Israël
Sharon au plus mal
(Photo : AFP)
Ariel Sharon a subi vendredi matin une nouvelle opération chirurgicale qui a duré plus de cinq heures. Depuis l’intervention de la veille, il était dans un coma artificiel. Mais un scanner avait détecté une nouvelle hémorragie cérébrale. « Il a été décidé de reconduire le Premier ministre au bloc opératoire pour stopper l’hémorragie et réduire la pression crânienne », a expliqué Shlomo Mor-Yosef, le directeur de l’hôpital Hadassah de Jérusalem. Après un nouveau scanner, ce responsable médical a souligné que le Premier ministre n'a « plus d’hémorragie et que la pression intracrânienne est revenue à la normale ».
Vendredi matin, avant cette nouvelle alerte, les médecins avaient qualifié l’état du Premier ministre de critique, mais stationnaire. « Nous sommes confrontés à la forme la plus mortelle, ou, à tout le moins, la plus invalidante, d’attaque cérébrale », expliquait pour sa part un professeur américain de neurologie depuis le Centre hospitalier et universitaire de Columbia, à New York.
Le monde entier suit les nouvelles concernant la santé d’Ariel Sharon. Même si deux sondages réalisés en Israël vendredi donnent toujours largement vainqueur Kadima, le parti centriste que venait de créer le Premier ministre, un grand nombre de pays redoutent que la disparition de l’une des figures de la politique israélienne ne donne un nouveau coup d’arrêt au processus de paix avec les Palestiniens.
Des critiques médicales
Pour le moment, en Israël, on s’interroge sur la manière dont a été gérée la santé du Premier ministre, censé être en convalescence depuis sa première attaque, en décembre. Israël est considéré comme l’un des meilleurs pays au monde dans le domaine de la santé. Aujourd’hui, plusieurs médecins estiment que le temps a été trop long entre la nouvelle attaque, mercredi soir, et l’hospitalisation de Sharon. « Je ne parviens pas à comprendre comment on a permis au Premier ministre de séjourner dans sa ferme isolée des Sycomores, à plus d’une heure de route de l’hôpital Hadassah de Jérusalem », analyse un directeur d’hôpital, dans le quotidien Haaretz.
Sharon devait de toute façon, jeudi, subir une intervention chirurgicale, programmée depuis son accident cérébral de décembre. « Une nuit avant cette intervention, Ariel Sharon aurait dû rester à l’hôpital ou au moins dormir à proximité, dans sa résidence de Jérusalem », a encore commenté ce responsable médical.
Un autre professeur de médecine, Yonathan Lévy, estime pour sa part : « Il fallait forcer Ariel Sharon à prendre du repos après la première attaque cérébrale, et on a eu tort de présenter toute l’affaire comme négligeable ». Mercredi soir, une heure a été nécessaire pour rapatrier le Premier ministre à Jérusalem. On sait maintenant qu’Ariel Sharon a insisté pour aller à l’hôpital où il est suivi habituellement. Il aurait pu cependant être hospitalisé plus près, à Beersheba, ou être évacué en hélicoptère.
Des médecins critiquent également le traitement prescrit à Sharon depuis sa première crise. Des injections d’anticoagulants ont permis d’éviter la formation de caillots de sang dans le cerveau. Ces médicaments ont l’inconvénient d’augmenter le risque d’hémorragie. Autre reproche formulé indirectement à son entourage : après la première alerte, Ariel Sharon n’avait rien changé à son emploi du temps, toujours aussi chargé. En plus, le Premier ministre avait subi un stress supplémentaire avec la relance d’une enquête policière concernant le financement illégal de l’une de ses campagnes électorales, lorsqu’il était encore l’un des dirigeants du Likoud. Les observateurs politiques estiment par ailleurs qu’à moins de trois mois des élections, Ariel Sharon ne voulait pas donner l’impression d’être malade alors qu’il venait tout juste de lancer son nouveau parti.
« Pas la peine de me conduire à l’hôpital Hadassah ce soir puisque je vais y être demain de toute façon ». Le quotidien israélien Maariv rapporte ces paroles d’Ariel Sharon, après son premier malaise, mercredi soir. Avant de perdre connaissance, alors qu’il était dans l’ambulance, le chef du gouvernement israélien a dit au personnel médical : « Maintenant que vous m’avez vu, je peux rentrer enfin chez moi ? ».
Une région inquiète
Le monde arabe redoute tout particulièrement le changement politique prévisible en Israël. « En cas de disparition de Sharon, le retour de Netanyahu à la présidence du Conseil est quasi certain et nous savons tous qu’il représente l’aile la plus extrémiste au sein du Likoud, la plus hostile à la paix et à la poursuite de son processus ». C’est l’analyse faite par un éditorialiste du quotidien gouvernemental égyptien Al-Akhbar.
Leïla Chahid, la déléguée générale de Palestine auprès de l’Union européenne, a demandé aux dirigeants israéliens de prendre « très vite » une « décision de concertation » avec les Palestiniens. Pour la représentante en Europe des Palestiniens, c’est le sens du coup de fil qu’a donné Mahmoud Abbas au bureau d’Ariel Sharon, lorsqu’il a pris des nouvelles de sa santé. Leïla Chahid a par ailleurs exprimé l’espoir que « la raison gagnera pour que cette situation dramatique pour les Israéliens n’empire pas la situation déjà très dramatique des Palestiniens… Il faut faire vite pour que la situation ne se dégrade pas. Il faut ouvrir un dialogue avec Abbas ».
Certains ex-colons de la bande de Gaza, évacués l’été dernier et vivant à l’hôtel à Jérusalem en attendant un logement, déclarent qu’ils n’ont pas l’intention de pleurer la mort de Sharon. Lui qui fut le principal artisan de la colonisation, leur demandait, l'été dernier, de partir. Car il avait décidé de démanteler 25 colonies et d’évacuer la totalité de la bande de Gaza.
par Colette Thomas
Article publié le 06/01/2006 Dernière mise à jour le 06/01/2006 à 20:06 TU