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Société de l’information

Ordinateur à 100 dollars : pour qui ?

Le prototype de l'ordinateur à 100 dollars a été créé dans le cadre de l'association Un ordinateur portable par enfant fondée par le directeur du MediaLab Nicholas Negroponte.
(Photo: Mounia Daoudi/RFI)
Le prototype de l'ordinateur à 100 dollars a été créé dans le cadre de l'association Un ordinateur portable par enfant fondée par le directeur du MediaLab Nicholas Negroponte.
(Photo: Mounia Daoudi/RFI)
Nicholas Negroponte, le directeur des prestigieux laboratoires de recherche du Massachusetts Institute of technology (MIT), a présenté mercredi soir à Tunis son ordinateur portable à 100 dollars. Cette petite merveille technologique, dont le coût est cinq fois inférieur à celui d’un modèle basique normal, est destinée aux écoliers du tiers-monde et sera disponible dans les langues locales. Peut-être enfin un moyen sûr de combler ce fameux fossé numérique qui existe entre les pays du Nord et ceux du Sud. Même si Nicholas Negroponte affirme, lui, vouloir s’attaquer à «la fracture de l’éducation». «Le numérique n’est qu’un moyen comme un autre pour permettre un accès aux connaissances et au savoir», lance-t-il.

De notre envoyée spéciale

Alan Kay, créateur de l'ordinateur portable.
(Photo: Mounia Daoudi/RFI)
Il est vert. Il a une manivelle jaune. Il se démonte. Et dans quelques mois, il sera entre les mains d’un petit Nigérian, d’un petit Brésilien ou encore d’un petit Chinois. Nicolas Negroponte, les yeux brillants, n’est pas peu fier de présenter le fruit des recherches du prestigieux laboratoire qu’il dirige. A ses côtés, un certain Alan Kay qui, en 1968, a mis au point le premier ordinateur portable ! «C’est une machine solide, qui a besoin de peu d’énergie et qui fonctionnera avec des logiciels libres», résume le directeur du MediaLab. Sa production devrait commencer d’ici la fin de l’année ou, au plus tard, début 2006. Cinq grandes entreprises ont d’ores et déjà proposé d’assurer sa fabrication.

Mais pour cela, il faudra d’abord que les six premiers pays choisis pour le lancement du projet –l’équipe du MIT est actuellement en négociation avec six Etats : le Nigeria, l’Egypte, l’Inde, la Chine, le Brésil et la Thaïlande– aient passé commande mais aussi payé les cinq à dix millions de premières unités. Et si tout va bien, dans six mois les écoliers de ces pays auront, chez eux, cette petite merveille de technologie, star incontestée de cette deuxième phase du Sommet mondial de la société de l’information. Car Nicholas Negroponte insiste sur ce point. L’ordinateur à 100 dollars devra appartenir à ces enfants. Pas question, en effet, de le fournir à des Etats pour équiper des écoles ou des administrations. L’expérience montre que l’on prend soin de ce qui nous appartient, affirme-t-il. «Avez-vous déjà lavé une voiture de location ?», lance-t-il non sans humour.

Les dangers du marché noir

Présentation du système par Nicholas Negroponte.
(Photo: Mounia Daoudi/RFI)
Mais même à cent dollars, l’ordinateur mis au point par les chercheurs du MIT reste très cher pour la très grande majorité des familles du tiers-monde. «Il ne s’agit pas de le leur vendre, rétorque Nicholas Negroponte, mais bien de le leur fournir gratuitement». Qui supportera alors les coûts ? Certains Etats n’ont en effet pas non plus les moyens de fournir à leur population des ordinateurs quand leur pays manque de tout, routes, électricité, hôpitaux. Des solutions existent, assure le directeur du MediaLab qui rappelle que les gouvernements du tiers-monde, qui ont une mission d’éducation nationale, fournissent bien des livres aux écoliers. Pourquoi ne pas imaginer qu’un ordinateur puisse leur être donné au même titre que des manuels scolaires ? La Banque mondiale pourrait participer à cet effort. Les philanthropes ne manquent pas non plus. «Des enfants des pays riches pourraient parrainer les enfants du Sud», ajoute Nicholas Negroponte qui refuse d’envisager l’idée que des contingences matérielles puissent empêcher la distribution de son ordinateur à 100 dollars.

«Nous avons construit une machine robuste qui utilise peu de courant.»
Nicholas Negroponte
Directeur du MediaLab  [17/11/2005] 00 min 47 sec
Real    Windows

Un autre danger guette l’arrivée de ce portable, fruit de plusieurs années de recherche : le marché noir. Comment en effet empêcher que des familles dans le besoin ne le revendent pour de l’argent ? Comment éviter que la corruption ne vienne gangrener une opération qui se définit comme non lucrative et qui se donne pour ambition de faciliter l’accès à la connaissance et au savoir dans les pays pauvres ? Là encore des moyens existent. «Techniquement, il est possible, affirme Nicholas Negroponte, de désactiver la machine si elle ne se trouve pas dans le périmètre, le village, où elle est censée se trouver». Mais le directeur compte surtout sur la spécificité de cet ordinateur pour décourager les trafics. «Personne n’irait voler un camion postal. Il n’y a pas de marché pour vendre un tel véhicule», affirme-t-il. Il faudrait parvenir, explique-t-il, à ce que ce portable, destiné à des enfants pauvres, deviennent un objet connu de tous et que sa revente devienne à ce titre impossible.

Nicholas Negroponte croit dur comme fer à son «100$ laptop». Son projet a reçu le soutien financier de grands groupes tels Advanced Micro Devices, Google, News Corp ou encore Red Hat. Plus de 4,5 millions de commandes ont déjà été passées. Et même si les négociations avec les administrations des pays concernés s’avèrent ardues, il ne perd pas l’espoir qu’un jour son projet «Un portable par enfant» se réalise. «J’ai toute la vie pour ça. Je n’ai pas d’autres projets que celui-là», affirme, visiblement déterminé, celui qui l’on surnomme le pape du numérique.



par Mounia Daoudi

Article publié le 17/11/2005 Dernière mise à jour le 17/11/2005 à 12:43 TU