Revue de presse internationale du 24/2/2006

Emotion, recueillement, hier soir à la grande synagogue de Paris. Les journaux racontent cette cérémonie en hommage à Ilan Halimi, ce jeune homme juif assassiné. Cérémonie nationale en présence de Jacques Chirac, du Premier ministre Dominique de Villepin, et de très nombreuses personnalités politiques et religieuses. Après l'émotion, vient le temps des interrogations et de la réflexion. Cet acte monstrueux n'est-il pas le symptôme d'une société malade ? Une société qui a permis qu'un homme soit séquestré, maltraité, torturé à mort durant des semaines, et ce dans l'indifférence la plus totale du voisinage. Libération publie les propos du concierge de l'immeuble dans lequel Ilan Halimi a été détenu, des propos rapportés par son avocat. Indifférence, peur, appât du gain ou complicité passive ? Cet homme de 40 ans, marié et père de deux enfants, a passé la clé d'un appartement vide à ceux qui deviendront les bourreaux d'Ilan pour 1 500 euros. Il pensait, selon son avocat, que cet appartement servirait à résoudre un différend entre dealers de shit. Quoi qu'il en soit, il semble, en tout cas, que cet homme n'ait pas voulu savoir ce qui se passait dans les locaux, qu'il était pourtant chargé de surveiller.

Du côté de l'enquête enfin, Youssouf Fofana a été arrêté à Abidjan. L'extradition du chef présumé du gang qui a enlevé et torturé à mort Ilan Halimi, est au centre d'intenses discussions judiciaires et diplomatiques. France-Soir nous apprend qu’il était en possession d'un passeport vierge, qui lui aurait permis de changer d'identité. Sa prochaine audition permettra, en tout cas, de faire la lumière sur cet assassinat, que d'aucuns, avec parfois beaucoup de retenue et de pincettes ont qualifié d'antisémite.

Patrick Sabatier, dans Libération estime qu'il faut certes « prendre garde à ne pas généraliser hâtivement les crimes d'un individu en fait de société (...) Mais il serait bien plus irresponsable encore de ne pas vouloir reconnaître que la barbarie de Bagneux, s'est nourrie d'un climat de propagande haineuse, de violence banalisée et de communautarisme exacerbé dont l'antisémitisme est un symptôme, qu'il ne faut pas banaliser, sous peine de voir la gangrène des haines raciales miner toute la société. »

Dans La Croix, le sociologue Michel Wieviorka affirme que le regain de l'antisémitisme en France est bien réel. Il a longtemps été sous-estimé, selon lui, par les médias et les responsables politiques.

Mobilisation totale

Les responsables politiques ne risquent pas d'être taxés d'immobilisme dans une autre affaire : celle de la grippe aviaire. Alors qu'un élevage de l'Ain aurait pu être contaminé, Jacques Chirac a décrété la « mobilisation totale » de l'Etat français, comme nous le rappelle Le Figaro. Le Premier ministre Dominique de Villepin, lui, annonce une aide de 52 millions d'euros pour la filière avicole. L'armée, de son côté, se prépare à fabriquer des comprimés d'antiviraux. Bref : le principe de précaution avant tout, au risque d'alimenter peurs et psychoses.

« Zone interdite », « Périmètre bouclé », « Sas de décontamination », pour Didier Pobel dans Le Dauphiné Libéré, « le vocabulaire, désormais, ne trompe plus. C'est carrément une guerre aviaire qui est lancée ». Le Parisien-Aujourd'hui en France s'est rendu dans la zone infectée où un périmètre de sécurité a été installé. Onze barrages coupent l'accès à la commune de Versailleux. Des pompiers, combinaison blanche et masque de protection, diffusent des produits désinfectants sur les roues des véhicules. Des précautions que cet automobiliste juge disproportionnées : « arrêtons de mettre en place tout ce bazar, ça fait peur aux gens et ça ne les rassure pas ».

Pas rassurantes, non plus ces informations en provenance de la Réunion. Près d'un habitant de l'île sur cinq est désormais touché par le chikungunya. Ce virus transmis par les moustiques, « anesthésie la Réunion », titre Aujourd'hui en France, qui constate qu'à Saint-Denis, les terrasses sont vides, les plages sont désertes, tandis que les hôpitaux, eux, sont en revanche, bondés. Le monde médical et surtout politique semble avoir été pris de court. Or, la maladie a été diagnostiquée, il y a un an, souligne Libération, qui estime que dans cette affaire, le gouvernement « joue un mauvais remake de la canicule ».

Même tonalité dans La Croix, qui relève que l'épidémie a été sous-estimée. « La Réunion malade de l'incurie du pouvoir », titre de son côté L'Humanité qui constate que, depuis plusieurs mois déjà, plusieurs personnalités réunionnaises ont tenté de se faire entendre devant l'ampleur de la catastrophe sanitaire prévisible. Mais sans succès. Dans ce contexte, Dominique de Villepin, attendu dimanche à La Réunion, aura sans doute fort à faire. Le Premier ministre bien malmené par les sondages. Selon une enquête CSA pour Le Parisien, son image s'écorne, après huit mois de forte popularité. Principal reproche : « il n'est pas assez à l'écoute ».

Et pendant ce temps l'Irak s'enfonce dans la guerre civile. Tous les journaux reviennent sur les affrontements meurtriers qui opposent chiites et sunnites, après le dynamitage d'une mosquée. « La guerre des minarets », titre France soir, qui a interrogé un spécialiste du Moyen-Orient. Selon lui, l'Irak se rapproche de la partition. Pour le reste, tout dépendra de la détermination des communautés concernées.

France-Soir qui, comme Libération, revient enfin sur ce casse du siècle. Dans la nuit de mardi à mercredi, un dépôt de la Banque d'Angleterre a été dévalisé dans le sud-est du pays. L'attaque, menée de main de maître, avait sérieusement été planifiée. Avant de réaliser le braquage, les malfaiteurs ont pris soin de prendre en otage le directeur du dépôt, son épouse et son fils. Le montant du casse s'élève à 73 millions d'euros : on ignore combien ça fait de billets, mais il parait que la Banque d'Angleterre était, hier soir, toujours en train de compter.

par Anastasia  Becchio

[24/02/2006]