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Etats-Unis

Tempête politique sur les ports

Le terminal containers de Red Hook, dans le port de New York.(Photo: AFP)
Le terminal containers de Red Hook, dans le port de New York.
(Photo: AFP)
La cession de P&O, gérant d’activités de six grands ports américains, à une compagnie des Emirats arabes unis ravive le débat sur la sécurité des ports aux Etats-Unis, notamment dans le domaine de l'anti-terrorisme et expose le gouvernement à des critiques de tous bords.

De notre correspondante aux Etats-Unis

Ce qui devait être la simple acquisition d’une entreprise par une autre est devenu un véritable casse-tête pour le Parti républicain. A l’origine de la dernière tempête politique américaine : le rachat par Dubaï Ports World, une société publique des Emirats arabes unis, du transporteur britannique P&O. Connu pour ses croisières, celui-ci gère aussi des activités portuaires, notamment dans six grands ports américains à New York, dans le New Jersey, à Philadelphie, Baltimore, Miami et la Nouvelle-Orléans.

Au départ, ce sont les autorités locales qui ont grincé des dents, au nom de la protection contre les risques de terrorisme. Le New York Times s’est inquiété, dans un éditorial, de voir « la gestion des ports aux mains d'un pays qui affiche un bilan plutôt mitigé en matière de lutte contre le terrorisme ». Gary LaGrange, président du port de La Nouvelle-Orléans s’est avoué « pas très chaud » à l’idée du changement d’opérateur. Le maire de New York Michael Bloomberg a, lui, été jusqu’à évoquer la possibilité d’annuler un contrat de New York avec l’entreprise. Dans le New Jersey, le sénateur démocrate Robert Menendez estime qu’autoriser une telle transaction relève d’une « mentalité pré-11 septembre ». Il s’est associé à la sénatrice démocrate Hillary Clinton pour préparer une proposition de loi interdisant « aux compagnies possédées ou contrôlées par des gouvernements étrangers d'acquérir des activités portuaires aux Etats-Unis ».

Suffisamment de garanties de sécurité

Les gouverneurs de New York et du Maryland (l’Etat de Baltimore), deux solides républicains, se sont joints au cœur des critiques, affirmant étudier les possibilités de résiliation des contrats de leurs ports avec l’entreprise. De l’hôpital où il se remet d’une appendicite, George Pataki, le gouverneur de New York et prétendant possible à la présidentielle de 2008, a dit avoir « donné l’instruction aux autorités portuaires de New York et du New Jersey d’explorer toutes les options juridiques. »

Le gouvernement américain ne cille pas. Le Comité des investissements étrangers aux Etats-Unis, un organe interministériel, a donné son feu vert à la transaction qui doit être finalisée le 2 mars. Le secrétaire à la sécurité intérieure Michael Chertoff a fait le tour des émissions de télé le week-end dernier, claironnant avoir suffisamment de garanties de sécurité. Jusqu’au président George Bush qui, dans des déclarations musclées, a menacé d’utiliser son droit de veto (il n’y a encore jamais eu recours) si une loi tentait de bloquer la transaction. « C’est une compagnie qui a respecté les règles, qui a coopéré avec les Etats-unis, appartenant à un pays qui est un allié dans la guerre contre le terrorisme, et ne pas laisser cette transaction se conclure enverrait un message terrible à nos amis et alliés », a-t-il déclaré. Aux journalistes qui l’avaient accompagné en déplacement, il avait dit vouloir « que ceux qui questionnent (la transaction) s’expliquent sur les raisons pour lesquelles une compagnie du Proche-Orient doit être tenue à des standards différents qu’une compagnie britannique. »

Or, justement, ceux-là ne sont pas les détracteurs habituels, démocrates ou républicains volontiers dissidents. Figure de proue, Bill Frist, le chef de file des Républicains au sénat a déclaré que « la décision de sceller l’accord devrait être mise en attente en attendant que le gouvernement conduise une étude extensive de la question. » Faute de quoi, il menace de déposer une loi pour l’imposer.

95 % des cargos ne sont pas inspectés

Peter King, parlementaire républicain, lui aussi traditionnellement un fidèle bushiste, a critiqué l’examen gouvernemental du dossier, selon lui mené trop rapidement, en 30 jours. Avec Charles Schumer, sénateur démocrate de New York, il prépare un projet de loi suspendant la cession de certaines opérations portuaires. Interrogé sur CNN, Tom Ridge, le prédécesseur de Chertoff à la sécurité intérieure, a jugé légitime le « niveau de préoccupation et d’anxiété » des critiques du Congrès et souligné « le besoin d’un peu plus de transparence » de la part du gouvernement pour expliquer en quoi la transaction ne met pas la sécurité du territoire américain en danger.

Pour le patron du Pentagone Donald Rumsfeld, la controverse n’a pas lieu d’être : « les garde-côtes sont en charge de la sécurité (des ports), pas l’entreprise. » L’argument est à double tranchant : 95 % des cargos qui entrent aux Etats-Unis ne sont pas inspectés, a rappelé le sénateur Menendez à cette occasion. Le président de l’association américaine des autorités portuaires a récemment regretté que le budget alloué à la sécurité des ports au cours des quatre dernières années n'ait représenté qu’un cinquième de ce dont les autorités portuaires estimaient avoir besoin.


par Guillemette  Faure

Article publié le 22/02/2006 Dernière mise à jour le 22/02/2006 à 11:54 TU