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Nucléaire iranien

Dialogue de sourds

Manouchehr Mottaki, ministre iranien des Affaires étrangères, à Bruxelles le 20 février, en compagnie de Javier Solana, Haut représentant de l'Union européenne pour la politique étrangère.(Photo : AFP)
Manouchehr Mottaki, ministre iranien des Affaires étrangères, à Bruxelles le 20 février, en compagnie de Javier Solana, Haut représentant de l'Union européenne pour la politique étrangère.
(Photo : AFP)
Les pourparlers entre Russes et Iraniens sur le dossier du nucléaire, menés à Moscou durant deux jours, n’ont fait apparaître aucune avancée concrète. Au mieux, cette série d’entretiens a permis de ne pas rompre le dialogue et d’envisager de poursuivre les discussions. Sur le fond, les deux parties sont restées sur leurs positions. L’Iran maintient qu’elle veut poursuivre ses recherches en matière d’enrichissement. La Russie relaie la demande de la communauté internationale concernant un moratoire sur ces activités. Dans de telles conditions, il paraît difficile de trouver un compromis. La visite à Bruxelles du chef de la diplomatie iranienne, Manouchehr Mottaki, qui se déroulait au même moment, a confirmé le blocage.

La menace de sanctions n’y a rien changé. Téhéran campe sur ses positions. Il n’est pas question de renoncer aux recherches en matière d’enrichissement de l’uranium, dont la reprise a été annoncée en janvier. La délégation iranienne est arrivée à Moscou décidée à ne pas accepter de renoncer à ce que Ali Hosseini-Tash, qui la conduisait, avait qualifié de «droit à mener des activités nucléaires». Elle l’a clairement fait comprendre à ses interlocuteurs russes. Les discussions n’avaient pour objectif, du point de vue iranien, que d’examiner les éléments concrets de la proposition de Moscou visant à produire de l’uranium enrichi pour l’Iran, en échange de son renoncement à poursuivre ses recherches pour obtenir la maîtrise de cette technologie. A savoir où aurait lieu l’enrichissement et pendant combien de temps.

C’est peut-être à cause de cela que Ali Hosseini-Tash a fait part d’une surprenante satisfaction à la fin des deux jours de pourparlers. Il a déclaré : «Les négociations ont été précises et déterminantes. Je peux les qualifier de positives et constructives. Nous sommes arrivés à une entente sur les bases d’une formule commune». Il en a même conclu qu’il espérait «parvenir à un accord» lors de prochains entretiens.

Pas de concession sur l’enrichissement de l’uranium

Les commentaires russes ont été beaucoup plus mesurés. Le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Mikhaïl Kamynine, a estimé que «tout l’éventail des problèmes touchant au programme nucléaire iranien» avait été examiné «à la lumière de la résolution des gouverneurs de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA)», adoptée en février pour notifier le problème au Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations unies. Mais il a surtout insisté sur le fait que les négociateurs russes avaient de nouveau appelé les Iraniens à cesser l’ensemble des activités liées à l’enrichissement de l’uranium.

Le retour au régime de moratoire constitue, en effet, l’exigence la plus incontournable de la communauté internationale qui soupçonne l’Iran de vouloir développer un programme nucléaire militaire. Celle sur laquelle tout le monde est d’accord, qu’il s’agisse des Américains, des Européens, des Russes mais aussi des Chinois. Liu Jinchao, le porte-parole du ministre chinois des Affaires étrangères, a clairement manifesté la solidarité de son pays avec les autres Etats impliqués dans le dossier, en déclarant, lundi, qu’il soutenait les négociations en cours en Russie et espérait que l’Iran allait «rétablir son moratoire sur toutes les activités nucléaires liées à l’enrichissement d’uranium et créer les conditions pour la résolution de ce problème à travers des négociations».

Ce feu croisé de pressions n’a pas obtenu d’écho à Téhéran. Concrètement, la négociation ne semble pas avoir avancé d’un pouce. Comme si les interlocuteurs se parlaient sans jamais s’entendre. La visite effectuée à Bruxelles par le ministre iranien des Affaires étrangères, Manouchehr Mottaki, a donné elle aussi l’impression de représenter un coup d’épée dans l’eau. Javier Solana, le Haut représentant de l’Union européenne pour la politique étrangère, a dressé un bilan de ses entretiens avec le chef de la diplomatie iranienne, en déclarant : «Ils ont répété leurs arguments, leur position n’a pas changé en substance».

Il est vrai que pour Téhéran, il n’était pas question, là non plus, d’aller dans le sens des Occidentaux sur le sujet de l’enrichissement. Il s’agissait simplement d’affirmer, dans une autre arène, leur détermination à obtenir une négociation basée «sur la justice et le compromis» et de «corriger une mauvaise compréhension» en redisant que leur programme nucléaire n’a «aucune finalité militaire».

La carte russe

Revenu à Téhéran, Manouchehr Mottaki a même fait une déclaration vraisemblablement destinée à compliquer encore un peu plus la donne diplomatique, dans laquelle il a affirmé que l’Iran ne négocierait plus désormais avec l’Union européenne par l’intermédiaire du groupe de l’UE-3 (Allemagne, France, Grande-Bretagne), qui mène les négociations depuis 2003, mais «de manière unilatérale avec les différents pays de l’Union». Un retour à l’envoyeur pour ces trois pays qui avaient décidé de rompre le contact, le 10 janvier dernier, lorsque l’Iran avait annoncé la reprise de ses activités liées à l’enrichissement. Désormais Téhéran joue la carte russe contre l’Union européenne qu’elle place devant le fait accompli.

Et pendant ce temps, l’échéance du 6 mars se rapproche. C’est à cette date que Mohamed ElBaradeï, le directeur de l’AIEA, doit présenter son rapport sur le programme iranien. Si aucune amélioration n’est notée, le dossier pourrait alors être examiné par le Conseil de sécurité de l’ONU. Avec à l’ordre du jour d’éventuelles sanctions contre l’Iran. Une menace que Téhéran rejette mais qui motive peut-être tout de même son actuelle mobilisation sur le front diplomatique… dans l’espoir de gagner du temps.


par Valérie  Gas

Article publié le 21/02/2006 Dernière mise à jour le 21/02/2006 à 17:30 TU

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(Conception : RFI)