouvements se réclament de sa spiritualité.


De notre correspondant à Rome

Comment un jeune homme de bonne famille se retrouve-t-il, à la fin du XIXème siècle, à mener une vie d’ascète, d’explorateur, d’«aventurier de Dieu» au milieu des Touaregs dans les rigueurs du Sud algérien ? Ce n’est pas la moindre des énigmes de Charles-Eugène de Foucauld, né le 15 septembre 1858 à Strasbourg dans une famille fortunée. Orphelin dès son jeune âge, il entreprend une carrière militaire soutenue par son grand-père et suit la formation des jeunes officiers à l’école de Saint-Cyr. Mais le tournant de sa vie, c’est à Paris qu’il se situe, en 1886. Charles a 28 ans, il a renoncé quatre ans plus tôt à l’Armée et il revient d’une exploration au Maroc. Il discute alors longuement avec le curé de l’église Saint-Augustin. Le futur moine parlera de cette rencontre comme d’un déclic, celui de sa conversion. «Je compris que je ne pouvais faire autrement que de ne vivre que pour le Christ», écrira-t-il plus tard.

Charles de Foucauld entre en 1890 dans l’ordre religieux de la Trappe. Pendant sept ans il va mener une vie de trappiste en Ardèche (centre-sud de la France), puis en  Syrie. Le Maghreb, l’Orient. Tout, dans son parcours, le mène sur les traces d’un monde qui le fascine. En 1897, il quitte la maison des trappistes et va vivre en ermite à Nazareth et à Jérusalem. Il est ordonné prêtre en 1901. Il regagne alors aussitôt le Maghreb : il ne le quittera plus, sauf pour quelques aller et retours avec la métropole.   

Il s’installe d’abord à Beni-Abbès, dans l’ouest de l’Algérie. Puis l’appel du sud s’impose de nouveau. Charles de Foucauld entre en contact avec les Touaregs du Hoggar en 1904. Un an plus tard, il s’établit à Tamanrasset, symbole tangible du désert pour cet homme épris de Dieu, lieu d’une confrontation avec l’Islam qui va le transformer.

Féru d’hébreu, d’arabe et de berbère, le père de Foucauld écrit plusieurs ouvrages sur les Touaregs. Il traduit la poésie locale et écrit même une grammaire et un dictionnaire français-touareg. Le jeune militaire aurait pu être un colon chrétien, mais il comprend rapidement qu’il doit abandonner son zèle prosélyte. C’est en homme de Dieu qu’il poursuit l’exploration, en « frère universel » comme il se définissait lui-même. Il meurt à Tamanrasset en 1916, assassiné par des Touaregs lors d’un pillage.

Un long procès en béatification

Un siècle avant l’assassinat des 7 moines de Tibherine en 1995 et de l’évêque d’Oran, Mgr Pierre Claverie, durant les années sombres de la guerre algérienne contre le terrorisme islamiste, le parcours de l’«ermite du Hoggar » révèle un précurseur. Dans l’esprit de l’orientaliste Louis Massignon, Charles de Foucauld comprit que l’évangélisation, la propagation du message chrétien, ne pouvait se faire au détriment du respect de ses interlocuteurs, d’un authentique dialogue, en l’occurrence avec l’Islam. «Continuer au Sahara la vie cachée de Jésus à Nazareth, non pour prêcher mais pour vivre dans la solitude, la pauvreté, l’humble travail de Jésus», écrit-il en avril 1904. Cette posture retarda sa reconnaissance au sein de l’Eglise catholique. La guerre d’Algérie enterra son procès en béatification, ouvert dès 1927. «Le fait que Charles de Foucauld ait vécu dans  un contexte colonial a pesé très lourd dans le ralentissement de la béatification», affirmait récemment Mgr Claude Rault, évêque de Laghouat-Ghardaïa, en Algérie. Ces obstacles ont été levés par le nouvel esprit régnant au sein de l’Eglise après le Concile Vatican II. Levés surtout en 2001 par le Pape Jean Paul II, toujours attentif aux signes du dialogue entre chrétiens et musulmans, qui, avant de mourir au printemps dernier, donna son feu vert définitif à la cérémonie de béatification.

Aventurier, ermite, missionnaire, géographe, linguiste, Charles de Foucauld n’a pas fondé d’ordre religieux proprement dit. On parle plutôt de «famille spirituelle» à propos des 19  mouvements,  associations ou congrégations religieuses qui déclarent s’en inspirer, et regroupent environ 15.000 membres dans 65 pays. Parmi ces mouvements, la congrégation des Petites Sœurs du Sacré Cœur, fondée en 1933, dans l’esprit de contemplation et de pauvreté du Père de Foucauld, ou encore, les Petits Frères de Jésus. Plusieurs milliers d’entre eux ont fait le voyage pour assister ce dimanche à la cérémonie de béatification.


par Laurent  Morino

Article publié le 13/11/2005 Dernière mise à jour le 14/11/2005 à 10:29 TU

Audio

Geneviève Delrue

Journaliste à RFI

«Un chemin spirituel qui commence par un voyage au Maroc en 1882.»

Frère antoine Chatelard

Petit Frère de Jésus

«Il a construit là, la première maison de Tamanrasset.»

Badia

Responsable d'une agence touristique à Tamanrasset

«Pour nous, Charles de Foucauld, c'est le marabout. C'est un saint.»