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Société

Les Français ont changé de morphologie

Dans un magasin d'habillement bon marché.(Photo: AFP)
Dans un magasin d'habillement bon marché.
(Photo: AFP)
Les Français ont pris quelques centimètres et quelques kilos en 30 ans. Leur changement de morphologie intéresse directement les secteurs industriels : il va falloir réactualiser les patrons des vêtements, revoir l’aménagement des transports et en tenir compte dans la fabrication du mobilier.

Angoisse ! « Je ne comprends pas bien : vous taillez petit, ou c’est moi qui ai grossi à ce point ? ». Euh… les deux ! Chaque retour de printemps, les magazines rivalisent de régimes miracle et efficaces pour perdre, sans effort,  les 3 à 5 kg pris l’hiver. « Plus de la moitié des femmes qui rencontrent des difficultés pour s’habiller ont un indice de masse corporelle normal, note l’UFIH. Autrement dit, elles ont un poids normal pour leur taille et pourtant ne trouvent rien à se mettre ». Les Français et les Françaises ont tout simplement changé de morphologie ces trente dernières années. C’est ce que révèlent les résultats d’une vaste enquête orchestrée par l’Union française des industries de l’habillement (IFTH), qui s’est déroulée pendant deux ans et demi, du printemps 2003 au printemps 2005.

Non seulement on ne s’affine pas mais, globalement, statistiques à l’appui : on n’en finit pas de grossir. Patrick Robinet, responsable de la campagne nationale de mensuration réalisée, assure même que « Les Français ont plus grossi que grandi ». Tour de France des mensurations : en 2006, la Française moyenne mesure 162, 5 cm pour 62, 4 kg (contre 160,4cm pour 60,6kg en 1970), et le Français : 175,6cm pour 77,4kg (contre 170,1cm pour 72,0kg en 1970). Les femmes sont plus grandes dans le Nord-Est et plus fortes dans le Sud-Est. Les hommes sont globalement plus corpulents dans le Nord-Est. L'enquête met en évidence l'apparition d'un « quatrième type » d'homme : l'homme très grand qui mesure en moyenne 191 cm : ils sont plus de 8% à entrer dans cette catégorie.

L’enquête a porté sur quelque 12 000 personnes âgées de 5 à 70 ans, qui ont été pesées, questionnées et mesurées en cabine scanner 3D afin que tout soit pris en compte : à la fois les formes et le jeu des articulations des épaules, des coudes et des genoux. Pour varier l’échantillon d’enquête, la cabine a sillonné la France et s’est rendu dans cinq régions : nord, sud, est, ouest et région parisienne. Les fiches anonymes ont recensé à la fois l’âge, la région d’habitation, la profession et plus de quatre-vingt points de mensuration. Le tout a été analysé par ordinateur, et les chiffres révèlent qu’elles ont pris en moyenne deux centimètres et deux kilos en 30 ans, tandis que les hommes ont pris, quant à eux, cinq centimètres et cinq kilos.

D'après l'étude, un quart des Français (26%) sont en surpoids, et ce dernier est plus important chez les hommes (36%) que chez les femmes (19%). Parmi ces personnes en surpoids, 8% sont obèses et cette maladie touche à égalité les hommes et les femmes. L'anorexie, définie par un indice de masse corporelle anormalement bas, touche 3% de la population : les femmes sont davantage sujettes à l'anorexie (4%) que les hommes (1%). L’étude révèle enfin que l’évolution morphologique s’achemine vers une forme androgyne : si le tour de tête de madame est un peu plus fort que celui de son compagnon, elle peut facilement enfiler son pantalon : le couple moyen a un même tour de bassin (100,2cm pour la femme et 99,9cm pour l'homme).

Un impact sur divers secteurs de l’industrie

« Personne ne doit se sentir interrogatif, marginalisé, s'il ne se coule pas parfaitement dans le moule des tailles offertes. Ces tailles ont été définies en 1970, date de la précédente enquête de mensuration », remarque Jean-Pierre Mocho, président du salon Prêt à Porter Paris qui note que, « en 35 ans, la femme a pris l'équivalent d'une taille commerciale.» Les industriels du prêt-à-porter vont donc revoir la définition des normes standard : « on doit s’attendre dans les mois à venir, à une redéfinition du barème à la hausse et à une homogénéisation des tailles », a déclaré Patrick Robinet. Autrement dit, si les fabricants ne veulent pas casser le moral des clients, ils garderont la même codification des tailles standard mais devront revoir les mensurations d’un cran et tailler plus grand : le nouveau 36 aura valeur d'une taille 38.

Dans tous les domaines -que ce soit le mobilier scolaire, le mobilier de bureau, le mobilier domestique- l’industrie du meuble va devoir effectuer, elle aussi, une révision des normes d’ameublement en fabriquant des lits, des tables et des fauteuils à la fois plus longs, plus larges et plus solides. Ainsi, relève Henri Griffon, le président de l’industrie française de l’ameublement (Unifa) : « en France nous allons de plus en plus vers des lits de 160 cm sur 200 cm quand la norme était jusqu’alors de 140 par 180 » -(contre 120 – 130 cm au début du siècle dernier). Cette évolution est incontournable car, explique Gérard Laizé, directeur général de l’institut du VIA (valorisation de l’innovation dans l’ameublement) : « les meubles sont la prolongation de notre gestuelle et de notre posture ». Part ailleurs, cette préoccupation est d’autant plus grande que le défi, pour les industriels français, reste d’exporter leurs produits : « comment voulez-vous vendre une chaise française aux Etats-Unis, il suffit de comparer les culs », lance Gérard Laizé, avec le sourire.

La mondialisation de la morphologie n’est pas encore pour tout de suite

Si les petites voitures citadines sont aujourd’hui plébiscitées pour garantir plus aisément des places de parking en ville, les constructeurs vont devoir résoudre la quadrature du cercle : comment construire des habitacles restreints tout en faisant en sorte que les genoux des passagers ne touchent pas le volant ? En ce qui concerne les transports en commun, les préoccupations sont les mêmes qu’il s’agisse de l’aviation, des cars ou des trains. La société nationale des chemins de fer français (SNCF) a anticipé sur les résultats d’enquête car les nouveaux trains TGV ont «rallongé de 7 cm l’espace pour les jambes et supprimé 15 sièges par rame», selon Béatrice Chavanel, responsable marketing TGV.

Un problème demeure : que signifie cette standardisation pour les fabricants qui, s’ils veulent exporter, doivent envisager une compatibilité des normes françaises et des normes étrangères ? Les comparaisons internationales laissent entrevoir un véritable casse-tête chinois : en moyenne plus corpulent qu’un asiatique (10 kg de plus que la femme japonaise et 15 kg de plus que l'homme japonais), le Français pèse en moyenne 2 kg de moins qu’un Anglais, et une Française présente à la fois 2 cm et 8 kg de moins qu’une Belge, tandis que les Hollandais remportent le championnat de la sveltesse avec 170 cm pour 65 kg chez les femmes, 182 cm et 76 kg chez les hommes.


par Dominique  Raizon

Article publié le 03/02/2006 Dernière mise à jour le 03/02/2006 à 18:23 TU

Audio

Eléonore Guérin

Journaliste à RFI

«Le Français a grandi en moyenne de 3 à 4 cm.»

[03/02/2006]

Jean-Pierre Mocho

Président du Salon du prêt-à-porter

«La femme a pris un centimètre par kg.»

[03/02/2006]