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Société de l’Information

Tunis : un sommet pour rien ?

Le président tunisien, Ben Ali, a prononcé le discours de clôture du Sommet mondial de la société de l'information.(Photo: AFP)
Le président tunisien, Ben Ali, a prononcé le discours de clôture du Sommet mondial de la société de l'information.
(Photo: AFP)
La deuxième phase du Sommet mondial de la société de l’information (SMSI) s’est achevée vendredi soir à Tunis sans qu’aucune avancée notable n’ait été enregistrée sur des questions aussi fondamentales que celle de la gouvernance de l’Internet ou de la fracture numérique. Cette rencontre, à laquelle ont participé une cinquantaine de dirigeants mondiaux –essentiellement d’Afrique et du Moyen-Orient– s’est déroulée dans un climat tendu de violations des libertés. Au point où la délégation américaine au SMSI a jugé nécessaire de faire part de sa préoccupation. Dans un communiqué distribué à la presse, elle s’est ainsi déclarée «déçue de voir que le gouvernement tunisien n'a pas tiré profit de cette importante manifestation pour démontrer son engagement en faveur de la liberté d'expression et d'association en Tunisie».

De notre envoyée spéciale à Tunis

Encore un sommet pour rien ? Les plus pessimistes n’hésitent pas à l’affirmer. Les autres préfèrent quant à eux parier sur l’avenir. Et l’avenir, c’est le Forum sur la gouvernance de l’Internet qui doit se réunir au mois de juin prochain à Athènes, en Grèce, à l’initiative de Kofi Annan, le secrétaire général des Nations unies. Cette instance que le Sommet a appelée de ses vœux devra réunir les gouvernants, les représentants du secteur privé et ceux de la société civile ainsi que les organisations internationales, qui seront tous sur le même pied d’égalité. Elle devra se pencher sur des sujets liés au développement de l’Internet, aussi divers que la lutte contre les spams (courriers indésirables), la cybercriminalité et les moyens pour réduire la fracture numérique…

L’initiative est timorée, dénoncent ses détracteurs. Elle a en tout cas permis d’apaiser les vives tensions dues à la mainmise des Etats-Unis sur la Toile. On s’attendait en effet à une bataille rangée entre Washington, qui tient plus que jamais à garder ses prérogatives, et le reste du monde partisan d’un contrôle plus équitable du Net. Mais malgré les menaces émises par certains pays, comme l’Iran ou la Chine, de développer leur propre réseau, l’administration américaine a refusé de renoncer à la tutelle qu’elle exerce sur la société privée californienne ICANN –l’Internet corporation for assigned names and numbers– dont la mission est d’octroyer les adresses Internet et de permettre aux ordinateurs du monde entier de communiquer entre eux à travers une norme commune. Face à cette intransigeance, le reste du monde a donc cédé, renvoyant à plus tard cette question qui risque bien de revenir en force en juin 2006 à Athènes.

Des mots pour réduire la fracture numérique

Le Sommet de Tunis s’était également donné pour ambition de trouver les moyens de réduire la fracture numérique. Là encore les attentes ont été déçues. Les représentants des 176 pays participant à cette deuxième phase du SMSI ont certes adopté un document, l’Agenda de Tunis, qui présente une stratégie pour combler le fossé qui existe entre les pays riches et les pays pauvres. Mais rien de bien contraignant. Ainsi, si le Sommet se félicite de la création du Fonds de solidarité numérique, dont l’idée avait été lancée en 2003 à Genève par le président sénégalais Abdoulaye Wade, rien n’a été convenu pour son financement. La déclaration de Tunis se contente en effet de se réjouir de l’existence de «ce mécanisme innovant et volontaire ouvert à toutes les parties intéressées». Elle ne prévoit en outre aucune contribution obligatoire des pays riches au financement de «sa stratégie» pour réduire la fracture numérique.

Les participants au Sommet ont également adopté un «Engagement de Tunis» qui se réfère à la Déclaration universelle des droits de l'Homme pour souligner la nécessité de respecter la liberté d'expression et la libre circulation des informations. Une satisfaction, à n’en pas douter, pour les organisations de défense des droits de l’Homme qui, tout au long de cette semaine, n’ont eu de cesse de dénoncer les violations des libertés dans un pays muselé qui a accueilli le Sommet mondial de la société de l’information.

par Mounia  Daoudi

Article publié le 18/11/2005 Dernière mise à jour le 18/11/2005 à 19:57 TU