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Grippe aviaire

Le virus repéré en Afrique dans des élevages du Nigeria

D'après l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture, l'arrivée de la grippe aviaire en Afrique risque d'avoir des conséquences «<i>catastrophiques</i>». (Photo: AFP)
D'après l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture, l'arrivée de la grippe aviaire en Afrique risque d'avoir des conséquences «catastrophiques».
(Photo: AFP)
Depuis le 10 janvier, plus de 40 000 volailles auraient déjà succombé au très pathogène virus H5N1 dans un élevage du village de Jaji, au nord du Nigeria, dans l’Etat de Kaduna. L’épidémie de grippe aviaire confirmée, de nouveaux cas ont été signalés, en rafale par les autorités, au nord et au centre du pays. L’alerte internationale a seulement été lancée le 8 février, soit au moins un mois après le déclenchement de l’épidémie de grippe aviaire, dans un pays africain densément peuplé, connu pour le laxisme de son administration et dont les consommateurs à très faibles revenus se disputent déjà les premières volailles mortes, bradées sur les marchés. Jeudi, la police nigériane a bouclé l’élevage de Jaji en attendant une aide internationale pour endiguer une épizootie aux conséquences potentiellement incalculables pour le continent.

Propriété du ministre nigérian des Sports, Sa'idu Balarabe Sambawa, l’élevage de Jaji est une exploitation commerciale, le genre de poulailler où une épidémie ne peut pas passer inaperçue. En cas de perte massive de leur matière première animale (poulet, oies et autruches), les gestionnaires de l’établissement ont également de bonnes raisons de s’inquiéter et de faire appel aux services vétérinaires. Pourtant, il a fallu attendre une hécatombe dans la batterie de poules pondeuses de Jaji pour qu’un premier échantillon parte, une semaine plus tard, dans un laboratoire spécialisé de Padoue, en Italie. Il a rendu son verdict hier. La quarantaine commence à Jaji avec plusieurs semaines de retard. Elle va devoir s’étendre en même temps à trois autres exploitations, dans la région de Kano et de Zaria (au Nord), mais aussi dans l'Etat central du Plateau, où le ministère nigérian de l'Agriculture annonce que l'Institut national de recherche vétérinaire a également identifié le virus mortel sur des cadavres de poulets.

60 000 volailles déjà mortes

Au total, depuis la première semaine de janvier, ce sont des dizaines de milliers de volailles, 60 000 déjà au compteur officiel, qui sont passées subitement de vie à trépas, entre Kaduna et Kano. Les autorités expliquent aujourd’hui que les vétérinaires penchaient plutôt pour le choléra. Une fausse piste donc qui a vu exploser les ventes de poulets morts avant d’être abattus. «Les éleveurs apportent au marché leurs poulets qu'ils tuent dès qu'ils voient qu'ils sont infectés et les clients se ruent pour les acheter à 300 nairas contre 1 000 en temps normal», explique un revendeur de Kano. Pendant ce temps, l’élevage infecté de Jaji attendait jeudi l’arrivée d’une équipe de l'Institut vétérinaire de recherche du Nigeria chargée de vérifier que «tous les autres poulets de l'élevage sont abattus, brûlés et enterrés».

A défaut de moyens suffisants pour vacciner massivement, il s’agit en effet d’identifier les foyers d’infection, de détruire la volaille malade et de mettre en quarantaine les élevages voisins pour empêcher la grippe aviaire d’étendre son champ d’action géographiquement, mais aussi pour prévenir le risque de contamination humaine. Or, au Nigeria, l’épizootie est déjà avérée dans des zones distantes pour certaines de plus de deux cents kilomètres. Des messages radiodiffusés et des équipes éducatives envoyées sur place sont censés informer les populations du risque encouru avec les poulets «bicyclettes» en libre circulation dans les villages et dans les ruelles des quartiers. Les consommateurs retiendront au moins qu’il faut se laver les mains plutôt deux fois qu’une, après avoir touché une volaille, et qu’il faut bien cuire viande et œufs, avant de les manger. Le virus est détruit par une température de 70°.

Un contrôle impossible

La hantise mondiale, c’est bien sûr la transmission du virus à l’homme (depuis 2003, il a déjà tué 88 personnes sur 160 cas confirmés). Celle-ci risque en effet de favoriser une mutation du H5N1 qui pourrait le rendre transmissible entre humains. Pour les autorités nigérianes, la course à l’abattage est donc lancée, à commencer par des Etats du Nord qui sont de tradition plutôt rétifs au pouvoir central. La mise en quarantaine des zones infectées ne s’annonce pas plus aisée. Quant au contrôle des transports d'animaux dans le pays, il exige un quadrillage imperméable à tout bakchich, difficilement imaginable. A voir son pétrole vendu à la bouteille au quatre coins de la région, le Nigeria se présente plutôt comme une passoire.

Face à des populations qui sont souvent à la limite de la survie alimentaire, il s’agit pourtant de faire valoir les risques mortels de la manipulation des volailles malades. Jeudi, encore sous le coup de l’annonce de cas de grippe aviaire dans sa région, le secrétaire de l'Association des éleveurs de volailles de l'Etat de Kano indiquait que la première réaction de nombre de petits producteurs avait été de transporter, au plus vite, leurs bêtes potentiellement infectées, là où ils pouvaient encore les vendre. Il est aussi à craindre que «si le virus atteint de petits élevages, qui constituent les revenus de la famille, les gens ne déclarent pas la maladie et même consomment les volailles», souligne l’Agence des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO).

Menace sur les pays voisins

Les services vétérinaires nigérians ne sont pas de taille à gérer une épizootie d’envergure dont l'impact pourrait mettre en cause «la subsistance de millions de personnes». Au crédit du Nigeria toutefois : son adhésion au tout nouveau Réseau ouest-africain sur la grippe aviaire, financé par les Nations unies. Cette sensibilisation à une approche transfrontalière de l’épizootie explique peut-être en partie pourquoi la première signalisation du virus en Afrique intervient au Nigeria alors que les experts l’attendaient plutôt à l’est du continent. En tout cas, dans la souche virale nigériane, le laboratoire de Padoue a identifié des caractéristiques génétiques identiques à celles de la souche turque, elle-même très proche de celle du lac chinois de Qing Hai, foyer d'origine de l'épizootie. Un laboratoire vétérinaire sud-africain a été chargé d'effectuer des analyses à partir d'échantillons prélevés sur des oiseaux provenant du Kenya, du Malawi et du Soudan. L’étude de l’épizootie africaine ne fait que commencer.

L’Organisation internationale de la santé animale (OIE) invite les voisins du Nigeria et ceux qui se trouvent sur la route des oiseaux migrateurs, notamment le Tchad, à «renforcer leur vigilance». A l’instar de la vallée du Rift, le lac Tchad abrite en effet certaines des espèces qui ont contribué à répandre le virus dans l’hémisphère Nord et qui hibernent en ce moment sur ses rives. «La contamination du Nigeria démontre que des oiseaux sauvages résistent au virus et sont capables de le transporter sur de longues distances», explique l’OIE. Si l’épizootie n’est pas rapidement enrayée, les oiseaux sauvages resteront bien évidemment plus longtemps en contact avec le virus. Ils seront donc plus nombreux à être contaminés.

 Plus que sur n’importe quel autre continent, c’est en Afrique que le virus de la grippe aviaire a le plus de «chances» de pouvoir s’installer, pour durer. En attendant une réponse internationale appropriée, le Bénin, l'Afrique du Sud et la Mauritanie ont interdit sans attendre l'importation de volailles du Nigeria.


par Monique  Mas

Article publié le 09/02/2006 Dernière mise à jour le 09/02/2006 à 17:36 TU

Dossiers

(Conception : Bourgoing / RFI)

Audio

Jean-Luc Angot

Directeur adjoint de l'Organisation mondial de la santé animale

«Il va falloir avoir recours vraisemblablement à une vaccination ciblée autour des foyers de grippe aviaire»

[09/02/2006]