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Economie

Le coton africain va traverser l’Atlantique

Travailleurs du coton au Burkina Faso.(Photo: AFP)
Travailleurs du coton au Burkina Faso.
(Photo: AFP)
Ce jeudi, la réunion ministérielle de l’Organisation mondiale du commerce s’est penchée sur les problèmes commerciaux des pays les plus pauvres. Concernant le dossier emblématique du coton, les Etats-Unis ont fait un geste en faveur des producteurs africains, geste qui ne semble rien résoudre.
«Les cotonniers africains veulent se faire entendre.»
Karim Lebhour
Envoyé spécial de RFI à Hong Kong  [15/12/2005] 01 min 29 sec
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«Les Etats-Unis sont prêts à permettre (sur leur marché) un accès sans droits de douane au coton des pays d’Afrique de l’ouest». C’est ce qu’a annoncé jeudi, devant la presse, le représentant américain au Commerce, Rob Portman, au troisième jour de la conférence ministérielle de l’Organisation mondiale du commerce, à Hong Kong.

Avant l’ouverture de la conférence, les pays africains producteurs de coton (Bénin, Mali, Tchad, et Burkina-Faso) avaient prévenus : ils n’hésiteraient pas à bloquer tout accord à Hong Kong s’il n’y a pas d’avancée sur le dossier du coton. En septembre 2003, les pays du Sud avaient contribué à l’échec de la conférence de Cancun, précédent round de l’OMC pour la libéralisation du commerce mondial.

«La proposition américaine ne va rien changer, il faut qu’ils (les Américains) aillent plus loin que cela en limitant les aides à leurs cotonniers». C’est ainsi que François Traoré, président burkinabé de l’Aproca, l’association des producteurs de coton africains, a réagi, à l’annonce de cette ouverture du marché américain aux producteurs de coton africains.

«Nous savons avec certitude que ce sont les subventions américaines qui causent des problèmes à nos agriculteurs», a estimé pour sa part le ministre nigérien du Commerce et de l’Industrie, Mahmadou Salissou Habi. Actuellement, les Etats-Unis appliquent un droit de douane inférieur à 2% sur le coton africain, a précisé à Hong Kong un expert américain.

La barrière douanière est donc très faible. Elle concerne un quota d’importation fixe, qui n’est pas atteint par les producteurs de coton africain, a encore précisé cet expert. Le problème, comme l’ont souligné les responsables de la filière africaine participant à cette réunion de l’OMC, ce sont les subventions américaines versées aux 25 000 producteurs de coton des Etats-Unis. En 2004, ce soutien a atteint 4 milliards de dollars par le biais des subventions. Ces aides faussent les cours mondiaux et les tirent à la baisse. Malgré le faible coût de leur main-d’oeuvre, les Africains ne parviennent pas à exporter.

Le coton, porte-drapeau

Commentant la proposition américaine, l’Union européenne, qui a supprimé tout droit de douane sur le coton africain, a parlé d’un pas «positif», tout en soulignant, comme les Africains, que les Américains font un geste limité. «Cette mesure ne résoudra pas le problème actuel du marché du coton», à savoir que «les Etats-Unis versent à leurs producteurs des subventions qui dépriment les marchés mondiaux et empêchent les producteurs africains d’être compétitifs», a estimé un porte-parole de l’Union européenne.

Le coton africain est devenu le dossier phare de cette conférence ministérielle. Elle a négocié pendant trois jours sans parvenir à débloquer le dossier des subventions agricoles, qu’elles soient américaines ou européennes, avec comme implication le refus des pays émergents d’ouvrir leur marché aux produits industriels et aux services des pays les plus riches. Avancer sur le coton permet de montrer de la bonne volonté aux pays africains producteurs, tout en déplaçant la discussion dans un univers plus consensuel, celui du développement.

En 2001, alors que les négociations d’ouverture des marchés mondiaux piétinaient déjà, l’Union européenne avait lancé l’initiative «Tout sauf les armes», qui ouvre le marché européen, sans taxe douanière ni quota d’importation, aux produits des PMA, les pays les moins avancés, pour la plupart des pays africains. «Le régime d’importation, sans tarif ni quota, ne doit pas être réversible, il doit être accordé sur une base permanente et étendu à partir d’une certaine date à tous les produits venant de tous les pays les plus pauvres», avait déclaré Peter Mandelson, le commissaire européen au Commerce, à l’ouverture de la réunion, mardi dernier à Hong Kong.

En poussant l’adoption de ce «paquet développement» par la conférence ministérielle de l’OMC, l’Union européenne montre que les pays riches se soucient des pays les plus pauvres. Ces derniers devraient être satisfaits. De plus, les 25 déplacent la question du protectionnisme agricole au niveau des pays émergents, ceux-ci étant très impliqués dans le commerce avec les pays les moins avancés. «Le paquet développement n’affecte pas tous les pays en développement de la même manière», a commenté l’un des porte-parole du G20, le ministre brésilien des Affaires étrangères Celso Amorim.

Pays riches et émergents se préparent donc à laisser entrer dans leurs économies des produits venant des pays les plus pauvres, sans leur imposer des droits de douane et des quotas. Chaque pays cherchera tout de même à protéger ses points forts. Le Canada voudrait exclure le lait ; les Etats-Unis, encadrer ces nouvelles arrivées de textile. Le Japon souhaite préserver son riz.

Des arrières-pensées protectionnistes

Même limité, le geste américain en faveur des producteurs africains de coton ouvre la négociation mondiale de Hong Kong sur autre chose. En offrant de nouveaux débouchés à des produits venant des plus pauvres, «la morale commerciale» semble sauve. Du côté des moins développés, on critique déjà cette nouveauté. Pour le ministre du Commerce de Zambie, Dipak Patel, coordinateur des PMA, empêcher l’arrivée de certains produits reviendrait «à accepter que les pays développés choisissent pour quels produits ils sont prêts à offrir un accès au marché». Selon lui, cela aboutirait à une liste qui, « très probablement, exclurait la plupart des produits que les PMA ont intérêt à exporter. Une fois de plus, on nous donne un chèque sans argent en banque».

Comme les Européens, les Américains ont programmé une aide au commerce (Aid for Trade), destinée à aider les pays les plus pauvres à se doter des infrastructures nécessaires pour exporter (avion frigo pour transporter des légumes, formation aux réglementations en vigueur dans les pays du Nord). Mais si les Etats-Unis s’apprêtent à ouvrir leurs portes au coton et à d’autres produits africains, ces mêmes Américains ont déjà demandé une contrepartie : les pays en développement doivent ouvrir leurs marchés aux produits américains.

Que l’on prenne la question de la libéralisation des échanges par n’importe quel bout, on en revient toujours à la même équation : les pays riches veulent exporter pour s’enrichir et maintenir leurs emplois. Ils ont les moyens d’imposer la règle du jeu aux plus pauvres. Les subventions restant possibles dans les économies les plus nanties, elles demeurent la parade à l’arrivée de produits étrangers.

Chaque changement dans les rapports de force existants a un effet en cascade. Le Brésil, qui fut à l’origine de la plainte devant l’OMC concernant le coton américain, a gagné pour le coton brésilien et pour le coton ouest-africain. Le Brésil a fait la même démarche pour le sucre, a également gagné, cette fois contre l’Union européenne. Mais dans ce cas, les producteurs africains ont perdu l’avantage qu’ils avaient à travers l’accord préférentiel avec Bruxelles.



par Colette Thomas

Article publié le 15/12/2005 Dernière mise à jour le 15/12/2005 à 17:12 TU

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