France
L’état d’urgence prolongé de trois mois
(Photo : AFP)
Le décompte des actions violentes décroît régulièrement après le pic de la semaine dernière où 1 400 véhicules avaient brûlé en une seule nuit. Succédant à la région parisienne, la province a pris le relais de l’agitation. Ce week-end, ce sont 120 communes qui ont été le théâtre d’agressions ou d’incendies. Pour la première fois samedi, le coeur d’une grande ville, Lyon, a vu des affrontements entre forces de l’ordre et plusieurs dizaines de jeunes qui ont été dispersés par des tirs de grenades à gaz lacrymogène. Un cocktail Molotov a également été lancé, sans exploser, contre la grande mosquée de la troisième ville de France. Dans le sud, à Carpentras, deux engins incendiaires ont également été projetés sur une mosquée.
Une quarantaine de villes restent sous couvre-feu dans le cadre de l’état d’urgence décrété le 8 novembre en vertu d’une loi de 1955 datant de la guerre d’Algérie, qui limite sa durée à 12 jours. Au vu du bilan du week-end, Michel Gaudin (DGPN) se demandait s’il fallait continuer à parler d’émeutes alors qu’on se rapprocherait selon lui, de «ce qu’il est convenu d’appeler la normale». De toute évidence, l’analyse est différente au sommet de l’Etat, où malgré l’accalmie, le gouvernement a adopté lundi un projet de loi prolongeant de 3 mois l’état d’urgence. Le projet doit être examiné et probablement adopté dès mardi par le parlement. Jacques Chirac, qui doit faire une déclaration solennelle lundi, a qualifié cette mesure de «strictement temporaire, qui ne s’appliquera que là où elle est strictement nécessaire et en plein accord avec les élus».
La plupart des jeunes émeutiers ne peuvent pas être expulsésLe débat au parlement risque d’être houleux. La prolongation de l’état d’urgence et les déclarations du ministre de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy, menaçant toujours d’expulser les fauteurs de troubles étrangers, ont provoqué de vives réactions des partis de gauche et de nombreuses associations comme SOS Racisme. Selon Nicolas Sarkozy, les premières expulsions pourraient avoir lieu dès le début de la semaine et ceci avant même toute condamnation par un tribunal. Une dizaine de personnes pourraient être concernées par une telle procédure d’expulsion qui peut se faire sur la base d’arrêtés préfectoraux ou sur décision du ministre lui-même. Mais selon le Conseil national des barreaux, qui représente tous les avocats de France, la plupart des jeunes ayant participé aux émeutes ne peuvent pas être expulsés. La loi protège en effet les étrangers mineurs, de même que ceux qui séjournent depuis longtemps en France ou qui y possèdent des liens familiaux.
Par leur retentissement, ces événements ont considérablement écorné l’image de la France à l’étranger. Passablement agacé par les titres accrocheurs de la presse étrangère «La France brûle» ou «Emeutes musulmanes en France», le gouvernement souhaite appeler à plus de mesure. Dans cet objectif, le porte-parole du gouvernement, Jean-François Copé, devait rencontrer la presse étrangère pour faire le point sur la situation dans les banlieues.
Les ambassadeurs français font également partie du plan de communication destiné à corriger l’image négative des dernières semaines. Le ministre des Affaires étrangères, Philippe Douste-Blazy, les a invités à parler aux médias étrangers des problèmes d’intégration que la France rencontre effectivement, mais qui sont propres à beaucoup de pays confrontés aux flux de l’immigration.
Les échos des violences des banlieues françaises ont également suscité un mouvement de solidarité du côté de l’Europe. Le président de la Commission européenne, José Manuel Durao Barroso, a ainsi annoncé qu’il allait débloquer 50 millions d’euros en signe de solidarité avec la France, pour l’aider à faire face aux conséquences des émeutes.par Claire Arsenault
Article publié le 14/11/2005 Dernière mise à jour le 14/11/2005 à 17:41 TU