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Emeutes : la polygamie montrée du doigt

Femmes africaines à Paris en août 2005. En France, la polygamie est tolérée du moment que le ou les mariages n’ont pas lieu dans le pays.(Photo: AFP)
Femmes africaines à Paris en août 2005. En France, la polygamie est tolérée du moment que le ou les mariages n’ont pas lieu dans le pays.
(Photo: AFP)
L’irruption de la polygamie dans le débat sur les causes des émeutes des banlieues a de quoi surprendre. Le ministre délégué à l’Emploi, Gérard Larcher, a dégainé le premier en désignant la polygamie comme étant une des causes des violences urbaines. Selon Gérard Larcher, les enfants des familles polygames occasionneraient des problèmes «parce qu’ils manquent de références ou de repères». Deuxième tir en provenance du président du groupe UMP de l’Assemblée nationale, Bernard Accoyer, pour qui la polygamie pose des problèmes qui sont «en partie la cause des désordres que nous avons eus ; on ne peut pas vivre à plusieurs dizaines dans un appartement» a-t-il soutenu.

La polygamie est interdite dans le droit français depuis la loi Pasqua en 1993 qui proscrit le regroupement familial aux familles polygames. Pour les contrevenants, elle prévoit un an d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende. De plus, le titre de séjour délivré à un second conjoint ainsi qu’à l’époux polygame, doivent être retirés. Par ailleurs, les étrangers ainsi que leurs épouses vivant en état de polygamie ne peuvent plus obtenir de carte de résident, même s’ils remplissent les conditions pour l’obtenir.

«En France, polygamie rime souvent avec promiscuité.»
Frédérique Misslin
Journaliste à RFI  [17/11/2005] 01 min 07 sec
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La polygamie n’a donc pas droit de cité en France parce que le système économique et social repose sur les principes d’égalité et de liberté individuelle. Dans les faits, la situation est bien différente. La polygamie est tolérée du moment que le ou les mariages n’ont pas lieu en France. Normalement, pour conserver leurs titres de séjour, les familles polygames sont incitées à «décohabiter». Autrement dit, les couples doivent se séparer, voire divorcer. Une démarche encouragée par le gouvernement qui pense ainsi favoriser l’autonomie des femmes. En réalité, une procédure aussi compliquée que rarement appliquée.

Une question qui concerne une infime minorité

Même s’il est difficile d’obtenir des chiffres précis, plusieurs associations estiment à 30 000 le nombre de foyers polygames en France. La question concernerait donc environ 300 000 personnes. «Une infime minorité», rappelle Manuel Valls, un responsable du Parti socialiste et maire d’une ville de banlieue, pour qui «donner à penser que la crise des banlieues est liée à la polygamie, est gênant voire insupportable». Même si les associations reconnaissent que la polygamie est un problème, elles refusent unanimement qu’elle soit instrumentalisée comme c’est le cas actuellement.

En agitant le spectre de la polygamie comme s’il s’agissait d’un problème quantitativement important, certains responsables de la majorité empiètent délibérément sur le terrain favori de l’extrême-droite. D’ailleurs, le président du Mouvement pour la France, Philippe de Villiers, n’a pas tardé à mêler sa voix à leur chœur en demandant «une mesure ferme et définitive d’interdiction de la polygamie en France». Jean-Marie Le Pen, le président du Front national, accuse lui le gouvernement et la majorité, «de faire semblant de s’intéresser à la polygamie». A l’opposé, Daniel Vaillant, député socialiste de Paris et ancien ministre de l’Intérieur, estime que «faire croire que le problèmes des banlieues, c’est la polygamie, c’est se moquer du monde». Parlant de son expérience, Jean-Christophe Lagarde, député-maire UDF (majorité) de Drancy remarque que «ce sont le plus souvent des femmes seules avec des adolescents qui se retrouvent débordées. Le lien avec la polygamie est une absurdité, c’est le prototype de l’écran de fumée».

A l’heure où l’on commence à dresser bilans et analyses des semaines d’émeutes, le surgissement du thème de la polygamie ne relève pas du hasard. Dans un entretien publié par L'Express, le ministre de l’Intérieur Nicolas Sarkozy, tout en soulignant qu'il n'y a pas à lutter contre la polygamie, puisqu'elle est interdite en France, exprime sa volonté de repenser «les conditions de mise en oeuvre du regroupement familial». Intervenant devant le Sénat jeudi, le premier ministre, Dominique de Villepin, a quant à lui mis en garde contre la tentation, face à la crise des banlieues, «de rechercher des boucs émissaires».

par Claire Arsenault

Article publié le 17/11/2005 Dernière mise à jour le 17/11/2005 à 16:53 TU

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Isabelle Gillette-Faye

Sociologue et directrice du Groupe pour l'abolition des mutilations sexuelles

«De 1983 à 1993, il y avait, pour les hommes, la possibilité de faire venir leurs épouses en France.»

[17/11/2005]