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Iran

Nucléaire : divergences internationales

«<em>La technologie nucléaire pacifique est un droit absolu pour l'Iran</em>» : cette phrase est inscrite sur ce timbre iranien, édité pour souligner «<em>la volonté nationale</em>».(Photo : AFP)
«La technologie nucléaire pacifique est un droit absolu pour l'Iran» : cette phrase est inscrite sur ce timbre iranien, édité pour souligner «la volonté nationale».
(Photo : AFP)
L’Iran vient de porter un jugement favorable à la proposition russe d’enrichir son uranium. Cette proposition serait une base pour un compromis mettant fin à la crise dans le dossier nucléaire. Mais en même temps, l’Iran menace de commencer sans les Russes l’enrichissement de son uranium si les Occidentaux, par la voie de l’AIEA, saisissent le Conseil de sécurité des Nations unies.

L’Iran se lancera-t-il ou non dans la fabrication du combustible nucléaire à des fins militaires ? Le pays souffle le chaud et le froid. Téhéran a décidé de reprendre depuis août 2005 la conversion d’uranium à Ispahan et depuis le 10 janvier des activités de recherches liées à l’enrichissement. Or cette démarche fait peur aux Occidentaux et à Israël, qui estiment que, sous couvert du nucléaire civil, cette reprise vise, à terme, à doter l’Iran de l’arme atomique. Cette recherche iranienne pourrait, selon eux, permettre à Téhéran de maîtriser la technologie pouvant être utilisée pour la fabrication d’armes nucléaires. L’Occident demande d’ores et déjà à l’Iran le gel de ses essais de recherches sensibles et de ne pas démarrer ses centrifugeuses. De son côté, Téhéran rejette les soupçons occidentaux et souligne son droit à se doter d’un programme nucléaire civil.

L’offre russe

C’est pourquoi la proposition de Moscou d’enrichir l’uranium iranien est une option bien bienvenue pour les Occidentaux: ce transfert des activités iraniennes en Russie lèverait, en effet, leurs craintes et celles d’Israël. Il leur donnerait des garanties sur le caractère pacifique du programme nucléaire iranien. Ce «plan» russe pourrait ainsi résoudre la crise, a estimé Jack Straw, le chef de la diplomatie britannique, qui encourage, comme les Américains, cette initiative. Il faut favoriser «les circonstances offrant au monde entier des garanties objectives que le programme nucléaire ne sera pas utilisé pour le développement d’armes nucléaires», a-t-il ajouté. Et ce «partenariat» avec la Russie, qui est membre du Conseil de sécurité des Nations unies, en serait une. Même déclaration de Berlin, qui considère l’offre russe comme «constructive et importante», et invite Téhéran à l’examiner «de manière intensive».

L’Iran n’est pas contre et étudierait l’offre russe. La Russie construit déjà la centrale nucléaire de Bouchehr, dans le sud de l’Iran, et devrait fournir son combustible. Des entretiens ont eu lieu à Moscou entre Ali Larijani, négociateur en chef du nucléaire iranien et secrétaire du Conseil suprême de la sécurité nationale, et son homologue russe Igor Ivanov. Mais ce partenariat russo-iranien sera discuté plus spécifiquement en février. «Les éléments du plan russe, notamment les endroits prévus pour l’enrichissement d’uranium, la composition de la compagnie commune (chargée de produire l’uranium enrichi) forme une base pour une entente acceptable pour les deux parties», a déclaré le ministre iranien des Affaires étrangères.

L’Iran n’écarte pas l’hypothèse d’examiner d’autres propositions formulées par d’autres pays, a déclaré Ali Larijani. Cette idée de partenariat avec d’autres pays est examinée avec bienveillance par les Occidentaux, afin de ne pas retomber dans une configuration telle qu’elle se présente avec la Corée du Nord. Mais la solution russe, si elle est retenue par Téhéran, semble recueillir les faveurs de l’ensemble des grandes puissances membres du Conseil de sécurité. Reste que ces dernières demeurent divisées sur la conduite à tenir : saisine du Conseil de sécurité ou poursuite des discussions.

Le nucléaire iranien est un dossier sensible, et rien n’est encore gagné pour le résoudre. Le prétendant iranien à la puissance nucléaire a fixé des règles : le dossier doit être étudié dans le cadre et avec l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), a souligné Ali Larijani, soutenu par Igor Ivanov. Faute de quoi, si l’AIEA saisit le Conseil de sécurité de l'Onu ou si des pressions politiques sont exercées sur l’Iran, Téhéran menace une nouvelle fois de poursuivre son programme d'enrichissement et de ne plus se soumettre aux inspections surprises des sites nucléaires iraniens, prévues par le protocole additionnel du Traité de non prolifération (TNP).

Solution diplomatique…

Il est vrai que la prolifération nucléaire dans cette région inquiète la communauté internationale qui diverge dans sa façon d’aborder le problème. Depuis deux ans, Washington préconise la saisine du Conseil de sécurité. Depuis quelques jours, la diplomatie internationale est excédée par l’attitude de Téhéran et ces dernières semaines, l’AIEA et les médiateurs de l’UE3 (Londres, Paris et Berlin) manifestent inquiétude et exaspération. En marge de la conférence sur la reconstruction de l'Afghanistan, lundi 30 janvier à Londres, une nouvelle réunion ministérielle internationale se tiendra sur le sujet, avec les ministres des cinq membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies, rejoints par le chef de la diplomatie allemande .

Mais c’est surtout les 2 et 3 février, que doit se réunir d’urgence l’AIEA pour décider ou non de l’envoi du dossier du nucléaire devant le Conseil de Sécurité de l’Onu. Cette réunion a été décidée d’urgence, lors de la dernière réunion de Londres regroupant les mêmes participants. En attendant, des inspecteurs de l’AIEA se sont rendus mardi en Iran pour rencontrer les autorités et tenter de les convaincre de coopérer.

Parallèlement, les Américains exercent des pressions sur des membres de l’agence atomique de l’Onu. L’Inde, par exemple, pourrait perdre le bénéfice d’un accord de coopération dans le nucléaire civil avec les Etats-Unis si New Delhi ne condamnait pas l’Iran. Cet accord permettrait à l’Inde d’obtenir des Américains du combustible, des équipements et des réacteurs à des fins civiles, si toutefois cet accord aboutissait en dépit de la loi américaine interdisant l’exportation de toute technologie sensible.

«Nous souhaitons une réaction ferme, unie et rapide de la communauté internationale. Il en va de la crédibilité de notre régime multilatéral de non-prolifération. Nous sommes donc favorables à un rapport de l’AIEA au Conseil de sécurité des Nations unies, permettant de renforcer l’autorité de l’Agence», déclare le ministère français des Affaires étrangères.

… ou bombardements américains des sites iraniens ?

En cas d’échec diplomatique, les Etats-Unis pourraient envisager de bombarder les sites nucléaires iraniens suspects, même s’ils sont difficiles à atteindre et proches de zones peuplées. «La centrale nucléaire de 1 000 mégawatts de Bouchehr (dans le sud de l’Iran) serait probablement la cible de telles frappes (...) ainsi que les sites nucléaires suspects à Natanz (centre) et Arak (centre-ouest)», estime Globalsecurity.org, centre d'analyses et site web américain spécialisé dans les questions de sécurité. Selon Globalsecurity.org, les opérations pourraient s’étendre aux infrastructures militaires iraniennes. En revanche, certains observateurs estiment que cette frappe américaine de l’Iran est peu probable, étant données les préoccupations irakiennes de Washington, même si un Haut responsable du Pentagone estime que les Etats-Unis pourraient être en mesure de dégager entre 45 000 et 75 000 soldats sur ce front.

La stratégie américaine de bombardement pourrait, par ailleurs, provoquer une union sacrée autour du régime, à l’instar du bombardement du réacteur Osirak en Irak en 1981. Un expert à l'Heritage Foundation va plus loin : Peter Brooke estime qu’en riposte à une attaque américaine des sites nucléaires iraniens, l’Iran pourrait lancer des missiles contre Israël, attaquer les troupes américaines en Irak, utiliser l'arme du pétrole et même l'arme terroriste par l'intermédiaire d'organisations telles que le Hezbollah.


par Gaëtane  de Lansalut

Article publié le 25/01/2006 Dernière mise à jour le 26/01/2006 à 08:13 TU