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Cameroun

La guerre du poulet

L'affiche choc de l'Acdic contre l'importation des poulets industriels.(Photo : acdic.org)
L'affiche choc de l'Acdic contre l'importation des poulets industriels.
(Photo : acdic.org)
Une association bataille contre les importations qui pénalisent, selon elle, l’aviculture nationale. Mais les défenseurs des intérêts des consommateurs restent préoccupés par le coût du poulet produit localement.

De notre correspondant à Yaoundé

Il fallait bien un symbole. L’Association citoyenne de défense des intérêts collectifs (Acdic) est allé le chercher hors du Cameroun  pour marquer le coup : José Bové, héros du syndicat agricole français Confédération paysanne, intarissable héraut de « la souveraineté alimentaire ». L’Acdic avait annoncé, pour mardi 17 janvier, une marche de protestation. Elle a dû se consoler d’un « meeting » dans la cour de ses installations au quartier Elig-Essono à Yaoundé, pour passer ses revendications :  l’arrêt des importations des découpes de poulets, la création d’un fonds de relance et d’accompagnement de la filière avicole, la création d’un observatoire de la filière, le respect des termes du décret présidentiel du 8 décembre 2004 qui précise les missions du Minepia (ministère de l’Elevage, des Pêches et des Industries animales) « dans la promotion de la production nationale plutôt que des importations », selon les responsables de l’Acdic.

La hache de guerre a été déterrée suite à l’autorisation donnée par le ministère d’importer quelque 2 650 tonnes de poulets, officiellement pour prévenir une éventuelle pénurie sur le marché en fin d’année, période de fêtes. Une mesure prise le 25 novembre 2005, interprétée comme « une véritable menace et un signe de déstabilisation » de l’aviculture nationale créditée d’une augmentation de 60% de sa capacité de production.

Ce n’est pas la première fois que cette association livre bataille aux importations de poulets. En 2004 déjà, elle publiait un brûlot sur le phénomène, chiffres à l’appui : 978 tonnes importés en 1996, 14 750 tonnes en 2002, 22 154 tonnes en 2003. Dans le même temps, révélait l’étude, le production nationale avait diminué de 26%, passant de 26 500 tonnes à 19 500, entre 1997 et 2000. Et cela, malgré un dispositif réglementaire pourtant réputé favorable à l’essor de l’aviculture nationale. Pour l’Acdic, ce secteur de l’économie du pays était en danger : « Sur 100 petits producteurs (élevage de moins de 500 poussins) identifiés en 1996, 8 étaient encore en activité en 2002, soit un taux de déperdition de 92% », notait l’étude.

« Un combat pour les producteurs, pas pour les consommateurs »

Apparemment, l’Acdic n’a pas sonné le tocsin en vain. Selon ses propre chiffres, les importations ont fortement diminué, passant de 22 154 tonnes en 2003, à 5 000 tonnes en 2005. Dans le même temps, les pouvoirs publics ont relevé les taxes à l’importation des poulets de l’ordre de 65%. Des mesures qui ont fait passer le prix du kilo des découpes de 900 à 1 650 Fcfa le kilo, entre autres conséquences. Mais, le retour de l’Acdic au-devant de la scène est venue raviver une controverse qui entoure cette « guerre du poulet ».

Des observateurs, ne partagent pas du tout l’optimisme peu nuancé des défenseurs proclamés de l’aviculture nationale. « Nous disons que le poulet produit localement coûte cher, est toujours servi entier, sur pied (raison pour laquelle il est plus cher). Ceci est inacceptable. Nous disons oui à un poulet camerounais, mais bon marché », tranche le Docteur Samuel Essoungou Ndemba, président de l’Association pour la défense des consommateurs (Apdc) et adhérant désormais timide de l’Acdic. Et d’ajouter : « En l’état actuel, seule une certaine dose d’importation peut permettre à tout le monde de trouver son compte ». Calculette en main, il démontre, obstiné, que le consommateur achète 1 kg de poulet produit localement à 1 700 Fcfa, pratiquement le prix d’un kilo de bœuf sans os. « Il y a là un scandale », lâche le Dr Essoungou qui conclut : «  C’est un combat pour les producteurs de la filière aviaire. Ce n’est pas le combat des consommateurs ».


par Valentin  Zinga

Article publié le 18/01/2006 Dernière mise à jour le 18/01/2006 à 13:10 TU

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Le combat des éleveurs locaux de poulet au Cameroun

ParDalila Berritane

«Le combat des producteurs et des consommateurs du Cameroun est un combat tout à fait symbolique de la résistance contre la logique des exportations à bas prix des pays développés.»

[17/01/2006]