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France – Inde

Feu vert pour le «Clemenceau»

Le porte-avions déclassé <i>Clemenceau</i> photographié, le 15 décembre 2005, dans le port militaire de Toulon. (Photo: AFP)
Le porte-avions déclassé Clemenceau photographié, le 15 décembre 2005, dans le port militaire de Toulon.
(Photo: AFP)
La justice française vient de rejeter le recours d’associations écologistes qui s’opposaient au départ prochain de l’ancien porte-avions Clemenceau vers l’Inde. L’ancien bateau de la marine française doit y être désamianté puis démantelé. Les ONG dénonçaient les conditions dans lesquelles les ouvriers indiens allaient devoir travailler. Le bateau, prêt à appareiller dans la rade de Toulon (sud-est de la France), pourrait commencer sa dernière traversée dans les prochains jours. Mais les associations écologistes ne veulent pas s’avouer vaincues.

Après avoir sillonné les mers du globe pendant 42 ans, le Clemenceau va sans doute très bientôt entamer son ultime voyage. Dans les prochains jours, ce navire pourrait appareiller de la rade de Toulon (sud-est de la France), pour être remorqué jusqu’à Alang sur la côte ouest de l’Inde. C’est là qu’il sera démantelé, dans un gigantesque chantier naval. Les 24 000 tonnes d’acier de l’ancien porte-avions de la marine française seront alors vendues à la ferraille. L’histoire aurait pu s’en tenir là. Mais les derniers mois du Clemenceau ont davantage ressemblé à un océan agité qu’à une mer d’huile.

L’ancien fleuron de la marine française a été désarmé en 1997, puis vendu en avril 2003 pour permettre la récupération des métaux de sa structure. L’acquéreur du bateau a d’abord essayé de le faire démanteler dans un chantier naval du pourtour méditerranéen. L’opération n’avait pas abouti.

Toute la polémique autour du Clemenceau porte en fait sur la quantité d’amiante qu’il renferme. L’amiante est un matériau utilisé pendant des années dans la construction industrielle, jusqu’à ce que des experts s’aperçoivent des dangers qu'il représentait pour la santé. Dans le cas de l’ancien porte-avions, l’amiante a été utilisé dans la construction du bâtiment. Aussi doit-il être désamianté avant d’être démantelé. La société qui possède le navire a décidé que cette opération de désamiantage va se faire en Inde.

Saga judiciaire

Cette perspective a suscité des vives protestations de la part de quatre associations écologistes et de défense des victimes de l’amiante. Ces quatre ONG ont engagé depuis des mois des procédures devant la justice, sans obtenir satisfaction. Parmi ces associations, le comité anti-amiante Jussieu. Selon un de ses membres, «Cette opération (de désamiantage), on la fait en Inde parce que cela coûte moins cher». Et d’expliquer que cela présente «un risque grave pour les travailleurs indiens». L’avocat de l’association Greenpeace surenchérit en affirmant que «la coque du Clemenceau est truffée d’amiante». D’après les organisations écologistes, au moins 115 tonnes d’amiante restent encore à bord du bâtiment.

Le Clemenceau a d’abord été désarmé en 1997, puis il a subi une première opération de désamiantage. D’après l’armée, il ne reste plus que 40 tonnes environ de produit toxique. Et d’expliquer qu’il est impossible de désamianter totalement le bateau en France, car cela «porterait atteinte à la flottaison du bateau», ce qui empêcherait dès lors tout remorquage. Par ailleurs, l’avocat de l’Etat français accuse les associations vouloir donner «l’impression que l’Inde est un Etat de non-droit». «Il ne faut pas croire que (cette opération de désamiantage en Inde) va être faite n’importe comment», a précisé Me Alquezar, défenseur des autorités françaises.

Autre argument déployé par les associations écologistes : en autorisant le remorquage puis le désamiantage du Clemenceau en Inde, la France violerait les conventions internationales en exportant des produits toxiques. Il s’agit, selon un des partisans de Greenpeace, d’un «trafic illicite» au regard de la convention de Bâle sur les déchets dangereux.

Les différentes parties se sont affrontées devant les tribunaux, ces derniers mois. Toujours, la justice a donné raison à l’Etat. Y compris ce vendredi. L’affaire était jugée devant le tribunal administratif de Paris. Le juge des référés a rejeté les requêtes des quatre associations qui demandaient la suspension du départ du Clemenceau pour l’Inde. Cela constitue un revers pour les ONG. Mais, à en croire les représentants de ces organisations, le combat n’est pas terminé. Ils envisagent un recours devant le Conseil d’Etat, juridiction au sommet de l’ordre juridique administratif. Cela dit, un tel recours n’est pas suspensif de la décision rendue vendredi.  «cela n'empêchera pas le départ, concède un des avocats de Greenpeace, mais ce départ ne signifie pas que le Clemenceau arrivera en Inde».

Le Clemenceau, dans la rade de Toulon, pourrait appareiller dans les prochains jours. Direction : l’Inde. Tout dépend maintenant des conditions météorologiques pour effectuer le remorquage. La traversée jusqu’à ce pays va durer environ deux mois.


par Olivier  Péguy

Article publié le 30/12/2005 Dernière mise à jour le 30/12/2005 à 18:19 TU

Audio

Stéphane Lagarde

Envoyé spécial de RFI devant le tribunal administratif de Paris

«Les associations, déçues, ont fait appel.»