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France – Inde

Le Clemenceau en route pour l’Inde

Le porte-avions Clemenceau quitte la rade de Toulon pour son dernier voyage, le 31 décembre 2005.(Photo : AFP)
Le porte-avions Clemenceau quitte la rade de Toulon pour son dernier voyage, le 31 décembre 2005.
(Photo : AFP)
Le Clemenceau, ancien fleuron de la marine nationale a quitté ce samedi la rade de Toulon (sud-est de la France), pour être remorqué jusqu’en Inde, où il arrivera dans les prochaines semaines, pour y être désamianté puis démantelé. Vendredi, la justice française avait donné son feu vert pour le départ du bâtiment, en dépit de l’opposition de plusieurs associations écologiques. Ces ONG voulaient dénoncer les conditions dans lesquelles les ouvriers indiens allaient devoir travailler. Elles se disent déçues par l’attitude de la France.

Après avoir sillonné les mers du globe pendant 42 ans, le Clemenceau a entamé son ultime voyage. Ce samedi, le navire a appareillé de la rade de Toulon (sud-est de la France), pour être remorqué jusqu’à Alang sur la côte ouest de l’Inde. C’est là qu’il sera démantelé, dans un gigantesque chantier naval. Les 24 000 tonnes d’acier de l’ancien porte-avion de la marine française seront alors vendues à la ferraille. Ce départ du Clemenceau est le dernier épisode d’un feuilleton à rebondissements. Les derniers mois du navire ont davantage ressemblé à un océan agité qu’à une mer d’huile.

L’ancien fleuron de la marine française a été désarmé en 1997, puis vendu en avril 2003 pour permettre la récupération des métaux de sa structure. L’acquéreur du bateau a d’abord essayé de le faire démantelé dans un chantier naval du pourtour méditerranéen. L’opération n’avait pas abouti.

Toute la polémique autour du Clemenceau porte en fait sur la quantité d’amiante qu’il renferme. L’amiante est un minerai utilisé pendant des années dans la construction industrielle, jusqu’à ce que des experts s’aperçoivent des dangers que l’amiante représentait pour la santé. Dans le cas de l’ancien porte-avions, l’amiante a été utilisée dans la construction du bâtiment. Aussi doit-il être désamianté avant d’être démantelé. La société qui possède le navire a décidé que cette opération de désamiantage va se faire en Inde.

Saga judiciaire

Cette perspective a suscité des vives protestations de la part de quatre associations écologiques et de défense des victimes de l’amiante. Ces quatre ONG ont engagé depuis des mois des procédures devant la justice, sans obtenir satisfaction. Parmi ces associations, le comité anti-amiante Jussieu. Selon un de ses membres, «Cette opération (de désamiantage), on la fait en Inde parce que cela coûte moins cher». Et d’expliquer que cela présente «un risque grave pour les travailleurs indiens». L’avocat de l’association Greenpeace  surenchérit en affirmant que «la coque du Clemenceau est truffée d’amiante». D’après les organisations écologiques, au moins 115 tonnes d’amiante restent encore à bord du bâtiment.

Le Clemenceau a d’abord été désarmé en 1997. puis il a subi une première opération de désamiantage. D’après l’armée, il ne reste plus que 40 tonnes environ de produit toxique. Et d’expliquer qu’il est impossible de désamianter totalement le bateau en France, car cela «porterait atteinte à la flottaison du bateau», ce qui empêcherait dès lors, tout remorquage. Par ailleurs, l’avocat de l’Etat français accuse les associations vouloir donner «l’impression que l’Inde est un Etat de non-droit». «Il ne faut pas croire que (cette opération de désamiantage en Inde) va être faite n’importe comment», a précisé Me Alquezar, défenseur des autorités françaises.

Autre argument déployé par les associations écologiques : en autorisant le remorquage puis le désamiantage du Clemenceau en Inde, la France violerait les conventions internationales en exportant des produits toxiques. Il s’agit, selon un des partisans de Greenpeace, d’un «trafic illicite» au regard de la Convention de Bâle sur les déchets dangereux. «Une fois de plus, déplore une représentantes des associations, le problème du démantèlement des navires en fin de vie illustre la division du travail entre le nord et le sud, qui demeure la poubelle de l’Amérique du nord et de l’Europe».

Les différentes parties se sont affrontées devant les tribunaux, ces derniers mois. Toujours, la justice a donné raison à l’Etat. Y compris ce vendredi. L’affaire était jugée devant le tribunal administratif de Paris. Le juge des référés a rejeté les requêtes des quatre associations qui demandaient la suspension du départ du Clemenceau pour l’Inde. Cela constitue un revers pour les ONG. Mais, à en croire les représentants de ces organisations, le combat n’est pas terminé. Ils envisagent un recours devant le Conseil d’Etat, juridiction au sommet de l’ordre juridique administratif. Cela dit, un tel recours n’est pas suspensif de la décision rendue vendredi.  «Cela n'empêchera pas le départ, concède un des avocats de Greenpeace, mais ce départ ne signifie pas que le Clemenceau arrivera en Inde».

En tout cas, ce samedi, le départ du Clemenceau a bien eu lieu. Sans incident. Pour empêcher toute perturbation de la part de militants de l’ONG Greenpeace, la préfecture avait pris un arrêté interdisant toute approche du bâtiment à moins de 200 mètres. La coque de l’ex-porte-avions sera remorquée jusqu’en Inde, sous surveillance de la marine française. La traversée devrait durer environ deux mois.


par Olivier  Péguy

Article publié le 31/12/2005 Dernière mise à jour le 13/01/2006 à 15:34 TU