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Justice internationale

L’Ouganda condamné à La Haye

La Haye: la Cour internationale de justice.(Photo: AFP)
La Haye: la Cour internationale de justice.
(Photo: AFP)
La Cour internationale de Justice a déclaré l’Ouganda coupable d’avoir violé la souveraineté de la République démocratique du Congo. Kampala devra payer des réparations.

De notre correspondante à La Haye

Au terme de six ans de procédure, la Cour internationale de Justice (CIJ) a, lundi 19 décembre, reconnu l’Ouganda coupable de violations de la souveraineté de la République démocratique du Congo (RDC) en se livrant, notamment, «à des actes militaires». Chargée de régler les différents entre états, la Cour internationale de Justice avait été saisie par Kinshasa en juin 1999 pour des violations perpétrées dans l’est de ce pays-continent.

Lors des plaidoiries entendues en avril au Palais de la Paix, à La Haye, l’Ouganda avait invoqué la légitime défense, se disant menacé par des groupes rebelles basés dans l’est du Congo. En août 1998, et jusqu’en juin 2003 au moins selon les juges, l’armée ougandaise s’est introduite trop loin au-delà des frontières pour que les opérations soient reconnues comme des actes de légitime défense. Kampala avait effectivement «engagé une opération militaire», estiment-ils, sans pour autant en établir le motif, même si Kinshasa estime que l’objectif ultime visait alors à renverser le régime de Joseph Kabila.

L’Ituri, territoire occupé

Outre «l’usage illégal de la force» et la «violation de souveraineté», les juges retiennent que l’Ituri, région minière de l’Est de la RDC, a été occupé par les Forces de défense populaires de l’Ouganda (UPDF). Or en droit international, «la puissance occupante» doit assurer la protection des civils. En lieu de quoi, les forces armées ougandaises ont commis des «meurtres, des tortures, incités au conflit ethnique, enrôlés des enfants», écrivent-ils. En droit, Kampala est donc responsable de l’attitude de ses soldats et donc, aussi, du pillage des ressources de la RDC.

Car si les juges estiment qu’il n’existe pas de preuves selon lesquelles l’Ouganda aurait conduit une politique délibérée de pillage des ressources, ou que ses opérations militaires aient été conduites dans ce but, ils établissent cependant, se basant notamment sur différents rapports des Nations unies, que «des officiers et des soldats, parmi lesquels les plus haut gradés de l’UPDF, ont participé au pillage et à l’exploitation illégale des ressources naturelles de la RDC et que les autorités n’ont pris aucune mesure pour mettre fin à ces activités».

Lourdement chargé par son voisin, l’Ouganda était aussi accusée d’avoir soutenu et contrôlé des mouvements rebelles de l’Est du pays. Les juges ont établi que l’armée ougandaise avait soutenu «sur le plan militaire, logistique, économique et financier» le Mouvement de libération du Congo, groupe rebelle dirigé par Jean-Pierre Bemba, aujourd’hui vice-Premier ministre dans le gouvernement de transition à Kinshasa. Mais ils précisent cependant que Kampala n’en avait pas le contrôle.

L’Ouganda devra s’acquitter de réparations

La République démocratique du Congo sort donc largement victorieuse de la procédure, d’autant que les juges ont considéré que «le peuple spolié» avait droit à des réparations. Les deux Etats devront s’entendre sur les montants exigés, faute de quoi il appartiendra à la Cour de trancher. Néanmoins, les arrêts rendus par la Cour internationale n’ont pas de valeur contraignante.

Le président Shi Jiuyong s’est dit «conscient de la situation tragique et complexe qui prévaut depuis longtemps dans la région des Grands Lacs et de la souffrance de la population locale» et a rappelé que «l’instabilité en RDC a eu des incidences négatives pour la sécurité de l’Ouganda et de quelques autres Etats voisins». En 1999, Kinshasa avait engagé une procédure similaire à l’encontre du Rwanda. Mais Kigali a, comme le permet le statut de la juridiction onusienne, rejeté la compétence de la Cour. Les juges devront donc se prononcer d’abord sur ce point, avant de décider, ou non, d’entendre la procédure sur le fond.


par Stéphanie  Maupas

Article publié le 19/12/2005 Dernière mise à jour le 20/12/2005 à 11:40 TU