Nucléaire iranien
Cherche solution diplomatique, désespérément
(Photo : AFP)
Le rapport du directeur de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) Mohamed ElBaradei ne conclut pas formellement à l’existence d’un programme atomique militaire iranien. Il n’apporte pas d’informations nouvelles, le précédent rapport de l’AIEA du 31 janvier 2006 faisant déjà état d’éléments douteux laissant supposer que Téhéran pouvait chercher à se procurer la bombe nucléaire. Le texte mentionne, notamment, la découverte en Iran de « disques de plutonium » dont le degré d’irradiation correspondrait à des activités nucléaires militaires, et non civiles. Mohamed ElBaradei constate également que les activités d’enrichissement d’uranium à Natanz (centre du pays) se sont intensifiées.
Ce rapport ne devait commencer à être examiné par le Conseil des gouverneurs que mardi soir ou mercredi au siège de l’agence à Vienne, bien que la réunion ad hoc eût débuté lundi. Les discussions ont d’abord été centrées sur des questions dites « techniques ». Ce délai a permis, accessoirement, la poursuite en coulisses de discussions visant à éviter le transfert du dossier iranien au Conseil de sécurité des Nations unies, ce qui ouvrirait la voie à des sanctions contre Téhéran.
Un nouveau plan russe
Des désaccords persistent, en effet, sur l’opportunité de transmettre cette affaire à l’ONU. Les Etats-Unis ont la position la plus ferme et y sont clairement favorables. « A moins d'un revirement spectaculaire, j'attends du conseil (exécutif) de l'AIEA qu'il confirme le jugement rendu il y a trente jours et que le problème soit pris en charge assez rapidement par le Conseil de sécurité des Nations unies parce que c'est là qu'il doit être traité », déclarait dès lundi le sous-secrétaire d'Etat Nick Burns, alors même que s’ouvrait la réunion de Vienne.
La France, l’Allemagne et la Grande-Bretagne, qui forment le groupe UE3, engagé dans la recherche d'un accord avec l'Iran visant à garantir que son programme nucléaire n'a qu'une finalité civile, se veulent un peu plus souples. Elles craignent, elles aussi, que l’Iran ne dissimule un volet nucléaire à visée militaire. Elles demandent, certes, comme Washington, la pleine suspension des activités nucléaires liées à l'enrichissement de l’uranium, y compris la recherche et le développement. Mais elles privilégient le dialogue. Le président français Jacques Chirac déclarait ainsi, lundi, que « la main restait tendue vers l'Iran qui peut à tout moment la saisir. »
Quant à la Chine et la Russie, qui disposent comme Londres, Paris et Washington d’un droit de veto au Conseil de sécurité, elles sont très réticentes à l’idée de sanctions contre l’Iran. Moscou déploie d’ailleurs une intense activité diplomatique. Malgré l’échec, la semaine dernière, de sa proposition visant à enrichir l'uranium iranien uniquement sur son territoire, la Russie, selon certaines sources, reviendrait à la charge avec un nouveau plan. Ce plan, dont on ne connaît pas les détails, aurait pu être soumis mardi par le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, au président américain George W. Bush et à la secrétaire d'Etat Condoleezza Rice. Au sortir de son entretien avec cette dernière, Sergueï Lavrov a toutefois démenti officiellement l'existence d'un compromis russe avant de confirmer que le dossier iranien serait transmis rapidement au Conseil de sécurité de l'Onu.
Washington rejette tout enrichissement de l’uranium par l’Iran
Il est très improbable, en tout cas, et quelles que soient les propositions de compromis qui pourraient circuler en coulisses, que les Etats-Unis fassent des concessions et acceptent ces propositions. Washington a rejeté, jusqu’ici, tout enrichissement de l'uranium par l'Iran, même à petite échelle, alors que la Russie en approuve l'idée. « On ne peut pas laisser le régime (iranien) poursuivre l'enrichissement à aucune échelle, parce qu'enrichir sur une quelconque échelle lui permettrait de maîtriser la technologie, d'achever le cycle d'enrichissement et cette technologie pourrait ensuite s'appliquer facilement à un programme clandestin de fabrication d'arme nucléaire », a déclaré lundi un porte-parole du département d'Etat, Tom Casey.
C’est donc sans surprise que mardi, la Maison Blanche refusait à nouveau, peu avant de recevoir le ministre russe des Affaires étrangères, la possibilité que l’Iran puisse enrichir de l’uranium sur son territoire, tout en disant attendre une action du Conseil de sécurité de l’ONU contre Téhéran.
De son côté, l'Iran continuait de rejeter toute suspension de ses activités de recherche dans le domaine de l’enrichissement, reprises le 10 janvier dernier en dépit des exigences de l'AIEA. « Le seul moratoire que l'Iran soit prêt à accepter concerne l'étape industrielle de l'enrichissement », a déclaré mardi à l'AFP un diplomate proche des négociations. « En ce qui concerne ses activités de recherche, l'Iran est (seulement) prêt à accepter une surveillance plus complète et plus précise de l'AIEA », a ajouté ce diplomate.
par Philippe Quillerier
Article publié le 07/03/2006 Dernière mise à jour le 07/03/2006 à 17:21 TU