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Etats-Unis

Les anciens dirigeants d’Enron jugés chez eux

L'ex-président et fondateur d'Enron, Kenneth Lay à son arrivée au tribunal de Houston lundi 30 janvier.(Photo : AFP)
L'ex-président et fondateur d'Enron, Kenneth Lay à son arrivée au tribunal de Houston lundi 30 janvier.
(Photo : AFP)
C’est à Houston, la ville dont leur entreprise était devenue la vedette, que Kenneth Lay et Jeffrey Skilling sont jugés par un jury populaire, accusés d’avoir floué investisseurs et salariés. Ce procès, quatre ans après l'effondrement du courtier en décembre 2001, devrait durer quatre mois. L'affaire avait entraîné le licenciement de milliers de personnes et amputé de plusieurs milliards de dollars l'épargne-retraite des employés du groupe.

De notre correspondante aux Etats-Unis

Quatre ans après la faillite d’Enron, le procès de son ex président et fondateur Kenneth Lay et de son ancien directeur général Jeffrey Skilling s’est ouvert lundi à Houston, siège de l’ancien géant du négoce de l’énergie.

La première journée a été consacrée à la sélection d’un jury populaire, une étape périlleuse pour la défense dans une ville où chacun a eu le temps de se faire un point de vue sur l’implosion de l’entreprise. Enron avait révolutionné le monde des affaires à Houston à la fin de années 1990. Ses bureaux et ses moyens flamboyants suscitaient l’envie des compagnies plus traditionnelles de l’énergie. Le stade de baseball avait été rebaptisé à son nom. Le 2 décembre 2001, avec un chiffre d’affaires de 101 milliards de dollars, c’est la septième plus grande société américaine qui s’est effondrée lorsqu’il fut révélé que l'entreprise avait masqué plusieurs milliards de dollars de dettes. En plus de l’évaporation de 60 milliards de dollars de capitalisation, 4 000 employés furent licenciés, perdirent leurs placements sur des comptes-retraite, sans compter le ressentiment d’investisseurs floués. Encore aujourd’hui, le sentiment de trahison est à Houston plus fort qu’ailleurs.

Former un jury impartial

C’est la raison pour laquelle les avocats des deux dirigeants ont, à deux reprises et sans succès, cherché à faire déplacer le procès dans une autre ville. Intervenant pour la défense, un consultant spécialisé en constitution de jury a fait remarquer que parmi les 280 questions soumises au jury et auxquelles il avait eu accès, le mot « avidité » avait été mentionné 272 fois et celui d’« escroc » 55 fois. Cela n’a pas empêché la sélection de quatre hommes et huit femmes (et quatre remplaçants) pour faire partie du jury. « J’ai été impressionné par leur apparente absence de pression ou d’influence lié à une exposition aux médias », a déclaré le juge Sim Lake.

« Cela a pris une journée et a nécessité beaucoup de questions, mais nous pensons avoir un bon jury et nous sommes prêts pour que le procès commence », a concédé l’ancien patron de l’entreprise Ken Lay, qui n’a pas caché qu’il aurait préféré que le procès ait lieu ailleurs. A 63 ans, cet homme que George Bush surnommait autrefois « Kenny Boy » est aux côtés de Jeffrey Skilling, 52 ans, sous le coup d’une série de chefs d’accusation dont « association de malfaiteurs », « fraude » et « délit d'initiés ». En clair, pour le grand public, on leur reproche d’avoir trompé les investisseurs sur l’état des comptes de l’entreprise tout en s’enrichissant en vendant pour des millions de dollars d’actions.

Une accusation de tromperie orchestrée du sommet

La sélection du jury bouclée, cette journée de mardi est consacrée aux déclarations préliminaires. Demain, les procureurs fédéraux entameront la phase de présentation des preuves. Leur stratégie consistera à démontrer l’existence d’un complot des dirigeants de l’entreprise pour dissimuler le mauvais état de ses comptes. Face à eux, Ken lay et Jeffrey Skilling se disent innocents. Leur défense, dans laquelle ils auraient investi quelque 20 millions de dollars, consistera pour Ken Lay à nier avoir été au courant de malversations et pour Skilling à laisser entendre que l'entreprise n'a rien fait de plus que de suivre des pratiques financières agressives et d’affirmer que la faillite a été causée par la panique des créanciers et non pas par la révélation d’actions illégales. « Ken Lay a agi comme n’importe quel PDG aurait agi dans les mêmes circonstances », a déclaré son avocat. Ils comptent faire porter le chapeau de la mauvaise gestion à Andrew Fastow. Ancien directeur financier d’Enron, Andrew Fastow a plaidé coupable il y a deux ans et écopé d’une peine qui ne devrait pas dépasser dix ans de prison. En contrepartie, il a promis de coopérer à l’enquête et témoignera contre ses anciens patrons.

L’ensemble du procès pourrait durer quatre mois, estime le juge Lake qui a promis de « ne gâcher le temps de personne ». En sélectionnant les jurés, il leur a garanti « l’une des plus intéressantes et importantes affaires jamais jugées. »


par Guillemette  Faure

Article publié le 31/01/2006 Dernière mise à jour le 31/01/2006 à 11:51 TU

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Anne Toulouse

Envoyée spéciale permanente de RFI à Washington

«L’un des dirigeants d’Enron, Andrew Fastow, qui a d’ailleurs accepté de collaborer avec la justice, avait monté un système de société jumelle qui épongeait les pertes d’Enron.»

[30/01/2006]