Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Burkina Faso

Une bavure policière présumée fait 4 morts

Le ministre burkinabè de la Sécurité, Djibril Bassolé, a annoncé la publication prochaine des résultats d'une enquête de commandement sur cette affaire.(Photo : Alpha Barry/RFI)
Le ministre burkinabè de la Sécurité, Djibril Bassolé, a annoncé la publication prochaine des résultats d'une enquête de commandement sur cette affaire.
(Photo : Alpha Barry/RFI)
La découverte de quatre corps en pleine brousse près d’une route du Nord fait grand bruit depuis quelques jours au Burkina. La justice burkinabè a ouvert le 20 décembre dernier une information contre X avec de forts soupçons contre des policiers. Ces derniers patrouillaient dans la zone à la recherche de bandits, coupeurs de route.

De notre correspondant au Burkina Faso

Les faits remontent à la nuit du 6 au 7 décembre dernier. Cette nuit-là, une patrouille des CRS (Compagnie républicaine de sécurité) est informée d’une attaque de coupeurs de route sur l’axe Ouagadougou-Kongoussi qui mène dans le nord du pays. L’intervention des policiers est immédiate. Dans un rapport fait plus tard à la hiérarchie, la patrouille annonce avoir mis hors d’état de nuire un groupe de malfrats.

Pendant ce temps, des employés d’une entreprise de construction partis de Kongoussi ce jour-là à bord d’un camion-benne sont portés disparus. A Ouagadougou, leurs familles ainsi que leur patron les attendront en vain. Les jours passent. Mais pas de nouvelle des trois employés. Leurs proches entament des recherches qui permettront de retrouver le véhicule dans le commissariat de la localité de Dapélogo sur la route de Kongoussi.

Cette piste va conduire vers les CRS. Après plusieurs démarches, les proches des disparus apprendront que les trois hommes ont été tués et abandonnés dans la nature sans autre indication.

Autour des corps, 50 douilles de gros calibre

C’est alors que les parents parcourent la brousse sur le long de la route menant à Kongoussi. Et ce n’est que le 15 décembre soit près de dix jours après la disparition qu’ils feront la macabre découverte : quatre corps, tous le torse nu, en état de décomposition assez avancée jetée à 150 mètres de la route près du village de Balpouré. Autour des corps, plus de cinquante douilles gros calibre, traînent. Les parents saisissent immédiatement le Mouvement burkinabè des droits de l’homme (MBDHP) qui informe dès le lendemain le procureur général près la cour d’appel de Ouagadougou, Abdoulaye Barry.

Trois des quatre corps sont formellement identifiés. Il s’agit bel et bien des hommes recherchés qui travaillaient dans un chantier dans la zone de Kongoussi pour le compte d’une entreprise de construction. La quatrième victime dont l’identité n’est pas sûre aurait été probablement prise en stop sur la route par les occupants du camion-benne.

La justice burkinabè est convaincue que les hommes que la patrouille des CRS de cette nuit du 6 au 7 décembre dit avoir mis hors d’état de nuire ne sont personnes d’autres que les quatre corps retrouvés à Balpouré. Reste donc à déterminer les circonstances du drame.

Dérapage dans la lutte contre le banditisme ?

S’agit-il d’une méprise de la part des CRS qui auraient confondu d’honnêtes citoyens à des bandits ? Y aurait-il eu réellement un échange de coup de feu entre ces hommes et les éléments des CRS comme le soutient la police burkinabè ? Le procureur général ne le croit pas. «S’il y avait eu des échanges de tirs, ce serait vraisemblablement passé sur la route et le véhicule des victimes aurait reçu des impacts de balles», explique Abdoulaye Barry. Il assure que «le parquet dispose de suffisamment d’éléments pour mener ses investigations».

Pour le mouvement burkinabè des droits de l’homme, il s’agit dans tous les cas, d’exécutions extrajudiciaires. Comme en 2002 où il avait dénombré en trois mois 106 corps de personnes probablement tuées dans le cadre de la lutte contre le banditisme, le MDHP dénonce ce qualifie «d’abattage systématique» d’êtres humains. «Si l’on y prend garde, sous le couvert de la lutte contre le banditisme, on arrivera à des règlements de compte», déclare son secrétaire général Chrysogone Zougmoré.

C’est donc peu dire que cette affaire est qu’embarrassante pour la police burkinabè, engagée depuis quelques mois dans une guerre contre les bandits qui sévissent sur les routes du pays. Le ministre de la Sécurité, Djibril Bassolé affirme qu’une enquête de commandement est en cours au sein de la police. «Je demanderai au directeur général de la police de rendre public les résultats de [cette] enquête», a annoncé le ministre Bassolé dans un discours. Le procureur, lui, n’exclut pas que le dossier confié à un juge d’instruction soit bouclé d’ici un mois.


par Alpha  Barry

Article publié le 24/12/2005 Dernière mise à jour le 24/12/2005 à 15:29 TU