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Chronique Médias

Affaire Ilan Halimi : en dire trop, ou pas assez

Trop en dire, ou ne pas en dire assez ? Face à l’affaire Ilan Halimi, ce jeune Parisien juif enlevé, torturé et assassiné, les médias français ont eu beaucoup de mal à trouver la bonne distance. Car au-delà de la barbarie de l’événement, il se profile un spectre tout aussi effrayant : celui de l’antisémitisme. Mais dans un premier temps, et comme l’écrit le journaliste Daniel Schneidermann dans Libération, la prudence a tempéré l’effroi. La presse a en effet attendu plusieurs jours avant de mentionner l’appartenance confessionnelle de la victime. Et le terme d’antisémitisme n’est apparu en une des journaux que le 21 février, soit huit jours après qu’on eut découvert Ilan Halimi à l’agonie. Le Monde titre alors : « Le mobile antisémite retenu dans la mort d’Ilan Halimi ». Même si, dans les pages intérieures, on reste très précautionneux, en précisant que « la police reste réservée sur le mobile antisémite ».

Un pas en avant, un pas en arrière, on sent bien la frilosité des journalistes sur cette affaire. Il faut dire que le RER D est passé par là. Souvenez-vous : le 9 juillet 2004, Marie L., une jeune femme de 23 ans, porte plainte pour une agression dans le RER. Elle raconte que six hommes lui ont volé son sac, puis, la croyant - à tort - juive, lui ont dessiné des croix gammées sur le ventre. Une première dépêche AFP sort le 10 juillet, et l’emballement ne tarde pas. Les médias titrent tous sur « cette ignoble agression antisémite », et les politiques, Chirac et Villepin en tête, font part de leur indignation. Seulement, trois jours plus tard, la jeune femme avouera avoir tout inventé. Le revers est cuisant pour les médias, que l’on accuse alors de s’être comportés comme des « pitbull aveugles » à l’assaut d’une dépêche. Les journalistes ont apparemment bien retenu la leçon, et on comprend mieux la valse hésitation de la presse autour de l’affaire Halimi. Et finalement, trop de précautions valent peut-être mieux, à un moment où les médias peinent à regagner la confiance des Français.

Les Français restent critiques sur le traitement de l’actualité

Les Français ne passent décidément plus rien aux journalistes. Dans le sondage TNS-Sofres sur la « confiance dans les médias », réalisé en janvier et publié cette semaine dans Le Point et La Croix, ils sont 76% à déclarer suivre l’actualité avec intérêt, un résultat en hausse par rapport à l’année dernière. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que les Français ont un œil averti. Ils critiquent en masse la surmédiatisation des déboires conjugaux de Nicolas Sarkozy, qui pour 71% des Français ont été beaucoup trop traités. Même chose pour le retour de Zidane comme « sauveur de l’équipe de France ».

Les Français seraient-ils devenus de fin médiologues ? Attention, ce type de réponse peut être trompeur : lorsqu’on répond à un sondage, on peut chercher à se valoriser en disant : la vie privée de Sarkozy, je ne mange pas de ce pain-là. On peut aussi se donner bonne conscience en estimant que le chômage n’est pas assez abordé dans les médias, comme le pensent 39% des Français. Mais les chiffres d’audience disent tout autre chose. Cécilia et Nicolas, tout comme la saga Jean-Pierre Pernaut/Nathalie Marquay ont cartonné dans les kiosques. Et si une couverture sur le chômage se vendait, ça se saurait.

Mais les Français font preuve de clairvoyance sur les risques d’emballement médiatique. Ils sont 55% à reprocher à la presse d’en avoir trop fait lors de la crise des banlieues, en novembre dernier, et d’avoir trop donné dans le sensationnalisme. Sur l’affaire Halimi, on a pour l’instant évité la surchauffe, mais pas les critiques. En effet, des voix s’élèvent aujourd’hui pour reprocher aux journalistes d’avoir négligé le mobile raciste.



par Delphine   Le Goff

[27/02/2006]

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