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France

Emeutes : 10 expulsions imminentes

Nicolas Sarkozy visitant les installations de contrôle des voyageurs en provenance de l'étranger, le 11 Juillet 2005, à Marseille, veut aujourd'hui accélérer les expulsions des étrangers inculpés dans les violences urbaines.(Photo : AFP)
Nicolas Sarkozy visitant les installations de contrôle des voyageurs en provenance de l'étranger, le 11 Juillet 2005, à Marseille, veut aujourd'hui accélérer les expulsions des étrangers inculpés dans les violences urbaines.
(Photo : AFP)
Le ministre de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy l’avait annoncé la semaine dernière aux députés, il allait demandé l’expulsion de 120 étrangers ayant participé aux émeutes. Finalement, après examen des cas et au regard de la loi, seules 10 personnes pourraient éventuellement relever d’une telle procédure. A propos du nombre de personnes impliquées, le bouillonnant ministre assure «ne pas vouloir faire du chiffre». Pour lui, «c’est une question de principe».

Près de 2 900 personnes ont été interpellées en trois semaines au cours des émeutes qui ont atteint les banlieues françaises défavorisées. Environ la moitié ont fait l’objet d’une garde à vue et 600 ont été écrouées, dont 107 mineurs, selon la direction générale de la police nationale. Parmi ces personnes, une centaine serait des étrangers. Ce sont ceux-là que le ministre de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy souhaitait voir expulsés. Même si 63% des Français approuvent cette mesure selon un récent sondage, la loi offre une protection incontournable pour la très large majorité d’entre eux. Le ministre a donc dû revoir nettement à la baisse le nombre d’étrangers qu’il pouvait faire expulser. Au final, seules dix procédures d’expulsion ont pu être engagées. L’identité, l’âge et l’origine des dix personnes concernées n’ont pas été communiqués par le ministère.

Si la liste de Nicolas Sarkozy s’est rétrécie comme une peau de chagrin, c’est avant tout parce que l’écrasante majorité des personnes interpellées possède la nationalité française. La question de leur expulsion ne se pose donc pas. Quant aux étrangers poursuivis ou condamnés pour violences urbaines, ils relèvent pour la plupart de la loi sur l’immigration. Une loi que le même Nicolas Sarkozy a fait voter en 2003 et qui protège certaines catégories d’étrangers contre les mesures d’éloignement.

Un risque de stigmatiser les étrangers

Selon les termes de cette loi, les mineurs ne peuvent en aucun cas être expulsés. Pour ce qui concerne les majeurs, ceux qui sont arrivés en France avant l’âge de 13 ans sont également protégés par cette même loi. Pour ceux qui sont arrivés après 13 ans, s’ils ont toute leur famille en France, ils ne sont pas expulsables non plus en vertu cette fois, de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme. Les seules dérogations que la loi a prévues concernent la fausse monnaie, les incitations à la discrimination et le terrorisme. Les violences urbaines pour lesquelles sont poursuivies les dix personnes menacées d’expulsion actuellement, n’entrent en aucun cas dans ce cadre, explique le Conseil national des barreaux, qui représente tous les avocats de France.

Une fois l’arrêté prononcé, la personne poursuivie peut introduire un recours devant le tribunal administratif, puis le Conseil d’Etat. Mais ce recours n’est pas suspensif. Toutefois si les instances saisies annulent l’arrêté d’expulsion, la personne sera autorisée à revenir en France comme cela s’est produit récemment, pour un imam de la région lyonnaise, malgré trois arrêtés successifs.

Plusieurs associations de défense des droits de l’homme, dont le Groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti) reproche au ministre de l’Intérieur «d’avoir fait une annonce politique à l’Assemblée nationale qui ne correspond pas à la réalité des événements, puisque la majorité des jeunes impliqués sont français». «M. Sarkozy est pourtant avocat, aurait-il oublié l’esprit de la loi ?» s’interroge Me Ahcène Taleb, un avocat membre d’une cellule de vigilance. Cette structure a été mise en place par le barreau de Seine-Saint-Denis afin de préparer d’éventuels recours contre des arrêtés pris en «urgence absolue». Pour la Cimade (service œcuménique d’entraide), «il est intolérable que le discours gouvernemental se réduise à une stigmatisation des étrangers et à un amalgame qui tente de faire croire que la responsabilité des mouvements de révolte leur est imputable».

L’Etat d’urgence prolongé, assorti d’expulsions et de couvre-feux, semble profiter à Nicolas Sarkozy. Sa popularité, loin de souffrir des mesures autoritaires instituées, vient de gagner encore 11 points selon un sondage Ipsos. Ainsi, 68% des sondés approuvent son action. Bien évidemment, l’omniprésent ministre de l’Intérieur fait le score maximum au sein de l’électorat de son parti, l’UMP où 84,5% le voient comme le meilleur candidat à la présidentielle. Son potentiel électoral est au même niveau au Front national, le parti d’extrême droite de Jean-Marie Le Pen. Plus surprenant, Nicolas Sarkozy gagne aussi à gauche, où 50% d’électeurs socialistes déclarent dans ce même sondage, avoir une bonne opinion du ministre de l’Intérieur.


par Claire  Arsenault

Article publié le 16/11/2005 Dernière mise à jour le 16/11/2005 à 17:16 TU