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Sommet Afrique-France

Lever de rideau à Bamako

Le sommet Afrique-France se déroule au nouveau centre de conférences de Bamako.(Photo: Monique Mas/RFI)
Le sommet Afrique-France se déroule au nouveau centre de conférences de Bamako.
(Photo: Monique Mas/RFI)
Le rideau se lève dans la capitale malienne sur deux jours de huis-clos entrecoupés de déclarations officielles et d’apartés plus ou moins occultes. Jeunesse, développement et commerce, côté face. Stratégie, affaires ou Côte d’Ivoire, côté pile. Absences diplomatiques ou contre-temps, nouveaux-venus ou vieux routiers de la Françafrique, le décompte des présents se fera en cours de sommet. La grand-messe franco-africaine a commencé avec l’arrivée du président Jacques Chirac.

«Vingt-et-un chefs d'Etat présents jusqu'ici, c'est moins qu'au Sommet de Paris en 2003.»
Christophe Champin
Envoyé spécial de RFI au Mali  [03/12/2005] 01 min 00 sec
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«Tous les hommes ne peuvent pas devenir chef d’Etat», chante le chœur traditionnel à l’intention de Jacques Chirac. Le président français avait reçu la rare distinction de chef dogon, lors d’une précédente visite au Mali, au début des années quatre-vingt. Alors, casqués de leurs cimaises en croix de Lorraine, les danseurs dogon célèbrent aujourd’hui, avec une énergie toute particulière, l’homme au destin présidentiel qui descend la passerelle de l’Airbus français, avec trois-quart d’heures de retard, pour cause d’encombrement aérien. Des experts internationaux ont pourtant présidé à l’aiguillage des invités répartis sur les trois aéroports de Mopti, de Ségou et de Bamako. Mais l’avion présidentiel français a dû tourner dans le ciel malien avant de se poser au bord du tapis rouge au crépuscule, à 18 h (heure locale).

Vendredi, des heures durant, les échassiers bambara et les masques dogon ont dansé pour les chefs d’Etat, accueillis un à un par leur hôte malien, Amadou Toumani Touré, armé de son infatigable sourire. Approchant les bras ouvert pour lui donner l’accolade, Jacques Chirac a manifesté lui-aussi sa satisfaction des retrouvailles africaines, avec présentation de la corbeille de noix de cola par une fillette intimidée et passage entre la haie d’honneur de la Garde républicaine malienne, en casquettes et capes rouges. Après les salutations d’usage aux dignitaires maliens et français, en rang sur le tarmac, le chef de l’Etat français a voulu «dire un mot, simplement, pour exprimer au président Toumani Touré et au peuple malien, [son] estime et [son] amitié, les deux étant grandes».

Jacques Chirac plaide la fin de l’aide bilatérale

«Ce Sommet portera les espoirs de la jeunesse africaine.»
Jacques Chirac
Président de la République française  [02/12/2005] 01 min 12 sec
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Dans sa brève déclaration destinée à transmettre à Bamako le «salut fraternel du peuple français», le président français a quand même pris le temps d’évoquer les grands thèmes officiels d’un sommet qui devrait, dit-il, porter «les espoirs de la jeunesse africaine» et prendre en compte ses attentes en matière de paix, de démocratie, d’éducation ou d’emploi. La jeunesse aspire à «des conditions de vie normale pour notre temps», résume-t-il. En la matière, Jacques Chirac suggère des réponses multilatérales et non plus bilatérales. A charge pour les dirigeants africains «d’entendre» leurs peuples et de tabler sur la solidarité internationale pour «le financement du développement» qui pourrait bénéficier de mécanismes «innovants», comme la taxation des billets d’avions proposée par Jacques Chirac.

Paris entend «moderniser» sa coopération avec l’Afrique en l’inscrivant «dans un effort international». En clair, il s’agit pour la France de marquer poliment ses distances avec les sollicitations africaines, dans un contexte de redéfinition des enjeux stratégiques. Les dirigeants du Continent l’ont compris, bien sûr, mais les plus attachés à la survie des usages de l’ancien «pré-carré» français comptent au moins sur la France pour être leur intercesseur dans les instances du Nord, notamment au G8 et au sein de l’Union européenne.

«C'est très important pour le Mali de recevoir tous ces chefs d'Etat.»
Réactions dans les rues de Bamako
Par Franck Launay, journaliste à RFI  [03/12/2005] 01 min 38 sec
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De leur côté, les participants du contre-sommet «alternatif citoyen France-Afrique» ne voit dans le discours français qu’un «nouvel habillage européen et multilatéral», le cache-misère de 45 ans de coopération «dont la logique conduit à la pauvreté, à la désespérance et par ricochet à l’émigration forcée des jeunes». Et, au moment où Jacques Chirac posait le pied sur le sol malien, plusieurs dizaines d’alter-mondialistes africains ont manifesté leur exigence de nouvelles règles du jeu franco-africain dans un «die in». Il s’agit d’une manifestation qui consiste à s’allonger à même le sol, en l’occurrence au bord du bitume, au Carrefour-de-la-Jeunesse, habituellement réservé à des concerts.

Préoccupations commerciales

Dans sa courte adresse sur le tarmac de l’aéroport de Bamako, le président français a fait une allusion aux soucis africains soulevés par le commerce mondial. La part du Continent dans les échanges internationaux stagne autour de 2%, malgré ses ressources naturelles, plus que jamais convoitées, à l’heure de la révolution industrielle chinoise. Dans la perspective de la réunion de l’Organisation mondiale du commerce qui s’annonce à Hong Kong, le président français «souhaite que les négociations internationales ne se fassent pas au détriment de l’Afrique». Guère convaincues, les organisations paysannes maliennes et panafricaines sont venues à Bamako manifester leur hostilité aux «subventions du coton dans les pays riches».

Le week-end sera l’occasion pour la France de tester sa nouvelle approche d’un continent qui reste largement au bord de la route du développement et dont les espoirs de Nouveau partenariat (Nepad) tardent à se concrétiser, en dépit de l’attention internationale tout particulièrement affichée cette année, au G8 comme aux Nations unies. Le coup d’éponge récemment passé sur la dette de différents pays africains ne saurait à lui seul autoriser le décollage du Continent. Fort des capacités industrielles de son pays, le Sud-Africain Thabo Mbéki ne manquera sans doute pas de le rappeler et de faire la promotion du Nepad pendant le sommet. Sur ce terrain, mais pas seulement, bien sûr, le président algérien, Abdelaziz Bouteflika sera le grand absent de Bamako. Il est en effet toujours sous traitement à l’hôpital militaire français du Val-de-Grâce.

Conflits africains

Thabo Mbéki aura sans doute aussi beaucoup à dire au président Chirac à propos du bourbier ivoirien. Comme médiateur de l’Union africaine, le président sud-africain n’a pas ménagé ses efforts sur ce dossier qui n’empoisonne pas seulement l’air ouest-africain. L’implication militaire française en Côte d’Ivoire ne compte pas que des supporters en Afrique. Les alter-mondialistes dénoncent un «jeu trouble». Paris répète en leitmotiv que la France ne veut plus être le gendarme de l’Afrique. Et d’invoquer son soutien aux initiatives diplomatiques africaines et sa détermination à passer le relais à des forces africaines aussi souvent que possible.

Le président ivoirien, Laurent Gbagbo, a décliné l’invitation au sommet, sans plus de commentaire officiel. Ces derniers jours, à Abidjan, les marchandages politiques se sont poursuivis dans les rumeurs propagées par des tirs non identifiés. En tout cas, ce n’est pas à Bamako que Laurent Gbagbo viendra chercher le Premier ministre ivoirien «acceptable par tous» attendu depuis des mois. Thabo Mbéki (président sud-africain) et Olusegun Obasanjo (chef de l’Etat nigérian et actuel président de l’Union africaine) vont d'ailleurs faire une nouvelle escale à Abidjan, après le sommet. Pour sa part, le président nigérian n’est pas attendu à Bamako avant dimanche. Il doit marier son fils samedi, si l’on en croit les propos de couloirs.

Le président gabonais, Omar Bongo a envoyé vendredi son Premier ministre Jean-François Ntoumoune Emane, en avant-garde. Un vent de contestation souffle en effet au Gabon depuis sa victoire électorale, à la «présidence à vie», accusent ses adversaires. Omar Bongo est annoncé ce samedi à Bamako, à l’instar des présidents soudanais, Omar Al-Bachir, et tchadien, Idriss Deby. S’ils le veulent bien, le sommet leur offrira portes dérobées et entremetteurs, pour une éventuelle rencontre sur le Darfour où ils s’affrontent, par rébellions interposées.

Nouveau venu dans les allées présidentielles du petit monde franco-africain, le président burundais fraîchement sorti des urnes, Pierre Nkurunziza, participera à la rencontre. Le Mauritanien Ely Ould Mohamed Val, aussi, pour «valider son coup d’Etat», ironisent les participants du contre-sommet. Préparé de longue date par son père, le Togolais Faure Gnassingbé, a lui-aussi de bonnes raisons de se féliciter de ce baptême au sommet. En revanche, Joseph Kabila ne viendra pas, selon Ramanzani Mbaya, le ministre des Affaires étrangères de la République démocratique du Congo, vaste pays qui pourtant, préoccupe hautement les participants de ce rendez-vous.



par Monique Mas

Article publié le 03/12/2005 Dernière mise à jour le 03/12/2005 à 11:59 TU

Audio

Yvan Amar

Présentateur de l'émission la «Danse des mots»

«Au départ on disait: conférence au sommet.»

[03/12/2005]