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Grippe aviaire

La filière poulet menacée

Elevage de volaille à Pissos, dans le sud de la France.(Photo: AFP)
Elevage de volaille à Pissos, dans le sud de la France.
(Photo: AFP)
La détection du H5N1 dans plusieurs pays de l’Union européenne a fait passer la grippe aviaire du statut de menace à celui de réalité. Même si les autorités sanitaires affirment qu’il n’y a aucun danger à manger de la volaille cuite, la baisse de la consommation est déjà significative dans plusieurs pays. Et les professionnels de la filière avicole, très préoccupés, mettent en garde contre les conséquences de cette situation. Si la chute des ventes se poursuit, de nombreuses entreprises risquent de se retrouver dans des situations critiques. C’est pourquoi, une réunion d’urgence des ministres européens de l’Agriculture a été organisée, lundi 20 février, à Bruxelles. Ils doivent examiner dans quelle mesure il est possible de soutenir ce secteur très important puisque l’UE est le troisième exportateur mondial de volailles derrière les Etats-Unis et le Brésil, et que des milliers d’emplois sont concernés.

Le poulet n’a plus la cote. Et si rien n’est fait, cela risque de ne pas s’arranger. La propagation du virus de la grippe aviaire d’Asie en Europe et en Afrique a eu pour conséquence de faire planer le doute sur la viande de volaille. Car c’est dans les basses-cours que le H5N1 trouve son terrain de propagation favori. Et pourtant, si le virus représente, à en croire l’ensemble des scientifiques, une véritable menace pour la santé animale mais aussi potentiellement la santé humaine, il n’y a pourtant aucun danger à consommer de la viande cuite de poulet, canard, oie ou autres pintades.

Le virus meurt à 70 degrés. Il ne peut alors être question de l’attraper en mangeant du poulet roti. D’autre part, toutes les personnes ayant été contaminées depuis 2003, en Asie ou en Turquie, l’ont été à cause de leurs contacts rapprochés avec des volailles malades, au cours desquels elles ont vraisemblablement inhalé des poussières de sécrétions infectées. La consommation de viande n’a rien à voir dans ce processus. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a clairement fait passer ce message, tout comme les autorités sanitaires de l’ensemble des pays concernés. Mais cela n’a, semble-t-il, pas suffi. En Europe, l’arrivée de la grippe aviaire a eu des répercussions immédiates sur la consommation de volailles, même si pour le moment aucun élevage n’a été contaminé. Les seuls volatiles malades retrouvés dans l’UE étaient, en effet, des oiseaux sauvages.

Solidarité européenne

C’est l’Italie qui est la plus gravement touchée. La chute des ventes y a atteint un niveau record depuis la détection du H5N1 : 70%. En Grèce, la situation n’est guère plus enviable avec 40 à 50% de baisse. En France, dernier pays européen où le virus a fait son apparition, on a enregistré une chute moyenne de la consommation de l’ordre de 15%. Pour les volailles qui portent un label, on atteint même 20%. Ces trois pays, où les effets de l’arrivée de la grippe aviaire ne se sont pas faits attendre, sont particulièrement motivés pour demander à la Commission de Bruxelles, la mise en oeuvre de mesures de solidarité européenne dans le secteur avicole.

Le ministre français de l’Agriculture, Dominique Bussereau, qui se trouve sous la pression des professionnels de la filière et a déjà annoncé le déblocage de 6 millions d’euros pour compenser les pertes des éleveurs, a affirmé qu’il allait «demander des aides pour la filière avicole». Son homologue italien, Gianni Alemano, a quant à lui estimé que si rien n’était décidé au niveau européen, son pays n’hésiterait pas à «passer outre les règles communautaires régissant les aides des Etats». Bruxelles autorise, en effet, les pays membres de l’Union à subventionner leurs agriculteurs, mais simplement à hauteur de 3 000 euros sur trois ans. Une somme qui paraît tout à fait insuffisante dans la situation actuelle de la filière volaille.

Face à cette demande, la position de la Commission est délicate. Le porte-parole de la commissaire européenne à l’Agriculture, Mariann Fischer Boel, a diplomatiquement fait aveu d’impuissance en déclarant : «Nous sommes compatissants mais en terme de budget, il y a vraiment très peu de choses que l’on peut faire». Tant que les élevages ne seront pas atteints, il sera donc difficile de débloquer des aides car celles-ci ne sont prévues qu’en cas d’abattage des volailles, mais pas pour compenser la chute des ventes due à la méfiance des consommateurs. Et pour le moment, on n’en est pas à tuer les poulets. Seuls les volatiles d’un élevage situé sur l’île allemande de Rügen à proximité du lieu où l’on a retrouvé des oiseaux sauvages contaminés, ont été abattus préventivement. Ailleurs, on ne met en place, pour le moment, que le confinement et/ou la vaccination.

C’est le cas en France. Le dispositif hexagonal de protection contre la grippe aviaire prévoit de vacciner les canards et oies d’élevage dans trois départements sensibles (Loire-Atlantique, Vendée, Landes). Cette décision a pour objectif de prendre toutes les précautions pour éviter la contamination dans les élevages. Mais elle ne fait pas l’unanimité car certains scientifiques estiment que la vaccination qui nécessite deux, voire trois, injections pour être efficace augmente le risque de voir le virus se développer inaperçu. Et au sein de l’UE, tous les Etats ne sont pas sur la ligne de la France, qui doit attendre la validation de la Commission avant de lancer sa campagne. D’autre part, il n’est pas sûr qu’en terme commercial la vaccination soit capable de réduire l’impact négatif occasionné par la détection du H5N1 dans un pays. Notamment dans le domaine de l’exportation.

Communiquer et rassurer

Certains Etats, comme le Japon ou les Etats-Unis, ont en effet manifesté leur réticence à importer des volailles ou des produits dérivés (comme le froid gras) issus de pays touchés par la grippe aviaire, quelles que soient les mesures mises en oeuvre. Dans les pays du Proche et Moyen-Orient, qui représentent la troisième zone importatrice de poulet dans le monde et absorbent environ le quart des poulets français exportés, la baisse de la consommation est de l’ordre de 20% depuis l’apparition de la grippe aviaire en Turquie. Une situation qui se répercute sur les commandes dont le niveau a chuté de 20 à 30% pour février et mars. La baisse des exportations et la diminution de la consommation intérieure risquent donc de conjuguer leurs effets et de mettre en péril l’emploi dans de nombreuses entreprises d’un secteur qui salarie, en France, 65 000 personnes.

Dans ce contexte, le ministre autrichien de l’Agriculture, Josef Pröll, dont le pays assure la présidence tournante de l’UE, a essayé lundi de rassurer les consommateurs. Il a rappelé que, pour le moment, «la maladie reste confinée aux oiseaux sauvages» dans l’Union, avant de conclure qu’il ne fallait pas «céder à la panique». Une position partagée par le commissaire à la Santé, le Grec Markos Kyprianou, qui a affirmé qu’il n’y avait aucune raison «pour les citoyens européens de ne pas consommer de volailles». Reste à savoir si ce message sera entendu.


par Valérie  Gas

Article publié le 20/02/2006 Dernière mise à jour le 20/02/2006 à 17:42 TU

Dossiers

(Conception : Bourgoing / RFI)

Audio

Francine Quentin

Journaliste à RFI

«Depuis que l’on parle de la grippe aviaire dans le monde, la consommation de volailles a baissé de manière sensible.»

[20/02/2006]