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Afrique du Sud

L’inspiration africaine de Picasso

Vue de l'exposition.(Photo: Valérie Hirsch/RFI)
Vue de l'exposition.
(Photo: Valérie Hirsch/RFI)
Plus de 80 œuvres de Picasso sont exposées du 10 février au 19 mars à Johannesburg. C’est une première en Afrique. C’est aussi la première fois que l’influence des sculptures africaines sur l’artiste phare de l’art contemporain est mise en valeur dans une exposition.

De notre correspondante à Johannesburg

L’exposition « Picasso et l’Afrique » comprend plus de 80 peintures, dessins et sculptures réalisés par l’artiste espagnol entre 1906 et 1972. Ces œuvres mettent en évidence l’influence décisive de l’art africain sur Pablo Picasso, qui possédait chez lui une centaine de sculptures et de masques d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique centrale. « L’idéal aurait été de les montrer en parallèle avec les œuvres de Picasso. Mais sa collection est trop fragile pour voyager », explique Laurence Madeline, conservatrice du musée Picasso de Paris et commissaire de l’exposition avec Marylin Martin, directrice de la Galerie nationale d’art, au Cap. «Nous avons donc choisi une trentaine d’œuvres similaires dans les collections sud-africaines».

Après Marc Chagall et Joan Miro, c’est la troisième exposition organisée par  l’ambassade de France en Afrique du sud, en collaboration avec la Standard Bank Art Gallery, à Johannesburg. Mais c’est de loin la plus prestigieuse : le budget de l’opération n’a pas été divulgué. L’exposition ne pourra toutefois pas être vue ailleurs sur le continent : seule l’Afrique du Sud dispose de galeries comparables aux musées européens. « Pour nous, c’est une consécration », confie Marylin Martin, qui accueillera l’exposition, du 13 avril au 21 mai, au musée du Cap.  La manifestation inclut aussi un volet social, avec l’organisation de visites et d’ateliers pour les écoles de quartiers défavorisés.

Le musée Picasso de Paris a prêté l’essentiel des œuvres : « Notre idée n’était pas d’envoyer Picasso en Afrique comme un monstre de foire, commente Laurence Madeline. Nous avons voulu créer un dialogue avec un continent où Picasso n’est jamais allé, mais qui a eu un impact important sur sa créativité. L’art africain transparaît dans une centaine de ses créations ». Certaines études directement inspirées de sculptures du Mali, du Congo ou d’Angola n’avaient jamais été montrées au public.  Le Musée d’art moderne de New York n’a toutefois pas voulu prêter Les Demoiselles d’Avignon, le tableau fondateur du cubisme, peint par Picasso après sa découverte de l’art africain, en 1907.

Une rupture avec l'académisme européen

« Cette découverte fut un choc, raconte Madeline. Picasso  était en train de peindre Les demoiselles d’Avignon et manquait d’inspiration». Au musée du Trocadéro à Paris, les masques africains lui ont révélé une autre dimension de l’art : « Ce n'étaient pas seulement des sculptures comme les autres. C'était des objets magiques », dira-t-il plus tard. « Picasso a été effrayé par ces fétiches, poursuit la conservatrice du musée Picasso. Ils avaient beaucoup plus de puissance que l’art figuratif européen. Grâce à eux, il a trouvé les outils et le courage nécessaires pour rompre avec son éducation classique. Il a découvert l’abstraction de la forme : on ne dessine pas ce que l’on voit, mais l’idée de ce que l’on voit. Les Demoiselles d’Avignon avec leurs corps stylisés et leurs visages déformés comme des masques, ont marqué une rupture totale avec l’académisme européen.

L’art africain a aussi une influence importante sur le surréalisme entre 1925 et 1935 : dans ses «assemblages», Picasso s’est inspiré des sculptures africaines, qui mélangent des éléments de la vie quotidienne (clous, coquillages, tissus, cordes, etc.) pour leur donner une nouvelle signification mystérieuse. Grâce à l’influence de Picasso et d’autres artistes (Paul Gauguin, Maurice de Vlaminck, André Derain), l’art «primitif» - jusque là considéré comme une curiosité ethnographique – a été reconnu comme un art à part entière. «A partir de 1929, poursuit Madeline, il y a eu un engouement en France pour «l’art  nègre» et le jazz. Le grand collectionneur Michel Leiris a attiré l’attention Picasso sur l’aspect sexuel de l’art africain, qui a inspiré certaines de ses sculptures dans les années quarante».

En 1952, Picasso avait donné une affiche au Mouvement des intellectuels africains. Vingt ans plus tard, le président du Sénégal, Léopold Sédar Senghor lui avait rendu hommage  en organisant une exposition de reproductions d’œuvres de Picasso, à Dakar, un an avant sa mort.


par Valérie  Hirsch

Article publié le 09/02/2006 Dernière mise à jour le 09/02/2006 à 15:05 TU

Radio France Internationale, partenaire de l’exposition « Picasso et l’Afrique » diffusera, du 6 au 10 mars prochain plusieurs de ses programmes depuis l’Afrique du Sud : Plein sud, présenté par Amobé Mévégué ainsi que Le monde change de Patrick Chompré. De son côté, Laurence Aloir réalisera plusieurs reportages pour les émissions Médias du monde et Musiques du monde. Enfin, David Page, de la rédaction en langue anglaise de RFI, interviendra également en direct depuis Johannesburg.