Sommet Afrique-France
Risquer sa vie en Côte d’Ivoire
(Photo : AFP)
De notre envoyée spéciale
Avec la guerre en Côte d’Ivoire, le Mali a perdu son principal cordon ombilical. Les routes qui conduisent au port de Lomé ou au Sénégal exigent des camions performants. Les transporteurs les plus modestes n’ont pas tenu. Pour d’autres, Abidjan, son port et ses cargaisons de ciment ou d’engrais, restent attractifs. Pourtant, en 2003, «après six mois de rébellion, les routes se sont gâtées et n’ont jamais été réparées», raconte Koné, membre du syndicat des chauffeurs. Mais le pire, ce sont les «tracasseries, côté rebelles comme côté Gbagbo. Au lieu de 500 CFA, maintenant, c’est 5000» qu’exigent les hommes en tenue, douaniers et garde-barrières en tous genres. En outre, côté Forces nouvelles, il faut compter avec «des gamins de quinze ans, drogués et qui disent: tu donnes parce que j’ai un fusil !»
Les camions partent le réservoir plein pour l’aller et le retour. Au pécule pour la nourriture du chauffeur et de son aide, le transporteur ajoute un viatique qui ne couvre pas toujours le racket omniprésent tout au long d’une route. Il faut alors plaider pour sa vie. En revanche, les marchandises sont réglées en toute sécurité via la Western Union, d’un côté comme de l’autre de l’ancienne ligne de front. Dans la zone contrôlée par les Forces nouvelles, les routiers disent charger des bananes, des noix de cola et surtout du bois, en provenance de la région de Man et même du Liberia. Ils ne s’étendent pas davantage sur le contenu de leurs camions qui traversent dans les deux sens la zone placée sous surveillance française et onusienne. Mais tous veulent faire savoir que la route est cauchemardesque.
La majorité des chauffeurs refusent de se risquer en Côte d’Ivoire. Mais la profession est sinistrée par le chômage et les transporteurs jouent la compétition et ne paient pas de prime de risque. Début novembre 2004, un chauffeur et son mécanicien sont morts dans le bombardement aérien de Bouaké, quatre autres sont rentrés «criblés de balles», raconte Koné. Lui-même et quelques autres sont allés enterrer leurs compagnons d’infortune à Bouaké. Mais il faut bien vivre. En attendant le prochain départ, c’est l’heure de s’en remettre à Dieu avec la prière du soir, entre les dizaines de camions parqués pour la nuit, dans l’espoir d’une autre destination que la Côte d’Ivoire.par Monique Mas
Article publié le 01/12/2005 Dernière mise à jour le 01/12/2005 à 12:41 TU